D’après une histoire vraie, un essai sur l’écriture entre fiction et autobiographie?

D’après histoire vraie, essai l’écriture entre fiction autobiographie?

De: Delphine de Vigan.

Résumé: « Ce livre est le récit de ma rencontre avec L. L. est le cauchemar de tout écrivain. Ou plutôt le genre de personne qu’un écrivain ne devrait jamais croiser. »

* * *

Je l’avais un peu oublié depuis son très réussi, Rien ne s’oppose à la nuit.  D’autres auteurs, lectures et univers l’avaient succédé depuis. Il a fallu que je vois un encart dans le journal pour qu’elle se rappelle à mon bon souvenir. Et, il suffira d’un tour chez Carrefour pour que son nouveau roman D’après une histoire vraie , atterrisse dans mon panier.

La couverture joue beaucoup sur le mystère: une série de photomatons ( est-ce Delphine de Vigan plus jeune?), un résumé quasi inexistant et un titre qui laisse songeur. D’ailleurs, essayer de dire à votre famille que vous lisez D’après une histoire vraie; et voyez l’imbroglio que cela engendre. Du style:  » Oui mais, c’est quoi le titre du livre? ».

Pourtant, il m’a fallu que quelques lignes pour être conquise. Comme toujours, j’ai été happée par son style; une écriture faussement simple recelant finalement bon nombre de trésors cachés. Des mots qui souvent transcendent le quotidien ou/et le révèle dans ce qu’il y a de plus banal, de plus réel.  Et puis, il y a ce caractère universel; cette sorte de voix universelle dont elle se fait la répétitrice; le porte parole qui me rassure et me porte.

Et puis, boum! Comme si cela ne suffisait pas, pour illustrer ses propos elle cite Stephen King. Qui pouvait dire que deux de mes auteurs favoris se retrouveraient réunis un jour par le biais de l’écriture? D’autant que rien n’est laissé au hasard je pense; cela apporte un éclairage parallèle à l’histoire, une explication aussi peut-être. Mais, j’y reviendrai dans quelques instants si vous le voulez bien.

Si à travers l’écriture tu ne cherches pas à te connaître, à fouiller ce qui t’habite, ce qui te constitue, à rouvrir tes blessures, à gratter, creuser avec les mains, si tu ne mets pas en question ta personne, ton origine, ton milieu, cela n’a pas de sens. Il n’y a d’écriture que l’écriture de soi. Le reste ne compte pas.

Avant que l’auteure ou plutôt Delphine ne comprenne ce qui lui arrive, mon instinct me dit que le roman va finir comme dans le film, Harry un ami qui vous veut du bien. Les indices ne manquent pas; et encore une fois, on se dit que ça va mal finir. Ainsi, l’histoire prend des airs de thriller  sans pour autant voir apparaitre un flic désabusé et divorcé. Mais, comment dire on le sent pas très loin. D’autant que l’écrivaine n’hésite pas à nous conforter dans cette direction; à nous donner des détails de sa vie privée, détails qui sonnent vraies.

Mais, rien n’est joué d’avance ni définitif. Avec le temps, le doute s’installe; et l’évocation des romans de Stephen King ne fait qu’accroitre ce sentiment. Tout d’abord, il y a Misery; difficile de ne pas établir un parallèle entre Annie Wilkes et L.L. Toutes deux fan absolues tentant par tous les moyens (physiques et mentaux) de faire retrouver le chemin de l’écriture à leur auteur fétiche. Néanmoins, il est aussi question d’un autre roman, La part des ténèbres. Dans ce dernier, un auteur décide de tuer symboliquement le personnage sous lequel il écrivait. Son nom de plume en fait; mais, ce dernier décide de se rebeller car il n’est pas d’accord avec la décision de son jumeau. Il y a comme un dédoublement de personnalité entre l’écrivain et l’homme.

On retrouve un peu cette idée dans ce roman avec Delphine qui ne se souvient pas du tout de L.L. La rencontre avec cette dernière sonne également comme la fin du glas; une rencontre presque passionnée, amoureuse même avec cette femme qui est parfaite en tout point. Qui ne lui ressemble pas mais représente néanmoins une sorte d’idéal pour Delphine. Soudain, il m’apparait que cette femme pourrait être la propre projection de l’auteure, un fantasme d’elle même. Elle en mieux: belle, forte, courageuse, libre; tout ce qu’elle n’est pas ou ne croit pas être. Un fantasme d’écrivain aussi et dieu sait qu’il y en a j’imagine.

Et là, je me dis peut-être ou je réalise enfin que ce roman n’est pas tirée d’une histoire vraie. Que cela tient sans doute d’un essai sur l’écriture, du processus de création; d’une pure expérience de catharsis aussi. Du pouvoir de rendre les choses réelles en mélangeant autobiographie et fiction. Que l’écriture oblige l’autre celui qui écrit, à se remettre en question. A repousser les limites de son propre jugement, de son imagination. Et autant, il peut être source d’un accomplissement de soi; il peut aussi être synonyme de perte d’identité, de schizophrénie presque. Dans cette facilité à se perdre soi, à perdre le fil tout simplement.

Sans doute que D’après une histoire vraie est le livre le plus personnel de Delphine de Vigan car ce dernier survient après quatre ans d’absence sur le devant de la scène médiatique. Quatre ans qui furent sans doute difficiles aussi bien en tant que femme qu’écrivain.  Ici, elle renoue avec les deux; et le résultat est plutôt bien réussi même si le final à mon sens laisse à désirer.

17 SUR 20

D’APRÈS UNE HISTOIRE VRAIE, UN ESSAI SUR L’ÉCRITURE ENTRE FICTION ET AUTOBIOGRAPHIE?

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