Le challenge était là, et non pas des moindres. À travers Marseille, Netflix expérimente sa toute première série européenne et s’imagine rehausser le niveau des séries françaises. Tout un programme donc, pour lequel le géant du streaming américain a chargé du rôle de showrunner (à la française) le réalisateur Florent Emilio-Siri (Cloclo). Alors, verdict : Marseille est-elle à la hauteur des attentes ?
Benoît Magimel et Gerard Depardieu campent deux politiciens s’affrontant pour MarseilleLe House of Cards à la française n’est autre qu’une série politique, qui se veut leader dans son genre quand elle n’est en réalité que miroir des productions actuelles (excluons la surprise Dix pour Cent, et certaines productions estampillées Canal +). Car en réalité, la série pêche par sa démesure : une dizaine de personnages principaux, une volonté de mise en scène efficace et éblouissante, des rebondissements/twists à la chaîne… Le problème, c’est qu’à vouloir tout faire, Marseille ne fait plus rien. On s’y perd dans les intrigues politiques, et la mise en scène laisse pantois.
La série brille cependant par d’autres aspects. Outre les trouvailles visuelles parfois intéressantes, telle que les changements de focales dans les plans aériens donnant une impression de perte des repères et des perspectives, la relation entre le maire Taro et le premier adjoint, Barres, fonctionne. On arrive à croire à l’élève se révoltant contre son maître, à la trahison violente et puissance que Barres entreprend. Mais… (une phrase commençant par mais n’est jamais bon signe) Mais les « performances » des acteurs rendent le tout indigeste.
Car c’est bien là l’une des véritables erreurs de la série : les acteurs sont (globalement) mauvais. Si Gérard Depardieu rentre tout à fait dans son costume de maire plus attaché à sa ville qu’à sa famille, sur laquelle il règne depuis 20ans, ce n’est pas le cas des autres. Qui de Benoît Magimel, qui alterne gimmicks épouvantables et accent marseillais aléatoire en fonction de l’envie, ou de « la révélation »(ce sont les mots exacts de Florian Siri) Stéphane Caillard, dont le jeu paraît risible, la série échoue durement. À vrai dire, elle rend le visionnage plus dur, et nul doute que sans cette erreur, Marseille avait les clés pour être une très bonne série.
Stephane Caillard incarne la fille du maire, et Nassim Si Ahmed son copainMais la faute incombe-t-elle vraiment à tous ces acteurs ? Ou bien le problème ne serait-il pas plutôt dans la direction d’acteurs ? « Un peu des deux » dirait un normand. Il est évident que Florent Emilio-Siri ne comprend pas ce qu’il a entre les mains.
De la même manière que ce dernier, en conférence au Festival Séries Mania, n’arrivait pas à décrire en quoi cela consistait d’être « showrunner à la française », je n’arrive pas à percevoir le sens de sa mise en scène. Le cinéaste, qui a réalisé les 4 premiers épisodes, enchaîne les incompréhensions de montage et les erreurs de mise en scène. Loin de la beauté visuelle du premier teaser, la photo de la série est « cheap », et le cadre souvent anecdotique. L’attente était peut être trop grande, mais la mise en scène fait passer la série pour un « thriller politique » low-cost.
Malgré cela, la série possède de nombreux atouts. Finalement, Pierre Langlais la résume tout à fait quand il la qualifie de soap opéra. Une fois cette notion comprise, on ne peut qu’apprécier la série pour ce qu’elle apporte au genre. On assiste sur 8 épisodes à l’évolution, tant psychologique que réaliste, des personnages. Les rebondissements viennent rythmer une série que l’on regarde comme un feuilleton, loin de l’idée originelle du showrunner qui voulait « insérer le cinéma dans le petit écran ».
Le débat semble serré …L’erreur est partagée. Nous n’aurions peut être pas dû nous extasier de joie quand Netflix avait annoncé la création d’une série française. Nous n’aurions pas dû nous attendre à voir véritablement une House of Cards à la française. Et puis la faute incombe aussi à Netflix, à n’avoir pas su se rendre compte de ce qu’était Marseille, c’est à dire une concurrente directe à l’autre série tournée dans la cité phocéenne : Plus Belle la Vie !
Marseille est une erreur de production. Entachée par sa mise en scène et ses performances, Marseille se rêve thriller politique à la House of Cards quand elle n’est qu’un banal soap opéra, un Plus Belle la Vie survitaminé par Netflix. Malgré cela, la série reste suffisamment agréable à regarder pour qu’on ai envie d’attendre la (peu probable) saison 2.