Théo & Hugo dans le même bateau

Date de sortie 27 avril 2016

Théo & Hugo dans le même bateau


Réalisé par Olivier Ducastel et Jacques Martineau


Avec Geoffrey Couët, François Nambot,

Mario Fanfani, Bastien Gabriel, Miguel Ferreira,

Éric Dehak, Arthur Dumas, Patrick Joseph


Genre Comédie dramatique


Production Française

Synopsis

Théo (Geoffrey Couët) et de Hugo (François Nambot) se rencontrent dans un club libertin. Très vite la complicité entre eux dépasse le simple lien charnel.

Passé l’exaltation des premières étreintes passionnées, dégrisés, ils errent dans les rues vides du Paris nocturne, et se confrontent à leur amour naissant.

Puis la peur au ventre direction les urgences. Et si Hugo, séropositif, avait contaminé Théo qui a fait l’erreur, dans un moment d’abandon, de vivre l’instant sans protection ?

Conversation entre les réalisateurs, Olivier Ducastel et Jacques Martineau


La scène d’ouverture


Olivier Ducastel  :  J’imagine qu’on va beaucoup nous parler de la scène d’ouverture du film. Pourtant, elle a été assez simple à tourner, tu ne trouves pas ?
 


Jacques Martineau : Je crois que c’est parce que nous racontions une vraie histoire, que nous étions tous concentrés sur cet objectif qui a rendu le filmage de la sexualité aussi naturel que ce que nous avions imaginé lorsque nous avons conçu le projet. Ce n’est pas qu’une scène de coït et la "performance" qui consiste à filmer des comédiens en érection, s’est complètement effacée (même si, quand même, ça ne se fait pas comme une scène de repas !) devant les nécessités du récit : il fallait qu’on croie à cette rencontre amoureuse, à cet élan éperdu du désir. La question des regards était pour nous tous la plus essentielle. Mais il faut admettre que cette scène n’a pas rendu la production du film très simple.

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La production du film


Olivier Ducastel : Oui et non. Nous savions, avec Emmanuel Chaumet, dès que nous avons lancé l’écriture, qu’il nous faudrait rester dans ce que nous appelons la catégorie des films pirates, totalement en dehors des circuits de financement habituels du cinéma français. Partant de là, on pense son film différemment dès l’amont. Cela ne nous a pas seulement offert une grande liberté, mais nous a aussi incités à aller au bout de nos idées : ça ne valait pas la peine de se mettre en marge si c’était pour produire à la fin des images édulcorées. Le filmage de cette première scène était aussi une expérience : nous voulions vérifier qu’il était possible de filmer la sexualité en s’écartant à la fois des interdits "moraux" (et économiques) et de la grammaire classique des films pornographiques qui utilise les gros plans en inserts, lesquels permettent d’employer des doublures.

Les comédiens


Jacques Martineau : Du coup, les comédiens n’ont pas été pour rien dans cette affaire, tu ne crois pas ?
Olivier Ducastel : Oui, naturellement. Ils étaient tellement décidés, ils nous ont parus si évidents pour le rôle, que ça a levé bien des inquiétudes et nous a aidé à aller de l’avant. Geoffrey Couët et François Nambot ont eu la chance de passer leur scène d’essais ensemble et ils se sont immédiatement imposés à nos yeux. Nous les avons rencontrés, nous avons discuté du projet, de la question du filmage de la sexualité et nous les avons choisis. C’était un coup de cœur.
Jacques Martineau : Jecrois qu’il faut préciser que nous avons fait un casting relativement ordi- naire, par la voie d’une annonce très explicite qui a d’emblée écarté beaucoup de candidats avant même les essais de jeu classiques sur une scène de comédie écrite pour l’occasion.
Olivier Ducastel : Oui, et ce n’est qu’après avoir proposé le rôle à François et Geoffrey, et à eux seuls, que nous avons fait des essais de filmage de la sexualité. Il s’agissait de vérifier tous ensemble que nous nous sentions suffisamment à l’aise. Nous avons fait cela avec le chef-opérateur, son assistante et notre assistant à la mise en scène. Comme un petit tournage. C’était aussi pour que les comédiens puissent décider de ne pas aller plus loin dans l’aventure.

