Parents (Cannibalisme en famille)

Par Olivier Walmacq

Genre : horreur (interdit aux - 12 ans)
Année : 1989
Durée : 1h21

Synopsis : Dans les années 50, la famille Lamele s'installe dans leur nouveau foyer, une maisonnette parfaite, tout comme les autres maisons du quartier, plus colorées et vivantes les unes que les autres. Nick et Lily, les parents, s'entendent gracieusement et nulle dispute ne vient troubler leur vie conjugale. Le problème subsiste en la personne de Michael, leur petit garçon, dérangé et silencieux et de plus en plus soupçonneux vis-à-vis de ses parents. Et il compte bien découvrir pourquoi les repas sont sans cesse composés à base d'une viande bien rouge, bien tendre, et surtout en quantité abondante.

La critique :

Bob Balaban a débuté sa carrière au cinéma comme acteur et s'est illustré dans plusieurs films notoires : Rencontres du Troisième Type (Steven Spielberg, 1977), Au-Delà du Réel (Ken Russell, 1980), Le Prince de New York (Sidney Lumet, 1981) ou encore 2010 : l'année du premier contact (Peter Hyams, 1984). A partir du début des années 1980, il décide enfin de passer derrière la caméra, avec un téléfilm, The Brass Ring. En 1989, il réalise enfin son tout premier long-métrage, intitulé (tout simplement) Parents. Un titre pour le moins laconique, mais révélateur d'un marasme familial.
Thème sur lequel nous reviendrons... Présenté au festival du film fantastique d'Avoriaz, le long-métrage ne remporte aucune distinction notoire mais marque tout de même les esprits.

Toutefois, dans d'autres festivals, il obtient plusieurs récompenses, dont celui du meilleur jeune acteur pour Bryan Madorsky. Hormis le jeune interprète, la distribution du film réunit Randy Quaid, Mary Beth Hurt, Sandy Dennis, Deborah Rush et Wayne Robson. Plus de 25 ans après sa sortie, Parents reste un film largement méconnu du grand public. Pourtant, le long-métrage demeure une référence auprès des amateurs du cinéma d'horreur. Il a probablement influencé le très surestimé Mum § Dad (Steven Sheil, 2008). Curieux que ce Parents soit toujours condamné à une certaine confidentialité...
En effet, le film de Bob Balaban possède de solides arguments, notamment un scénario retors et souvent passionnant. Attention, SPOILERS ! Dans les années 50, la famille Lamele s'installe dans leur nouveau foyer, une maisonnette parfaite, tout comme les autres maisons du quartier, plus colorées et vivantes les unes que les autres.

Nick et Lily, les parents, s'entendent gracieusement et nulle dispute ne vient troubler leur vie conjugale. Le problème subsiste en la personne de Michael, leur petit garçon, dérangé et silencieux et de plus en plus soupçonneux vis-à-vis de ses parents. Et il compte bien découvrir pourquoi les repas sont sans cesse composés à base d'une viande bien rouge, bien tendre, et surtout en quantité abondante.
Les enfants au cinéma... Une longue histoire d'amour entre le Septième Art et le monde de l'insouciance, souvent abordé sous l'angle de la comédie ou de la tragédie, notamment dans Tomboy (Céline Sciamma, 2001), La Guerre des Boutons (Yves Robert, 1962), Empire du Soleil (Steven Spielberg, 1988), ou encore le superbe Stand By Me (Rob Reiner, 1986), dans des registres néanmoins différents.

Parallèlement, nos chers bambins inspirent également le cinéma horrifique, la plupart du temps sous une aura maléfique et comminatoire. Là aussi, les exemples fourmillent : Esther (Jaume Collet-Serra, 2009), Le Village des Damnés (1960, Wolf Rilla), Rosemary's Baby (Roman Polansky, 1968), ou encore La Malédiction (Richard Donner, 1976), pour ne citer que ceux-là.
Vient donc s'ajouter Parents, à la seule différence que le film ne raconte pas (du tout) l'histoire d'un enfant démoniaque, mais d'un petit garçon assez étrange, Michael, âgé de neuf ans. Le long-métrage se divise en trois parties bien distinctes. Dans la première, Bob Balaban se focalise sur l'univers de son héros en culottes courtes. La nuit, Michael fait des cauchemars récurrents. Il observe ses parents s'ébattre et s'énamourer du haut de l'escalier.

Mais le coït parental se transforme promptement en orgie sanglante. Autrement dit, Michael suspecte fortement ses parents de se livrer au cannibalisme. Mais tout ceci ne serait qu'un rêve... Telle est l'analyse psychanalytique de la psychologue de l'école. C'est la seconde partie du film. Toutefois, le cas du petit Michael interroge ses camarades et ses professeurs.
Bob Balaban se concentre alors sur la psyché de son jeune bambin. En effet, selon la psychologue, Michael serait victime de ses fabulations enfantines. Paradoxalement, Bob Balaban pose le doute sur les réelles intentions de ses parents à priori courtois et avenants. Si Michael entretient de bonnes relations avec sa mère, il exprime, à contrario, de l'aversion envers son paternel ; un homme despotique et atrabilaire. Surtout, Michael refuse de manger le contenu de son assiette, provoquant ainsi l'ire de son patriarche.

Le garçon au visage émacié et famélique s'interroge sur les aliments méphitiques qui lui sont servis dans son assiette. C'est la troisième partie du film. Cette fois-ci, le ton devient plus sanglant et comminatoire. "Vous mangez les gens !" claironne le jeune Michael à son père, provoquant ainsi les furibonderies du psychopathe démoniaque. Dans Parents, la tension monte crescendo.
Le cannibalisme est toujours suggéré sournoisement et/ou par d'astucieuses imageries symboliques, dont les influences ne sont pas sans rappeler le génial Shining (Stanley Kubrick, 1980). Les amateurs de trash et de sensations fortes sont donc priés de quitter leur siège. Ici, point de gore ni de saynettes sanguinolentes. La grande force de Parents se situe davantage dans son ambiance étouffante et claustrophique. 

Au détour de plusieurs séquences à la fois cyniques et jubilatoires, Parents s'interroge évidemment sur ce marasme familial. N'oublions pas que l'action du film se déroule dans les années 1950, donc juste après la fin de la Seconde Guerre Mondiale et au début des Trente Glorieuses, une transition qui va marquer l'avènement de l'individu roi, le nouveau triomphe du capitalisme hédoniste. Père et mère ne sont plus des références parentales. Ils sont clairement voués à l'opprobre et aux gémonies, à la fois tancés et fustigés par cette jeunesse rogue et indocile. 
Telle est la thèse de Bob Balaban dans ce film énigmatique qui sonne à la fois le toxin et l'insubordination d'une génération impubère. Bientôt, cette jeunesse en déliquescence se transmutera en une nouvelle forme de violence, celle de La Fureur de Vivre (Nicholas Ray, 1956) puis celle (irréfragable) d'Orange Mécanique (Stanley Kubrick, 1972).

Note : 15/20

 Alice In Oliver