Devez vous voir Angry Birds : Le Film en relief?
On a souvent entendu la phrase: “moi, dans le film, ce qui m’a le plus plu en 3D c’était la pub Haribo!!!!!!! XPTDR”. Oui, les pubs bénéficient très souvent d’un relief exemplaire, et à en croire les détracteurs de cette technologie, on trouve le meilleur effet dans les réclames de nos cinémas, avant les films. Très bien.
Dressons l’hypothèse suivante: Pub en 3D = 3D exceptionnelle. Vérifions donc celle-ci avec Angry Birds : Le Film, la fameuse publicité d’une heure et demie qui vient d’envahir nos salles.
De quoi s’énerver tout rouge
Rappel des faits : Angry Birds : Le Film est l’adaptation du jeu vidéo du même nom (sans “Le Film”, ça tombe sous le sens, auquel cas l’adaptation ciné s’appellerait “Angry Birds le Film : Le Film”, ce qui serait assez embêtant pour tout le monde, sauf les bègues, évidemment.). Dans le fameux jeu pour mobiles sorti originellement en 2009, le principe était de lancer des oiseaux à l’aide d’un lance-pierre pour les envoyer se fracasser sur les habitations des méchants cochons qui avaient volé les oeufs des-dits oiseaux (désolé, je viens de vous spoiler le scénario du film).
Un lance-pierre, des projectiles, des oiseaux, des explosions, des débris, tout est donc réuni pour en mettre plein la vue en 3D. Sauf que le film passe constamment à côté de son potentiel, à en croire qu’il le fait exprès.
Un bon début
Et pourtant, la séquence d’introduction promettait quelques moments intéressants en 3D, notamment avec une profondeur honnête sans être transcendante, et le jaillissement au ralenti d’un écureuil en direction du spectateur. Ce n’est pas grand chose, peu ou prou ce à quoi d’autres grands studios d’animation nous ont habitué.
Il est utile de rappeler que le film est coproduit par Sony Pictures et Rovio Animation (la filiale de dessins animés du développeur de jeux vidéo finlandais). Certes, c’est un premier pas dans le monde du relief pour Rovio, mais Sony Pictures est, lui, un habitué. Tempête de Boulettes Géantes et Hotel Transylvanie proposaient des 3D correctes, avec des séquences taillées pour le relief !
Dépassé la séquence d’introduction, la 3D devient extrêmement mollassonne, et on se met à guetter le moindre bec qui pourrait dépasser de l’écran ou panorama qui permettrait de nous immerger en profondeur dans le monde que l’on découvre.
Au centre: le spectateur découvrant la qualité du relief de ce film.
Un relief qui bat de l’aile (quel beau jeu de mot).
Pourtant, le film nous rappelle par petites touches qu’on a payé plus cher notre place, par exemple, lors de la scène d’exploration du bateau des cochons, où le personnage de Chuck sort sa tête de l’écran pour scruter la salle de cinéma. Il y a aussi, éparpillés ça et là, quelques timides jaillissements de particules, tellement discrets et rapides que le spectateur ne les remarquera pas les trois-quarts du temps.
Il y a cependant une séquence du film qui se démarque un peu en relief : celle de l’attaque du château des minions des cochons par les oiseaux. Ceux-ci, comme dans le jeu, se propulsent grâce à un lance-pierre géant, et cela donne lieu à quelques séquences qui utilisent (enfin) le relief à fond. On notera l’envol de Red, cadré avec le personnage de face, dans les airs. Ce cadrage propulse le protagoniste en jaillissement assez longtemps et la profondeur derrière lui, associée à la vitesse, permet de bien s’immerger dans l’action. Même constat lors de l’envol d’un autre oiseau, cette fois-ci en vue subjective, avec une profondeur optimale jusqu’à l’explosion sur l’un des bâtiments !
En parlant de profondeur, celle ci est clairement encore plus mal utilisée que les jaillissements. Si ce ne sont pas les flous d’arrière plan (pourtant complètement évitables en animation !), ce sont la brume ou les nuages qui viennent casser la sensation de profondeur et d’immersion des scènes. Par exemple, lorsque l’Aigle va prendre son envol, en haut de sa montagne, il n’y a en dessous de lui que des nuages. Pas de vertige, c’est bien dommage.
Attention, c’est la partie un peu technique.
Mais ce qui casse le plus l’effet de relief dans son ensemble, c’est son manque de spatialisation du relief. Je m’explique. Imaginez une image comme une superposition de calques. Un calque proche pour le premier plan, un calque un peu plus éloigné pour les éléments intermédiaires et un calque très loin pour l’arrière plan. En relief, ces calques sont séparés par leur spatialisation en profondeur. C’est ce qui nous permet de “ressentir” l’horizon loin de nous et le personnage principal plus proche.
Le problème dans Angry Birds, c’est qu’il n’y a souvent que deux calques: le premier plan et l’arrière plan. On a donc le personnage qui fait l’action bien défini dans l’espace, mais tout ce qui se trouve derrière lui est sur la même profondeur, cassant donc toute immersion ou vraisemblance possible.
Vous allez dire que je chipote, mais c’est ce qui différencie un Gravity d’un Angry Birds : Le Film.
Alors, 3D mon cul ?
Si on devait énumérer les atouts de Angry Birds : Le Film, une bonne 3D ne ferait pas partie de la liste. (La liste ne serait pas longue, d’ailleurs). Quand on pense à tout ce qu’une adaptation d’Angry Birds pouvait apporter au relief, on ne peut qu’être déçu. Le jeu c’est des explosions, de la vitesse, de l’envol : un cocktail qui sied parfaitement à la dimension spectaculaire que peut apporter le port des lunettes. Il semble évident que les équipes ont négligé cet outil sur toute la durée de la production et en résulte un rendu tridimensionnel assez rare quand on parle de film d’animation. Vous pouvez opter pour la séance 2D sans problème.
Réalisé par Clay Kaytis et Fergal Reilly, avec les voix de Omar Sy, Audrey Lamy…
Sortie le 11 mai 2016.