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Une histoire d’amour avant tout


Jacques Martineau : Ça nous a rassurés sur notre capacité collective à filmer la sexualité comme nous l’imaginions, mais je crois que ce qui nous a le plus emballé, c’est qu’avec Geoffrey et François, à l’image, on voyait surtout quelque chose de très amoureux. Parce qu’au fond nous voulions raconter une histoire d’amour avant tout. C’est bien ce que tu m’avais commandé, n’est-ce pas ?
Olivier Ducastel : J’avais envie d’un récit qui raconte le début d’une histoire d’amour. Tous nos films parlent d’amour, mais je voulais revenir à la source. Peut-être pour rejoindre et dénouer Jeanne et le garçon formidable qui racontait la naissance d’un amour qui ne pouvait aboutir. Là, j’avais envie d’une histoire qui aille au contraire vers une fin heureuse, même si les personnages vivent des moments difficiles qui menacent cette histoire naissante.
Jacques Martineau : Parce que l’éclosion d’un amour, c’est aussi l’histoire d’une prise de risque : l’amour est en soi une prise de risque. Il ne s’agit pas de dire que baiser sans se protéger est un signe d’amour, mais de raconter une fiction qui met en scène ce moment où on se dit qu’on tombe amoureux, qu’on accepte cet amour, même si, on le sait, à un moment ou un autre, le prix à payer risque d’être assez élevé. Et c’est une prise de risque aussi parce que personne ne sait vraiment ce que ça veut dire "être amoureux". On sent un truc, on décide que c’est de l’amour, mais on ne sait pas vraiment si c’est solide.


Un film gay


Olivier Ducastel : Comme d’autre part nous voulions aussi réaliser un film gay, une histoire entre deux garçons, il nous a paru évident de placer la sexualité en premier. Parce que c’est quand même souvent comme ça que ça commence chez les gays et aussi parce qu’en l’espèce la rencontre amoureuse sexuelle entraîne rapidement un conflit à cause de la séropositivité d’un des deux partenaires. C’est Jeanne un peu, mais à une autre époque et en version happy ending. Enfin, si on n’écoute pas trop Hugo qui parle déjà de la séparation future.

Jacques Martineau : Tu dis "un film gay". On va encore se faire taper sur les doigts !

Théo & Hugo dans le même bateauOlivier Ducastel  : Ça ne nous a jamais fait peur.
Jacques Martineau : Non et c’est pas à notre âge qu’on va commencer à déclarer que c’est "clivant" de penser ainsi. Personne ne nous croirait, de toute façon.
Olivier Ducastel  : Mais je ne vois pas pourquoi les hétéros ne pourraient pas voir notre film.
Jacques Martineau : Ouais, l’amour c’est universel !


Olivier Ducastel  : Un peu passe-partout comme slogan, non ?
Jacques Martineau : Alors : le sexe c’est universel !

Un film en temps réel


Olivier Ducastel  : Hum ! Par les temps qui courent, je n’en suis pas si sûr. Attendons de voir. On pourrait juste dire que c’est un film, un film en temps réel qui plus est. C’est intéressant le temps réel, non ? C’est toi qui a en eu l’idée, pourquoi ?
Jacques Martineau : Ça s’est un peu imposé à moi, ce désir d’attraper un personnage et de ne pas le lâcher. Je me suis dit que tant qu’à vouloir parler de la naissance d’un amour, autant ne pas trop user des artifices d’un récit à ellipses. Rester dans la tension de ce moment, chercher à susciter chez le spectateur le simple désir de savoir si, entre ces deux-là, pour finir, une histoire d’amour va vraiment débuter. De ce point de vue, commencer par la grande scène de sexe m’est vite apparu nécessaire aussi en termes narratifs. Il me semble qu’elle donne l’élan et l’impulsion du récit. C’est elle qui permet ensuite qu’on accepte les légers flottements du temps réel, les moments moins denses et il me semble du film, de renoncer complètement à construire une autre tension dramatique que celle liée à l’envie d’accompagner les deux personnages jusqu’au moment où on peut espérer que leur histoire d’amour continue : de la trivialité du sexe à quelque chose de plus sentimental. L’amour, quoi !
Olivier Ducastel : Dans tout ça, il y a aussi l’envie d’explorer un nouveau "genre" filmique. Les films en temps réel (qui donnent l’illusion du temps réel), m’ont toujours plu. Je venais d’ailleurs de voir Locke de Steven Knight qui m’a vraiment confirmé ce goût.
Jacques Martineau : Et ça explique aussi le titre qui est une référence à Rivette, grand amateur de temps réel.
Olivier Ducastel : Et le nom du personnage ! Théo est un hommage à la Cléo d’Agnès Varda. Mais Théo de 4 à 6, ça aurait été un peu trop référencé. Théo c’est suffisamment transparent comme ça.
Jacques Martineau : Je crois aussi que nous n’aimons pas beaucoup refaire ce que nous avons déjà fait. C’est amusant de se frotter à de nouvelles difficultés à chaque fois. Parce que, quand même, c’est différent de préparer, tourner et monter un film en temps réel.
Olivier Ducastel : Oui, bien sûr. En amont, nous avons beaucoup lu et relu le scénario, avec les comédiens, avec les membres de l’équipe, dont le monteur, pour tenter d’être au plus juste, de retirer déjà tout ce qui, dans un film "normal", tombe naturellement au montage. Cela impose des choix, pas toujours faciles à faire car, après, on doit s’y tenir. Pour les décors, on suit les comédiens dans leur trajet. Là encore, même s’il y a quelques contractions de l’espace réel, nous avons choisi en amont et n’avons pas pu, comme à l’habitude, privilégier tel ou tel lieu qui aurait été plus simple en terme de logistique ou de lumière. Mais nous avons beaucoup arpenté les décors avant le tournage, pour être sûrs de notre coup. Au montage, il y avait des interdits.

