MARSEILLE (Critique Saison 1) Un Dallas sous tranxène

Par Cliffhanger @cliffhangertwit
SYNOPSIS: Robert Taro est maire de Marseille depuis 25 ans. Les prochaines élections municipales vont l'opposer à l'homme qu'il avait choisi pour lui succéder, un jeune loup aux dents longues. Les deux candidats vont se livrer un combat sans merci au terme duquel un seul sortira vainqueur. Une lutte au couteau s'engage, tournant autour de la vengeance et animée par les barons de la drogue, les politiciens, les syndicats et les acteurs politiques de la ville.

Annoncée depuis près de deux ans comme la série qui allait mettre la fiction française dans le bon sens, Marseille, la première création française initiée par Netflix est en ligne ce jeudi 5 mai (avant que TF1 ne diffuse les 2 premiers épisodes le 12 mai) et le public va enfin pouvoir trancher pour savoir s'il rallie la critique quasi unanime contre le show ou si il la trouve digne d'intérêt. En effet, depuis que les premiers avis des journalistes ont été publiés, la série de Dan Franck réalisée par Florent Siri et Thomas Gilou doit affronter un tsunami d'avis négatifs qui met à mal l'image révolutionnaire qu'elle se targuait de posséder avant même sa mise en chantier. Ce qui prédomine avec Marseille c'est l'impression persistante d'avoir été berné et que l'emballage n'était que de la poudre aux yeux destinée à cacher la vacuité de l'ensemble. Et pourtant on aurait voulu l'aimer cette série, la défendre contre cette opprobre qu'elle subie, trouver des arguments positifs pour remettre en perspective le travail de tous ces gens talentueux qui, réunis sous la même bannière, ne pouvaient pas avoir fait un travail si exécrable. On s'y préparait d'ailleurs, à être les seuls à lui trouver des circonstances atténuantes, à relativiser ce qui s'apparentait à nos yeux à des excès de certains confrères. Non pas que la série nous passionnait mais on ne la trouvait pas si détestable que cela, on se disait qu'entre deux pastis, ses limites s'estomperaient et que ses défauts s'atténueraient. Mais ça c'était avant le quatrième épisode (5 épisodes sur 8 ont été montrés à la presse), avant ce twist d'un ridicule effarant, le genre de rebondissement dont on se dit " non ils ne vont pas oser? " et que si, ils osent. Là, devant l'étendue des dégâts, il n'était plus question d'essayer de tempérer les défauts d'une série malade, il suffisait de se rendre compte objectivement que Marseille, malgré tous ses atouts (et ils étaient nombreux) sur le papier était un échec sans appel. Évidemment, nous n'écrivons pas cela de gaité de cœur et il n'est pas question de bashing mais bien d'essayer de pointer du doigt les carences de cette série et ses manquements essentiels qui l'empêchent même de nous faire avaler la pilule. Marseille est symptomatique de la méconnaissance des us et des coutumes qui ont cours dans les séries télé. Et pourtant c'est Dan Franck, un homme de talent et rompu à l'exercice ( Les Hommes de l'ombre, La vie devant elles) qui s'est collé à ce récit. C'est lui qui a concocté cette intrigue vendue comme une histoire politique où les luttes de pouvoir s'engagent entre le maire sortant (interprété par un Gérard Depardieu dont on ne sait si la lassitude qu'il dégage est propre à son personnage ou à l'acteur) et son jeune adjoint (que joue un Benoit Magimel rarement aussi caricatural et affublé d'un accent marseillais qui sort quand ça lui vient à l'esprit). Or Marseille nous enfume car elle n'est ni Les Hommes de L'ombre, ni Baron Noir et encore moins un House Of Cards à la française. De politique, Marseille n'a que ces luttes intestines sur fond d'ouverture de casino à nous mettre sous la dent. En dehors de cela nous sommes devant un soap opéra de luxe, une de ces sagas millimétrées comme on en voyait tant dans les années 80, où les personnages s'écharpent en espérant grimper à la tour de Babel qui fera d'eux les maitres de la ville. Le tout, nimbée d'une ambiance mafieuse, de maladie grave, d'enfant caché, d'amours contrariés, un Dallas sous tranxène, qui n'arbore pas la moindre touche de personnalité ou d'originalité et qui se révèle surtout d'une insignifiance patente. Ce qui manque le plus à Marseille, c'est la patte d'un auteur, un vrai point de vue, un ton, qui éviterait à la série d'être totalement impersonnelle et de s'extirper de l'avalanche de clichés qu'elle escorte.

Autour de Depardieu et Magimel, les femmes ne sortent malheureusement pas grandies de ce jeu de massacre où les personnages féminins sont réduits à des caricatures, notamment Nadia Farès qu'on aime bien et qu'on est content de revoir enfin, mais qui mérite tellement mieux que ce personnage manipulateur qui use de ses charmes pour arriver à ses fins, rabaissant ainsi l'image de la femme après des années de féminisme. Géraldine Pailhas dont le talent n'est pas en cause interprète un personnage dans la tourmente mais chaque effet la concernant est appuyé par une écriture pachydermique. Stéphane Caillard s'en sort elle avec les honneurs avec un jeu toujours juste et ce malgré la lourdeur des dialogues.

Mais là où le bât blesse réellement c'est dans l'appropriation des tâches que semble s'être arrogées Florent Siri réalisateur des 4 premiers épisodes puis suppléé par Thomas Gilou. En effet, Florent Siri est crédité au générique comme showrunner et créateur visuel de la série, ce qui ne s'est JAMAIS vu nulle part. Cela témoigne de l'ignorance totale du réalisateur pour ce média qu'il découvre. Si le réalisateur de Cloclo est un excellent cinéaste, il n'a visiblement pas compris comment se fondre dans la conception d'une série. La réalisation elle-même, censée être son point fort ne se démarque pas par des arabesques visuelles ou des plans novateurs et travaillés. C'est propre mais très illustratif et ça ne souligne jamais son propos ni fait avancer son récit. A l'écouter dire dans l'interview qu'il nous a accordée qu'il a fait comme il fait au cinéma et en pensant qu'une série existe de par sa longueur, il démontre son ignorance en la matière.

MARSEILLE (Entretiens avec Florent Siri, Dan Franck, Géraldine Pailhas, Stéphane Caillard et Nadia Farès)

Dan Franck qu'on pensait showrunner de la série semble s'être fait reprendre son bébé en mains par Siri qui n'a pas su se l'approprier de manière adéquate. Marseille est un échec patent mais c'est aussi la preuve qu'on ne s'improvise pas créateur de série. Qu'en amont le travail considérable abattu par la fiction française devrait servir à ne pas réitérer de telles erreurs. Il faut espérer que ce faux pas n'amène pas le public (qui pourrait tout à fait être extrêmement bienveillant avec la série) à généraliser et à penser que Marseille est le mètre étalon en matière de fiction nationale. Au final, en tant qu'œuvre, on oubliera vite Marseille, série insignifiante et sans âme. Espérons malgré tout que la série soit vue, surtout par les jeunes créateurs de fiction française, pour qu'ils puissent se rendre compte de tout ce qu'il ne faut surtout pas faire.

Crédits: Netflix

Catégories : Critiques, Séries

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