Bread And Circus (Quels déconneurs ces Norvégiens !)

Par Olivier Walmacq

Genre : comédie, gore, inclassable (interdit aux - 16 ans)
Année : 2003
Durée : 1h16

L'histoire : Un pays lointain et inconnu à une période indéterminée. Un homme sort d'un gigantesque vagin planté au beau milieu d'une prairie. Un moine le lave, l'habille en costard cravate et lui attache avec des menottes, une mallette au poignet. L'homme doit apporter cette mallette à un autre moine qui l'attend à la lisière d'une forêt. Lorsque l'homme lui demande comment il en est arrivé là, le moine lui révèle une histoire incroyable...

La critique :

Bon, là, je sens que je vais m'amuser. Mais qu'est ce que c'est que ce truc ?!! Cette chose est tout simplement énorme. Imaginez un boxon sans nom d'images loufoques, un maelström invraisemblable d'allégories métaphoriques, un fourre tout inimaginable où se mélangeraient pelle mêle, métaphysique, étrons et gros calibres; bref, un énorme pétage de plomb en direct de la part du réalisateur, un doux dingue du nom de Martin Loke. Dites donc, on ne dirait pas comme ça, mais ça délire grave au pays des fjords. Quels déconneurs ces norvégiens !
Pour vous la faire courte, dans Bread and Circus, il y a des types qui sortent de vagins géants, des corps coupés en deux, des têtes qui explosent, des bagarres tellement molles qu'on les croirait filmées au ralenti, des cannibales forestiers, des femmes officiers sévèrement couillues, des militaires qui passent leur temps à picoler (ou qui s'amusent à s'enfoncer des bouteilles dans le fondement), des extraterrestres de pacotille etc. 
Ici, on aurait comme qui dirait affaire à un multi mixage entre un Jodorowski ultra low cost, un Peter Jackson à ses débuts, un Waters période crade, le tout fortement agrémenté d'un superbe amateurisme que n'aurait pas renié Andreas Schnass. Waouw ! J'en ai vu des films déjantés, mais celui là, il est hors catégorie. Garanti 100% aware... 
Alors de quoi ça parle au juste ? En gros, si j'ai bien tout compris (ce qui n'est pas sûr du tout), il semblerait que le réalisateur ait voulu dépeindre un monde totalitaire où la société se débarrasserait sans pitié de ses rejetons les plus irrécupérables.
Une épuration faite dès la naissance où après avoir passé des épreuves de "perfection", le sujet serait soit adoubé, soit condamné à errer dans les forêts mystérieuses et menaçantes du royaume. Bon, c'est vrai que raconté comme cela, l'idéologie du film apparaît quelque peu douteuse et pourrait rappeler certains douloureux souvenirs historiques. 

N'ayez cependant aucune crainte, Bread and Circus ne ressemble en rien à une oeuvre fascisante ! D'ailleurs, Bread and Circus ne ressemble à rien... Attention spoilers: Au milieu de nulle part, un homme s'extirpe, tel un nouveau né, d'un gigantesque vagin planté dans une prairie. Aussitôt, un moine le lave, et l'habille d'un complet impeccable. Avec des menottes, il lui attache une mallette au poignet. Dans la prairie, des flèches indiquent à l'homme le chemin qu'il doit suivre pour livrer la mallette à un autre moine. Ce dernier lui révèle alors les règles qui régissent ce monde étrange : un roi tout puissant règne d'une main de fer sur le royaume. Chaque nouveau né (déjà adulte) passe un test d'aptitude et ceux qui sont considérés comme inutiles ou dangereux pour le Système, sont automatiquement abandonnés dans les forêts où ils seront pourchassés par l'armée.
Les rares survivants deviendront des monstres dégénérés ayant recours au cannibalisme. 
Ulcéré devant tant d'injustice, et avant de se transformer en faisceau de lumière pour rejoindre le soleil (!), l'homme grave au burin, son témoignage et ses mémoires sur une tablette de pierre.

Trois ans plus tard, des amoureux tombent par hasard sur cette tablette et découvrent également un véritable arsenal de guerre caché dans une grotte. Reprenant à son compte les idéaux de l'homme disparu, le couple décide de se révolter contre le pouvoir tyrannique, de renverser l'ordre établi et de lutter par les armes jusqu'au bout. Ça va saigner... Rien compris ? Ne vous inquiétez pas, ça va aller. Au premier abord, il faut bien reconnaître que Bread and Circus ressemble plus à un gros délire entre potes éméchés qu'à une vraie oeuvre cinématographique. Et au deuxième abord, aussi...
Doté d'une frénésie communicative, ce film sent à plein nez la grosse potacherie d'étudiants qui n'auraient pas encore désaoulé de la veille. 
D'ailleurs, Martin Loke avouera avoir raclé les fonds de tiroir (il n'y a qu'à écouter la détonation des flingues pour comprendre qu'ils ont été achetés à la boutique de farces et attrapes du coin), réuni quelques amis (non professionnels cela va de soi, d'où une interprétation d'une médiocrité cataclysmique), contacté deux, trois copains vaguement techniciens et s'être lancé dans cette aventure improbable.

Résultat: un petit miracle. On pouvait redouter une catastrophe et on se retrouve avec un spectacle complètement barré, mega fun, dont il émane un je ne sais quoi de fraîcheur qui vous colle un sourire abruti tout le long du film. Ça ne vous rappelle rien ? Oui, la comparaison avec le Bad Taste de Peter Jackson est inévitable. Surtout au cours des premières trente minutes où le réalisateur met le paquet sur les excès sanguinolents et les effets comico-gore. 
A la fin également, quand on voit des extraterrestres à tête de carnaval, à bord d'un vaisseau équipé d'un énorme phallus, ensemencer notre bonne vieille terre ! Dans sa seconde partie, le film laisse (un peu) retomber sa folie initiale pour plonger dans une "réflexion" métaphysique regorgeant de métaphores plus ou moins compressibles. 
Les références symboliques pullulent sur la futilité de la destinée humaine, l'oppression séculaire des peuples ou encore sur la manipulation de l'homme par la religion. Ça va vite, ça part de tous les côtés et il faut sérieusement s'accrocher pour arriver à suivre le fil du scénario, si on peut appeler ça un scénario.

En effet, très difficile de trouver un point de cohérence auquel se raccrocher tant ce film défie les lois du bon sens. Il faudra, par exemple, m'expliquer l'intérêt de voir une chèvre déféquer en gros plan. Dans l'intention, ça doit vouloir dire quelque chose mais là, dans l'immédiat, je n'ai pas bien saisi. Et pourtant, il se dégage de cette "oeuvre" un côté éminemment sympathique contre lequel on ne peut pas lutter. À son actif, des trouvailles visuelles assez sensationnelles, un propos beaucoup moins farfelu qu'il n'y paraît et une première demi heure tout simplement hilarante. Le problème est que le spectacle proposé est si brouillon, si surchargé, que le spectateur, à force de réfléchir, se perd complètement dans un tel foisonnement de surréalisme. Il est donc fortement recommandé de laisser sa logique aux vestiaires. 
Toutefois, ne soyons pas trop sévère avec ce péché de jeunesse. Bien plus efficace qu'un antidépresseur les soirs de blues, Bread and Circus reste un divertissement de tout premier ordre, décomplexé du bulbe, qui démoli joyeusement les barrières des convenances et qui s'avère être tout de même, un ovni sacrément jubilatoire.


Note : ?

 Inthemoodforgore