Présenté en 2015 à la Mostra de Venise, quelques semaines après le décès de son réalisateur Claudio Caligari et choisi pour représenter l'Italie aux oscars, Mauvaise Graine arrive sur nos écrans précédé d'une réputation assez flatteuse et bénéficiant également de l'à priori plutôt positif qui accompagne les productions italiennes depuis quelques années. Son réalisateur n'ayant pas marqué les esprits avec ses trois précédents films et ayant disparu des écrans radars depuis 1998, cela incitait néanmoins à la prudence. Il s'avère malheureusement que Claudio Caligari ne fait pas grand chose de plus que de dérouler le récit monotone et prévisible de ces deux amis, deux petits voyous sans envergure, qui dans l'Italie des années 90, vivent de petits larcins, de petits trafics, se défoncent et ne parviennent pas à s'extraire de leur condition. Leur amitié est le socle sur lequel se repose un film qui se perd dans une chronique sociale, laquelle à l'instar de ses protagonistes, se révèle sans envergure et sans surprises.
Cesare ( Luca Marinelli) excessif et extrêmement fragile, doit faire face à la maladie de sa nièce, dont il doit s'occuper après le décès de sa sœur, elle aussi atteinte du SIDA. Cela pourrait tirer le film vers le mélo voire le pathos mais c'est heureusement traité avec une certaine pudeur. En fait de pudeur, il serait plus juste de dire que cette partie de l'histoire est plutôt survolée, comme une pièce supplémentaire du décor dans lequel évolue Cesare. Il n'y a rien de surprenant et d'original dans le traitement de ce personnage de délinquant/trafiquant/loser, capable de tout par appât du gain, incapable de se maîtriser et qui n'a pas retenu la deuxième leçon d' Elvira Hancock ( Scarface) " Don't get high on your own supply ". L'interprétation de Luca Marinelli (vu dans La Grande Bellezza) est à l'avenant, fragile et excessive, il fait ce qu'il peut pour permettre à son personnage d'exister mais ne parvient pas à nous impliquer dans son histoire. Quant à Alessandro Borghi ( Vittorino), il n'est guère mieux loti et inspiré. Il en fait lui aussi beaucoup (trop) pour masquer les problèmes d'écriture de ce personnage caractérisé à gros traits, dont on devine assez rapidement la trajectoire. La dynamique du duo qu'il forme avec Cesare a déjà été vue mille fois et souvent traitée avec plus de finesse et d'humour. Il est le pilier, l'ami fidèle et sincère sur lequel se repose beaucoup Vittorino qui sans lui se serait sûrement retrouvé dans un mauvais coup qui l'aurait emmené en prison ou à la morgue. La présence de Cesare à ses côtés est assurément sa meilleure assurance vie. C'est sur ce duo et leurs mésaventures que se concentre principalement la première partie du film avant de s'aventurer dans un registre plus intimiste qui peine tout autant à convaincre.
A ne pas faire de choix forts et ne rien tenter, Mauvaise graine finit par s'enfermer dans un cadre aussi étriqué que son matériau de base. Faire un film sur des losers sans réel charisme et dont la trajectoire n'est pas difficile à imaginer est un exercice périlleux qui impose que la mise en scène et les dialogues élèvent le niveau, que les personnages secondaires soient forts et que le récit à priori banal et sans intérêt soit traversé de fulgurances. Or, on se retrouve devant une histoire sans saveur, ni drôle, ni émouvante, ni même intéressante pour ce qu'elle pourrait dire de l'Italie des années 90. Seules les tenues vestimentaires et quelques morceaux d'Euro Dance assez douloureux, nous rappellent le contexte " historique " du film, non qu'il aurait fallu de longues digressions sur la situation politique et économique, mais il est désolant de constater que le choix de cette époque est purement décoratif. L'utilisation de nappes de saxo et quelques effets de montage assez kitchs finissent par donner le sentiment de voir un téléfilm des années 90 et non un film ambitieux ayant pour toile de fond cette époque. Même si un film doit être jugé pour ses qualités et ses défauts et non par rapport à sa nationalité, Mauvaise graine donne le sentiment de venir du passé, juste avant le renouveau du cinéma italien et cela n'incite guère à l'indulgence.
Titre Original: NON ESSERE CATTIVO
Réalisé par: Claudio Caligari
Genre: Drame, Judiciaire
Sortie le: 11 mai 2016
Distribué par: Bellissima Films