[Cannes 2016] Jour 4 : Le Bon Gros Gadin…

Par Boustoune

Alors qu’à Paris, autour du Parc des Princes, les amateurs de football beuglaient des “PSG, PSG, PSG”, à Cannes, certains cinéphiles amassés au pied des marches scandaient “BGG, BGG, BGG”…
En ce quatrième jour de festival, tout le monde voulait assister à la projection, hors compétition, du BGG (Le Bon Gros Géant), qui marque le retour de Steven Spielberg sur la Croisette, trois ans après avoir été un parfait président du jury.

Mais s’il y a eu beaucoup d’engouement avant la séance, l’enthousiasme était moins prégnant en sortie de projection. Autant le dire tout de suite, Le BGG est une déception. Steven Spielberg n’arrive jamais à retrouver le ton et la magie du conte pour enfants éponyme de Roald Dahl, dans lequel une orpheline devient amie avec un géant façonneur de rêves. Il n’arrive pas non plus à retrouver la magie qui parcourt habituellement ses films pour enfants, de ET à Hook.
Son BGG n’est qu’un gros blockbuster familial sans âme et assez laid visuellement, malgré les tous les millions investis dans les effets spéciaux. Il n’y a qu’à voir le géant lui-même pour s’en convaincre. A quoi bon améliorer encore et toujours le procédé de motion capture si c’est pour l’associer à des designs de personnages aussi moches?
Mais ce qui est le plus préjudiciable, c’est le côté très lisse de l’ensemble. Où est le mystère? Où est la magie? Où est le merveilleux? Et, plus grave encore, où est l’émotion? Très vite, le film devient ennuyeux. A moins d’avoir moins de dix ans – et encore… – difficile de se passionner pour ces péripéties enchaînées mollement. Difficile de rire à ces gags répétitifs, axés uniquement sur les tics de langage du géant, qui écorche tous les mots, et sur une boisson gazeuse dont les bulles se dirigent vers le bas, occasionnant des pets si tonitruants qu’ils pourraient faire débarquer tous les habitants de la planète Oxo dans la Perfide Albion. Et difficile de s’émouvoir lors du dénouement, dans lequel la jeune orpheline et son gigantesque ami se font leurs adieux, puisque l’on a jamais vraiment réussi à s’attacher à eux..
Oh évidemment, on ne peut pas parler de navet. Spielberg nous gratifie quand même de quelques beaux mouvements de caméra. Et les acteurs (Ruby Barnhill et Mark Rylance), sont correctement dirigés. C’est juste très en deça des attentes que peut susciter un cinéaste de ce calibre.Le BGG? Le Bon gros gadin, oui…

Pour du grand cinéma, il fallait se rabattre sur une autre figure du cinéma mondial,  Park Chan-wook. Présenté en compétition, son nouveau long-métrage, Mademoiselle, a enchanté la Croisette. Il s’agit d’une brillante variation sur la domination et la soumission, explorant les relations entre les pays rivaux (Japon et Corée du Sud), entre les classes sociales (les maîtres et leurs domestiques) et entre hommes et femmes. On pourrait même parler de film féministe, tant les actrices ont le beau rôle. Elles profitent aussi d’une construction scénaristique brillante, en trois parties, qui, tout en faisant progresser le récit, permettent d’envisager les évènements sous un autre angle, un peu dans l’esprit du Rashômon de Kurosawa.
Le talent de metteur en scène de Park Chan-wook fait le reste du travail. Il nous propose un cinéma qui  envoûte, émoustille les sens, bouscule les conventions et nous livre une fois encore de ces scènes sulfureuses dont il a le secret. Beaucoup voient en Mademoiselle un postulant crédible à la Palme d’Or.

Le second film en compétition du jour, Toni Erdmann nous a moins convaincu. Même si on lui reconnaît de nombreuses qualités, à commencer par un scénario riche en scènes surprenantes et assez irrésistibles, on déplore sa durée excessive, qui nuit au rythme général du film. (Lire notre critique).

A Un Certain Regard, les festivaliers ont pu découvrir le mystérieux Harmonium du japonais Fukada Koji, dans lequel un homme, fraîchement sorti de prison, s’incruste au sein d’une famille apparemment sans histoires. Ils ont aussi pu voir Transfiguration, de Michael O’Shea, une oeuvre étrange, entre chronique sociale et film fantastique, qui revisite le mythe du vampirisme.

Côté Quinzaine, le public a pu profiter de la Poésie sans fin d’Alejandro Jodorowsky, suite de son autobiographie fantasmée, entamée avec La Danza de la realidad, et a pu découvrir le nouveau film de Paolo Virzi, Folles de joie, dans lequel deux femmes atteintes de troubles mentaux s’échappent de l’asile et partent pour une folle cavale sur la Côte d’Azur.

Enfin, à la Semaine de la Critique, Grave a terrifié les festivaliers avec une sombre histoire de cannibalisme made in France.

A moins qu’on ne soit servis au dîner d’une famille de cannibales, ou bus en cocktail par des vampires assoiffés, à demain pour la suite de ces chroniques cannoises…