Théo & Hugo dans le même bateauNous avons demandé à Pierre Deschamps, le monteur, de travailler pendant le tournage. Cela permettait de vérifier que notre parti-pris fonctionnait. Dans le pire des cas, nous aurions pu retourner un bout de scène, nous n’avons pas eu à le faire. Ensuite, comme la liberté au montage était relativement réduite, nous avons laissé le monteur travailler seul encore plus que sur nos films précédents.

Il nous a surpris par le choix de certaines prises que nous avions a priori écartées au moment du tournage, mais qui finalement trouvait mieux leur place dans la continuité du film, soit en apportant de la fluidité, soit au contraire en bousculant un peu l’attendu. Et puis même si le temps réel contraint beaucoup, il laisse pas mal de petites libertés dont Pierre a su se saisir : il a un un bon sens du rythme que j’aime beaucoup.
Jacques Martineau : Cela dit, il y a quand même des séquences découpées sur lesquelles le travail de montage était assez lourd, en particulier la première. Mais il fallait toujours conserver le sentiment du temps réel. Ça se joue sur des raccords, certains plans pris dans leur durée, etc. Si on ajoute la petite économie, c’est en définitive un film qui s’est beaucoup construit autour de contraintes formelles et techniques, dont découle en grande partie la mise en scène. C’était plutôt bénéfique, en particulier pour filmer le Paris nocturne dont nous avions envie, non ?

Filmer le Paris nocturne


Olivier Ducastel : Oui, bien sûr. Par exemple, si nous avons osé d’aussi longs plans séquences c’était à la fois pour des questions de jeu, mais aussi pour des raisons économiques (découper prend un temps fou) et techniques : dans la rue, la nuit, sauf à bénéficier de moyens énormes, on ne peut maîtriser la lumière, or les températures de couleur changent énormément dans Paris. Dans certains plans, il y a des « anomalies » lumineuses, on passe du jaune au blanc, les changements de couleur des feux produisent des effets étranges sur les comédiens, etc. Tout cela, dans un film classiquement découpé poserait d’importants problèmes de raccords : dans un plan séquence, le spectateur accepte ces variations parce qu’il les comprend. Notre chef-opérateur, Manuel Marnier, a formidablement géré toutes ces contraintes. Pour la lumière, avec des moyens très légers, il a réussi à nous offrir une nuit parisienne réaliste, sombre comme nous le souhaitions, qui évite les horribles effets verts sur les visages des comédiens. Et j’aime aussi beaucoup son sens du cadre, son habileté à faire entrer avec justesse les accidents du réel.

Jacques Martineau : Quand on a si peu de moyens, on ne peut pas maîtriser la circulation, les passants, etc. Dans les plans séquences, les accidents habitent le plan très naturellement. On peut, au montage, choisir un plan non seulement pour le jeu, mais aussi pour les événements extérieurs : nous avons eu quelques passages de voitures, camions, ambulances ou motos que nous n’aurions pas même eu l’idée d’organiser si nous avions eu un gros budget. Derrière les comédiens, nous avons tenté de saisir aussi le Paris nocturne, vide, mystérieux, habité de quelques présences diffuses, traversé des feux des véhicules, illuminé par le mobilier urbain ou les quelques enseignes qui restent éclairées toute la nuit.

Olivier Ducastel : Le film est une déclaration d’amour à cet Est-parisien que nous habitons, que nous aimons beaucoup et que nous avions déjà filmé, il y a 18 ans, dans Jeanne. Il se trouve qu’aujourd’hui, parce que le trajet des personnages croise un moment celui des terroristes du 13 novembre, ces images prennent un poids nouveau. Par un hasard assez troublant, c’est au moment où Théo passe devant les deux cafés où ont débuté les fusillades, que nous avons mis des images mentales de cauchemar. Mais le film était monté avant les attentats, ce n’est que pure coïncidence.

