Séduit par le ton particulier de séries géniales tel que L’hôpital et ses fantômes, Bron (qui a inspiré l’aussi agréable Tunnel) ou Real Humans, nous étions ravis de découvrir Acquitted, sortie le 6 avril 2016 en DVD, et éditée par M6 Vidéo, l’une des derniers productions télévisuelles nous arrivant des terres scandinaves, créée par Siv Rajendram Eliassen et Anna Bache-Wiig. Pleine de promesse, celle-ci explore les méandres de l’erreur judiciaire et ses conséquences humaines. Une ambition néanmoins mise à mal par une narration maladroite et des personnages peu attachants.
A 18 ans, Aksel Borgen (Nicolai Cleve Broch) avait était acquitté pour le meurtre de sa petite-amie, Karine Hansteen (Susanne Boucher) faute de preuves suffisantes. Le témoignage tardif de Tonje Sandvik (Synnøve Macody Lund), une de ses conquêtes, lui permettant d’être libéré après un an de détention préventive. Aksel décide alors de quitter Lifjord, sa ville natale pour ne plus vivre sous les quolibets.Vingt-ans plus tard, devenu un gros bonnet de la finance internationale, vivant avec sa femme Angeline (Elaine Tan) et son fils Tim (Mathias Romano) en Malaisie, il est contacté par son ancien beau-père, William Hansteen (Ingar Helge Gimle) pour sauver l’entreprise locale, spécialiste en électricité verte. L’accueil de la mère de Karine, Eva (Lena Endre), PDG de Solartech, est glaciale.
Aksel Borgen (Nicolai Cleve Broch)
Sur le fond, Acquitted peut sembler plaisant par les sujets traités. En premier lieu, il s’agit de dénoncer les préjugés qui peuvent profondément s’ancrer à propos d’un homme acquitté par la justice. Aksel a beau être innocenté, la majorité de la petite bourgade norvégienne ne l’accepte pas, assoiffée de vengeance. Pour le commun des mortels, mieux vaut un bouc émissaire, même innocent, plutôt qu’une absence de réponse. D’une part, cela protège les vrais coupables, et d’autre part, cela permet aux autres de dormir tranquille, persuadés que l’affaire est résolue. La désignation d’un homme à la vindicte populaire est une manière de palier à l’incompétence des services de police et de préserver la paix sociale. A plus forte raison dans une petite ville de province où tout le monde se connaît. Acquitted prend d’ailleurs le temps d’expliciter les conséquences néfastes de l’affaire envers Erik (Tobias Santelmann), le frère d’Aksel et sa mère, Mai-Britt (Anne Marit Jacobsen). Ce genre d’histoire vous colle tellement à la peau qu’Aksel l’a d’ailleurs tue à sa famille et à changer de nom. En second lieu, se développe des thématiques économiques dont l’on croyait, à en croire la propagande médiatique, que les pays nordiques étaient éloignés. Comme une publicité d’office de tourisme, il est donné à la Norvège l’image d’un pays innovant, à la pointe écologiste, en proie cependant aux difficultés nées de la crise et aux déprédations des investisseurs étrangers, ici, la société chinoise représentée par Aksel. Sur ces deux plans qui constituent pourtant l’essentiel de la narration, Acquitted reste malheureusement faible n’allant jamais au fond du problème, se contentant d’en livrer une image d’Épinal.
Tonje (Synnøve Macody Lund) et Aksel (Nicolai Cleve Broch)
Le premier problème, et non des moindres, provient de la caractérisation du personnage principal. Si l’on oublie l’injustice dont il a été victime, c’est un homme détestable. Financier véreux (désolé pour le pléonasme), mari menteur et adultérin, fils et frère absent, partenaire calculateur et cynique, violent par instant, on nous demande d’avoir de la compassion pour lui. Partant de ce caractère particulièrement désagréable, Acquitted a beau tenter de faire jouer les violons pour rattraper le dégoût émotionnel qu’il afflige, cela ne fonctionne plus. Rajoutons à cela, l’espèce d’apathie qui semble avoir saisi tous les acteurs, constamment dans l’absence d’émotion ou le surjeu. Pour rajouter à cela, la série se mue rapidement en saga familiale, affublée de bluettes amoureuses sans intérêts, qui donne parfois l’impression de se retrouver devant Amour, gloire et beauté. À l’image d’Aksel, Eva et son fils Lars (Henrik Rafaelsen) sont si mauvais pour la première et si abscons pour le second que leurs tourments semblent toujours exagérés. Impossible de s’attacher à ses deux-là non plus. Tout juste, les personnages de la femme de Lars, Inger (Ellen Dorrit Petersen) et de sa fille Hélène (Susanne Boucher) deviennent attachant car en révolte sourde contre la morale bourgeoise et arriérée de cette famille. Pour le reste, Acquitted dépeint le monde économique d’une manière assez malsaine, mettant en avant le patriotisme économique avant de mettre en avant la lutte des classes. Jamais n’est mis en question la gestion d’Eva, qui n’a apparemment pas trop de remords de ne pas avoir su justifier son salaire de PDG. A côté de cela, Svein Eriksen (Fridtjov Såheim), le syndicaliste de la société, marche main dans la main avec la direction, organisant des barbecues où il invite son patron, comprenant, après un semblant de désapprobation, qu’il soit nécessaire de réduire les coûts en licenciant du personnel, malgré les promesses faites lors du rachat. Acquitted comme tant d’autre production distille une ode à la fatalité qui exclue d’emblée toute forme de lutte. Une manière de faire encore plus mortifère qu’un soutien sans faux-semblants aux fossoyeurs économiques que sont les multinationales.
Eva (Lena Endre) et William (Ingar Helge Gimle)
À l’image de Lifjord, petite ville sans histoire, dont un fait divers vient tromper l’ennui, les réalisateurs d’Acquitted tentent de le tromper également en faisant sombrer une idée originale dans la saga familiale et bourgeoise lambda, oubliant en chemin ses nobles aspirations.
Boeringer Rémy
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