[critique] DALTON TRUMBO

Réalisé par Jay Roach.

Avec Bryan Cranston, Diane Lane, John Goodman, Elle Fanning, Helen Mirren,David James Elliott( Michael Stuhlbarg, Dean O'Gorman...

★★★☆☆

Sortie le 27 avril 2016.

[critique] DALTON TRUMBO

Dalton Trumbo fait partie de ces biopics, comme Le Discours d'un roi ou plus récemment The Imitation Game, dont la grande force est de mettre en lumière un personnage hors du commun peu connu du grand public, incarné par un acteur l'habitant parfaitement. En dehors des bancs des écoles de cinéma, le nom de Dalton Trumbo reste plutôt méconnu. Il est pourtant probablement l'un des plus grands scénaristes de l'histoire du cinéma. Déjà vu Johnny Got His Gun ? Spartacus ? Vacances Romaines ? Exodus ? Les scenarii de ces chefs d'œuvre sont tous signés Trumbo.

En 1947, Dalton Trumbo ( Bryan Cranston), est auditionné par la Commission de la Chambre des représentants sur les activités antiaméricaines. Avec neuf de ses collègues, producteurs, auteurs ou réalisateurs, il fera partie d'une " liste noire " : il sera désormais interdit de travail et envoyé momentanément en prison, pour son appartenance au Parti communiste. Le film nous plonge dans le processus qui aboutit à cette mise au chômage forcée et dans les douze longues années de disette qui s'en suivirent.

[critique] DALTON TRUMBO

Ce qui frappe surtout dans le film, c'est la violence des discours anti-communistes et l'explosion de haine à Hollywood à la sortie de la Seconde guerre mondiale. Divisée en deux camps, l'industrie du cinéma produit son lot de dénonciateurs et de victimes. Une véritable guerre fait rage. Dans ce conflit, l'impossibilité de travailler précipitera Dalton Trumbo dans une grande détresse morale, tout en maintenant sa détermination de travailler. Le scénario s'imprègne des faits mais ne sort jamais des sentiers battus. La mise en scène, classique et passe partout, ne pose jamais sur ces évènements un regard original.

La forme reste de bonne facture, au service d'un fond politique glaçant, ayant broyé des vies et de nombreuses carrières. Dalton Trumbo ne fait qu'illustrer cette période, la met sous les projecteurs pour le plus grand nombre, et les spectateurs apprécieront ce côté documentaire filmé. La fluide steadycam répond aux classiques champs/contre-champ des dialogues, et on se plaît à repérer tels ou tels acteurs bien connus. De ce point de vue, le réalisateur Jay Roach (Mon beau-père et moi, H2G2 : Le Guide du voyageur galactique) parvient intelligemment à nous faire oublier le manque de ressemblance de certains acteurs avec les personnages qu'ils incarnent. Ainsi, les interprètes de John Wayne ( David James Elliott), Edward G. Robinson ( Michael Stuhlbarg) ou Kirk Douglas ( Dean O'Gorman) ont peu de ressemblance avec leurs homologues originaux, mais leur présence et leurs attitudes prennent le dessus. ICI il y a parti pris. Et c'est plutôt réussi. La mise en scène se démarque encore légèrement en mélangeant, lors des entretiens avec la Commission, de réels archives (on voit ainsi les vrais Robert Taylor et Ronald Reagan dénoncer leurs collègues !) aux fausses images fabriquées avec les acteurs du film. On passe facilement du noir et blanc vieilli artificiellement à la belle couleur, dans un procédé déjà vu mais très à propos.

[critique] DALTON TRUMBO

Si Dalton Trumbo est bien éloigné de The Queen et des choix personnels de son réalisateur Stephen Frears, on retrouve un interprète parfait au service du personnage central. Car avouons-le, Bryan Cranston constitue la principale attraction du film. Notre très cher Walter White, qu'il incarne dans la brillante série Breaking Bad, partage avec Dalton Trumbo une intelligence hors pair. Cranston investit son rôle comme Benedict Cumberbatch ou Colin Firth l'ont fait respectivement pour Alan Turing ou George VI. Son interprétation, sans être une performance inoubliable, est tout en justesse, mêlant sensibilité et malice. Il rend son personnage profondément sympathique et provoque notre révolte lorsque l'injustice s'abat sur lui. Ce rôle a d'ailleurs valu à Bryan Cranston sa toute première nomination aux Oscars. A noter que sa partenaire Diane Lane, incarnant la femme de Trumbo, est parfaite, belle et lumineuse. Le duo reproduit la puissance du couple original, uni pour le meilleur et pour le pire pendant toute leur vie. On retrouvera encore dans le casting d'excellents acteurs, comme John Goodman ou Elle Fanning. Quant à Helen Mirren, elle incarne une chroniqueuse hollywoodienne, mégère anti-communiste primaire, avec une extrême jubilation.

On l'aura compris, peu de spectateurs retiendront le nom de Jay Roach. Mais on se souviendra de Bryan Cranston, au potentiel dévastateur et encore trop rare au cinéma.

Pauline R.

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