La musique


Jacques Martineau : Si nous parlons de Paris, je crois que c’est le moment d’évoquer aussi la musique. J’y pense parce qu’après la scène du sexe-club, elle contribue selon moi à souligner non seulement la couleur psychologique de certaines scènes, mais aussi à ouvrir le spectateur à une meilleure perception de l’espace. Parfois, vraiment, il me semble qu’elle aide à mieux voir les décors, à en mesurer la profondeur mystérieuse. Et certains plans, comme la course le long du canal, ont été tournés pour lui laisser de la place. Elle était essentielle pour nous, n’est-ce pas ?
Olivier Ducastel : Oui, à commencer bien sûr, par la scène d’ouverture sans dialogue. Il fallait une musique de sexe-club, qui enchaîne les morceaux comme dans une playlist mais qui, pourtant, soit composée en partie à l’image pour souligner certaines inflexions du récit. Et nous voulions aussi quelque chose de très énergique, sauvage et lyrique. Cette scène doit être une sorte d’expérience visuelle et sonore pour le spectateur, à la mesure de l’expérience existentielle que vivent les personnages. Je crois que le spectateur peut en sortir un peu épuisé, avec presque autant de désir de respirer l’air frais de la rue que les personnages qui se retrouvent seuls, ensemble, dans l’intimité étrange de ce Paris désert.

Jacques Martineau : Il y a quand même un titre d’Asaf Avidan. Pour le plaisir et aussi pour crédibiliser la musique du début comme musique de sexe-club.
Olivier Ducastel : Parce que tout le reste de la musique a été composé par un collectif de jeunes gens dont fait partie le mixeur du film. Nous avons aimé les compositions qu’ils nous ont fait entendre et nous nous sommes dit que ce serait bien de faire confiance à des jeunes gens qui ont un goût musical de leur époque, un goût vraiment contemporain.
Jacques Martineau : Travailler avec des jeunes gens pour qui c’était une première expérience de long-métrage, c’était un peu le mot d’ordre du film de toute façon. Pour nous obliger à ne pas être dans la routine, et aussi pour prolonger le travail de transmission et d’enseignement que nous effectuons, toi à la Fémis, moi à l’Université de Nanterre. C’était une belle expérience.

L’évolution de notre collaboration


Olivier Ducastel : Et notre collaboration ? On nous pose toujours une question sur l’évolution de notre collaboration.
Jacques Martineau : Bon, quoi, nous ne vivons plus ensemble, c’est pas un secret et je n’ai pas tellement l’impression que ça a beaucoup changé notre manière de travailler. Tu as toujours été relativement interventionniste sur l’écriture, mais en me laissant totalement libre de mon travail. Idem pour la mise en scène de mon côté. Avec les comédiens, au montage, au mixage, je crois que nous avons partagé comme à notre habitude. Avec nos compétences particulières. Tu vois quelque chose de différent ?
Olivier Ducastel : Juste un détail : plus de liberté en ce qui me concerne pour parler de la sexualité avec toi.
Jacques Martineau : C’est super intime, ça. Tu crois qu’on peut vraiment l’imprimer ?
Olivier Ducastel : Bah ! Après ce qu’on a filmé…


Ils rigolent.

Théo & Hugo dans le même bateau

Mon opinion

Très loin de leur premier film, Jeanne et le garçon formidable, du sympathique Drôle de Félix ou du très beau, L'Arbre et la forêt, dans lesquels de grands comédiens participaient à la réussite de ces réalisations, les deux réalisateurs prennent un virage à 180°.

Une très longue scène d'ouverture orgiaque est telle une publicité pour le sex-club parisien. Par ailleurs très bien filmée.

S'en suit une balade, presque rêvée, dans un Paris nocturne en vélib, à pied, en courant aussi. Quand viendra le questionnement sur la prise de risque d'une relation sans protection, le film prend des airs didactique et s'enfonce dans les clichés. Le passage aux urgences, d'un hôpital parisien. L'immigration, avec un vendeur de kebab. Les retraites, aussi, avec une charmante vielle dame obligée de faire des ménages, pour améliorer l'ordinaire, sans se plaindre par ailleurs.

Jacques Martineau a déclaré : "Je crois aussi que nous n’aimons pas beaucoup refaire ce que nous avons déjà fait. C’est amusant de se frotter à de nouvelles difficultés à chaque fois. Parce que, quand même, c’est différent de préparer, tourner et monter un film en temps réel."

Certes, mais pour ce film c'est passablement raté. Dommage.