Réalisé par Frederick Wiseman
Genre Documentaire
Production Américaine
Date de sortie 23 mars 2016
Synopsis
Jackson Heights est l’un des quartiers les plus cosmopolites de New York. Ses habitants viennent du monde entier et on y parle 167 langues.
Ce quartier incarne à lui seul la nouvelle vague d’immigration aux États-Unis et concentre les problématiques communes aux grandes villes occidentales comme l’immigration, l’intégration et le multiculturalisme.
Frederick Wiseman s’invite dans le quotidien des communautés du quartier new-yorkais, filmant leurs pratiques religieuses, politiques, sociales et culturelles, mais aussi leurs commerces et leurs lieux de réunion. Il met également en lumière l’antagonisme qui se joue au sein de ces communautés, prises entre la volonté de préserver les traditions de leur pays d’origine et la nécessité de s’adapter au mode de vie et aux valeurs des États-Unis.
Depuis 1967, Frederick Wiseman a réalisé une quarantaine de documentaires – dramatiques, narratifs, chaque film tente de faire le portrait de l’expérience humaine dans une grande diversité d’institutions sociales contemporaines.
Frederick Wiseman travaille également dans le théâtre. À Paris, il a mis en scène La Belle d’Amherst, la pièce de William Luce sur la vie d’Emily Dickinson, ainsi que deux pièces à la Comédie-Française : Oh les beaux jours de Samuel Beckett, et La dernière lettre, inspirée d’un chapitre du roman Vie et destin de Vassili Grossman.
Il a également mis en scène La Dernière lettre au Theater for a New Audience, à New York. Gallimard et le MoMa de New York ont co-édité le livre Frederick Wiseman, qui offre un tour d’horizon complet de son travail à travers une série d’articles de critiques et d’artistes.
Frederick Wiseman a tourné en France, La Comédie-Française ou L'amour joué, en 1996, La danse : Le ballet de l'Opéra de Paris réalisé en 2009 et Crazy Horse en 2011.
Frederick Wiseman sort diplômé du Williams College en 1951 et de l’Université de Yale, en Droit, en 1954. Il a obtenu plusieurs doctorats honorifiques au Bowdoin College, à l’Université de Princeton, et au Williams College, entre autres. Il a reçu de nombreuses distinctions de la part de la fondation MacArthur, de l’Académie américaine des Arts et des Sciences, de la fondation Guggenheim, et est l’un des membres de l’Académie américaine des Arts et des Lettres.
Frederick Wiseman a été multi-récompensé. Cliquez ici.
Il a aussi reçu des prix pour l’ensemble de sa carrière de la part de la Société du film de Los Angeles en 2013, le prix George Polk en 2006, celui de la Société américaine des cinéastes en 2006, et le Lion d’Or, pour l'ensemble de sa carrière lors de la 71ème Mostra de Venise en 2014
Notes de Frederick Wiseman
J’ai toujours été fasciné, depuis que je suis enfant, par la diversité des comportements humains. Il m’est apparu très vite que faire des documentaires était le métier idéal pour moi. Cela me permet non seulement de capter mais aussi de penser et d’organiser mon expérience de cette diversité. J’ai réalisé une série de films sur les institutions sans jamais avoir à définir ces institutions. Certains de mes films traitent simplement de l’activité au sein d’un bâtiment, d’autres d’un groupe particulier qui interagit dans plusieurs bâtiments contigüs, et occasionnellement d’une zone géographique relativement étendue.
In Jackson Heights se trouve dans cette dernière catégorie et c’est d’ailleurs le troisième film que je fais sur des communautés – après Aspen et Belfast, Maine. De la même façon que je ne pars pas d’une définition arrêtée pour les institutions, je n’ai aucun à priori sur les communautés que je filme.
Certains films sont en partie définis et limités par les bâtiments dans lesquels la caméra évolue, d’autres à des territoires géographiques. Ce que je fais, c’est tracer une ligne irrégulière autour d’un bâtiment, d’un groupe de bâtiments ou d’un territoire et dire que tout ce qui arrive dans la zone circonscrite par ce tracé arbitraire fait la matière du film.
À l’extérieur de cette zone, c’est un autre film.
Ce choix de réalisation rend possible l’observation de l’activité et des comportements humains dans une large palette de contextes et de rencontres limités. Le montage me donne l’opportunité d’essayer de définir une forme et une structure à l’expérience que j’ai vécu lors du tournage.
Pour ce film, j’ai tracé une ligne imaginaire dans l’arrondissement new-yorkais du Queens, connu sous le nom de Jackson Heights. En dépit de ses frontières floues, Jackson Heights est une sorte de quartier dans le quartier.
On parle 167 langues à Jackson Heights. Les différentes communautés qui vivent ensemble viennent d’Amérique centrale, d’Amérique du Sud, mais aussi du Pakistan, du Bangladesh, d’Inde, de Thaïlande, du Népal et même du Tibet. Ils cohabitant avec les enfants des premiers migrants italiens, juifs et irlandais.
Le quartier est un véritable melting pot qui rappelle le quartier Est de New York du dix-neuvième siècle.
Nous avons collecté 120 heures de rush en filmant les événements qui se passaient dans les rues du quartier, en allant dans les commerces (boutique de prêt-à-porter, laveries, restaurants, supermarchés), et en pénétrant dans certaines institutions religieuses (mosquées, temples, églises). Quand j’ai commencé à filmer, je ne savais pas de quoi le film serait fait : je n’avais aucune idée des thèmes, des points de vue qui seraient abordés, ni de la durée du film.
In Jackson Heights est le résultat de 9 semaines de tournage et de 10 mois de montage. Le film fini est une conversation à 4 voix entre mon souvenir du lieu, l’enregistrement de ce souvenir capté dans les rush, mon expérience générale et le processus de montage pendant lequel j’essaie de comprendre ce qui se passe dans une séquence individuelle, de choisir et de monter la matière que je veux utiliser et découvrir des connexions visuelles et thématiques entre les séquences. Le film trouve sa forme dans cette conversation et représente ce que j’ai appris de l’expérience de filmer ce quartier.
Mon opinion
Plus de trois heures de cinéma, réalisé par Frederick Wiseman, virtuose du documentaire.
Des hommes et des femmes de tous âges, issus de milieux et de confession différents se regroupent pour tenter de faire barrage à l'inexorable avancée des investisseurs immobiliers qui mettent à mal leur bel univers. Il y aura aussi les luttes de certains pour faire valoir leur juste droit à la différence.
Le réalisateur est un magicien qui capte les regards, tout autant que les voix qui résonnent dans leur combat au sein d'un univers associatif qui est à saluer. Restent aussi les paroles de ces charmantes "dames" tricotant dans un café tout en échangeant des propos sur les anciennes stars d'Hollywood. Ou plus cruelles comme celles de cette dame âgée, presque centenaire, et qui, en dépit d'une grande aisance financière, se retrouve dans la plus grande des solitudes. Que dire de la dernière séquence avec la voix de ces femmes qui chantent à tue-tête ?
In Jackson Heights est à la fois empreint d'une certaine tristesse, d'une grande cruauté avec quelques images insoutenables quand il est question de la cause animale.
Mais par dessus tout, ce film est d'une grande délicatesse, et d'un humanisme réconfortant.