Oranges amères
Petit bijou du cinéma estonien, sans fioriture ; la réalisation est simple, les dialogues courts et précis ; l’absurdité de la guerre est traitée de manière humaniste, sans concession et d’une intelligence folle qui fait beaucoup pensé à « No man’s land ».Ici, nous sommes en Abkhazie au début des années 90. Les abkhazes séparatistes sont associés aux Géorgiens contre les Russes et les Tchétchènes. Présenté comme çà, on a l’impression qu’il faut être féru de géopolitique pour piger quelque chose au film. Eh bien non ! car il s’agit avant tout d’une fable profondément humaniste et surtout universelle. Plongés au cœur d’une petite vallée ; une rivière, deux maisons, deux hommes, de la boue, une seule touche de couleur les mandariniers ; le film est un quasi huis clos, le spectateur restera dans ses quelques maigres hectares d’Abkhazie. Et qui sont ces deux hommes vivant des mandarines dans cette vallée perdue, deux estoniens. On apprend alors que les estoniens installés de longue date sur cette langue de terre entre montagnes caucasiennes et mer Noire ont pour la plus part regagnés leur pays au déclenchement de la guerre. Eux ne souhaitent pas quitter leur terre et leurs souvenirs. Mais voilà que le conflit s’invite chez eux. Le conflit revêt deux visages : un tchétchène et un géorgien blessés qu’ils recueillent et soignent. Ces deux hommes, de leur côté, n’attendent qu’une chose : se remettre sur pied pour éliminer l’autre. Une haine farouche entre ces deux-là est palpable et permanente ; Ivo, le vieux sage estonien, joue le rôle d’arbitre et de dieu tout puissant pour maintenir la paix sous son toit. Il en appelle quasiment à des préceptes de l’Ancien Testament pour tenir les deux hommes. Son charisme et son autorité permettront aux deux hommes de dépasser la haine reposant sur des clichés ou/et le formatage d’esprits faibles.L’idée est géniale de mettre deux ennemis affaiblis face à face avec un arbitre au milieu. Les deux hommes vont alors se rendre compte que derrière les armes et le combat, il y a des hommes. Et combattre quelqu’un que l’on a appris à connaitre devient plus difficile. Sur ce point, c’est une dénonciation forte des conflits interethniques et de l’absurdité de tuer des individus avec lesquels on a vécu longtemps en harmonie. Le besoin des hommes de faire la guerre est abordés sous tous ses aspects et rendu pitoyable par la situation : bourrage de crânes incultes, accès à la violence légitime, vieilles rancunes,… Chacun jouant sa partition avec force et justesse, le quatuor de comédien créé de la complexité dans les liens qui les unissent.Télérama parle de « western caucasien » ; personnages, décor, tension, tout y fait penser.Nommé aux Oscars cette année… Comment passer à côté d’un film, pourtant destiné à rester confidentiel, qui laisse une empreinte durable en tête ?
Sorti en 2016
Ma note: 17/20
Petit bijou du cinéma estonien, sans fioriture ; la réalisation est simple, les dialogues courts et précis ; l’absurdité de la guerre est traitée de manière humaniste, sans concession et d’une intelligence folle qui fait beaucoup pensé à « No man’s land ».Ici, nous sommes en Abkhazie au début des années 90. Les abkhazes séparatistes sont associés aux Géorgiens contre les Russes et les Tchétchènes. Présenté comme çà, on a l’impression qu’il faut être féru de géopolitique pour piger quelque chose au film. Eh bien non ! car il s’agit avant tout d’une fable profondément humaniste et surtout universelle. Plongés au cœur d’une petite vallée ; une rivière, deux maisons, deux hommes, de la boue, une seule touche de couleur les mandariniers ; le film est un quasi huis clos, le spectateur restera dans ses quelques maigres hectares d’Abkhazie. Et qui sont ces deux hommes vivant des mandarines dans cette vallée perdue, deux estoniens. On apprend alors que les estoniens installés de longue date sur cette langue de terre entre montagnes caucasiennes et mer Noire ont pour la plus part regagnés leur pays au déclenchement de la guerre. Eux ne souhaitent pas quitter leur terre et leurs souvenirs. Mais voilà que le conflit s’invite chez eux. Le conflit revêt deux visages : un tchétchène et un géorgien blessés qu’ils recueillent et soignent. Ces deux hommes, de leur côté, n’attendent qu’une chose : se remettre sur pied pour éliminer l’autre. Une haine farouche entre ces deux-là est palpable et permanente ; Ivo, le vieux sage estonien, joue le rôle d’arbitre et de dieu tout puissant pour maintenir la paix sous son toit. Il en appelle quasiment à des préceptes de l’Ancien Testament pour tenir les deux hommes. Son charisme et son autorité permettront aux deux hommes de dépasser la haine reposant sur des clichés ou/et le formatage d’esprits faibles.L’idée est géniale de mettre deux ennemis affaiblis face à face avec un arbitre au milieu. Les deux hommes vont alors se rendre compte que derrière les armes et le combat, il y a des hommes. Et combattre quelqu’un que l’on a appris à connaitre devient plus difficile. Sur ce point, c’est une dénonciation forte des conflits interethniques et de l’absurdité de tuer des individus avec lesquels on a vécu longtemps en harmonie. Le besoin des hommes de faire la guerre est abordés sous tous ses aspects et rendu pitoyable par la situation : bourrage de crânes incultes, accès à la violence légitime, vieilles rancunes,… Chacun jouant sa partition avec force et justesse, le quatuor de comédien créé de la complexité dans les liens qui les unissent.Télérama parle de « western caucasien » ; personnages, décor, tension, tout y fait penser.Nommé aux Oscars cette année… Comment passer à côté d’un film, pourtant destiné à rester confidentiel, qui laisse une empreinte durable en tête ?
Sorti en 2016
Ma note: 17/20