Suspicions

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Seven7 Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le dvd du film « Suspicions » de Declan Dale.

« On va trouver les salopards qui ont fait ça. Je te le promets. »

Enquêtant sur le meurtre de son coéquipier Joey Cullen, Scott Galban découvre des preuves accablantes de corruption qui viennent ternir l’image du bon flic. Poussant ses investigations, malgré les réticences de son entourage, il est convaincu que quelqu’un détient une information capitale.

« Votre collègue était totalement corrompu. Malgré cela, sa femme touchera une pension complète. Si vous vous obstinez à creuser, vous risquez de lui faire perdre tout cela. Vous ne voulez pas avoir cela sur votre conscience ? »

« Suspicions » est un film étonnant. D’abord sur la forme : il est signé par un certain Declan Dale. Il aurait pu être signé par Alan Smithee  que ça aurait été la même chose : un prête-nom. Un réalisateur fantôme. On plutôt qui n’assume pas la paternité du film et qui refuse de lui associer de façon officielle son nom. La vérité ? Le film a en fait été réalisé par Gee Malick Linton, un quadra touche-à-tout qui a déjà bien roulé sa bosse dans le milieu du cinéma, tantôt comme scénariste, producteur ou réalisateur de courts métrages. Il devait réaliser là son premier long, qui devait être centré sur une affaire de traumatisme liés à une enfance abusée. Un projet ambitieux (qui se voulait inspiré par des références telles que « Le labyrinthe de Pan » et « Irréversible ») et surtout bilingue (anglais et espagnol) pour coller au mieux à son contexte communautaire. Mais la production en a finalement décidé autrement et a choisi de revoir le scénario de fond en comble en cours de tournage pour recentrer le récit sur le personnage du flic interprété par Keanu Reeves (rôle auquel fut un temps attaché le regretté Philip Seymour Hoffman). Des changements sur lesquels le réalisateur n’a eu aucune prise et qui l’ont donc amené à renier la paternité du résultat final.

« Dieu peut nous permettre de voir les anges. Il peut décider de nous montrer ou de nous cacher les choses. Je pense qu’il a un projet pour toi. »

Qui dit tournage mouvementé dit - souvent - résultat décevant. « Suspicions » n’échappe malheureusement pas à cette règle. Le film commence pourtant de façon prenante : une jeune femme rentre seule d’une virée nocturne par le métro après avoir reçu plusieurs mises en garde de ses amis et voit d’un seul coup apparaitre d’étranges visions. L’ambiance se fait éthérée, un peu comme un cauchemar éveillé, et on se dit que le réalisateur va nous embarquer dans un thriller paranormal. Et puis finalement, à notre grande surprise, il n’en sera rien. L’intrigue rebondit brutalement après une ellipse inattendue sur l’assassinat d’un inspecteur de police sorti de derrière les fagots et dont nous ne verrons rien. Son taciturne partenaire, lui même récemment devenu veuf, va donc mener l’enquête en remontant le fil des évènements, à la manière d’un polar ultra classique. Le problème, c’est que le film avance toujours dans un entre deux permanant : et tandis que l’enquête progresse sans susciter de passion (le héros découvre peu à peu que son partenaire était un pourri), la jeune héroïne est toujours, dans une intrigue parallèle, sujette à ses étranges visions. Sans véritable fil rouge, le fil tangue tant bien que mal, déconcerte et finit par perdre ses spectateurs en route, qui se rendent compte à quel point le film a échappé à tout contrôle, tant celui du réalisateur que de la production. Bancal, le scénario rappelle alors les thrillers aux intrigues déstructurées très à la mode dans les années 2000 (« Memento », « Sixième sens », « Stay », « Eternal sunshine of the spotless mind »), jouant de la confusion entre réalité et délire mental. Une sorte de puzzle à reconstituer mais dont il manquerait au final les pièces les plus essentielles pour que le switch final soit logique et bluffant. Au milieu de tout cela, Keanu Reeves semble bien transparent dans ce rôle un peu inconsistant tandis que la belle (et trop rare) Mira Sorvino se contente de faire de la figuration. Finalement, c’est encore la jolie Ana de Armas qui s’en sort le mieux. Mais l’ensemble apparait quand même au final un peu vain. Dommage, car il y avait sans doute là matière à un bon thriller.

*

Le dvd : Le film est proposé en version originale américaine ainsi qu’en version française. Des sous-titres optionnels français sont également proposés. Aucun bonus ne vient compléter cette édition.

Edité par Seven7 Editions, « Suspicions » est disponible en dvd ainsi qu’en blu-ray depuis le 9 mai 2016.

Le site Internet de Seven7 Editions est ici. Sa page Facebook est ici.