Shane Black est de retour aux affaires avec un buddy movie aussi jouissif que précieux.
Rares sont les cinéastes comme Shane Black à l’heure actuelle, dont la carrière a su rester d’une cohérence artistique admirable, répondant aux exigences des studios sans pour autant se soumettre aux dogmes de son époque. A l’heure où la grande majorité des grosses productions hollywoodiennes s’uniformise en se diluant dans la même soupe, Shane Black prône ici le retour à un cinéma populaire old school, à la fois décomplexé et exigeant à tous ses niveaux de fabrication. C’est le pari magnifiquement réussi par The Nice Guys, polar/buddy movie jubilatoire qui renvoie au bac à sable la concurrence et vient rappeler à tout le monde le sens du mot « fun ». T’as des doigts ? Croise-en un max t’as intérêt !
L’intrigue se situe donc dans le Los Angeles clinquant des années 1970, suivant le parcours de deux détectives privés enquêtant sur la mort d’une star du porno, laquelle est mêlée à une affaire trouble qui implique des personnalités très haut placées. Le mythique scénariste de L’Arme Fatale et de Last Action Hero est en plein dans son élément, s’inscrivant dans une longue tradition du polar et de la culture pulp. Si le film est évidemment très référencé et d’une drôlerie irrésistible, toute l’intelligence du cinéaste est justement de ne pas verser dans la parodie ou l’hommage ironique, mais bien de faire un pur polar qui ne prend jamais le genre de haut. Le comique de The Nice Guys ne naît pas d’une distance vis-à-vis du genre mais bien des personnages et de la mise en scène (qui s’autorise de formidables moments burlesques), ces-derniers ne prenant jamais le pas sur une intrigue policière solide et passionnante, qui pourrait presque se suffire à elle-même. Black renoue ainsi avec l’essence des plus grands buddy movies, à savoir un mariage idéal entre l’humour et l’action, le fun et le sérieux. Cet équilibre parfait doit sa réussite à l’exigence absolue du scénario, qui prend le temps de développer en profondeur ses personnages en même temps qu’il constitue un modèle de virtuosité rythmique. La relation touchante entre Holland March (interprété par Ryan Gosling) et sa fille témoigne du soin méticuleux apporté aux personnages, lesquels ne sont jamais réduits à des figurines prétextes à des scènes d’action. Derrière la façade pop et décontractée, le cinéaste révèle un vrai cœur qui bat, sans oublier de nous abreuver de séquences jouissives et de répliques hilarantes enchaînées à un rythme effréné, démontrant une nouvelle fois ses talents de metteur en scène, de scénariste mais aussi de directeur d’acteurs.
Qui dit buddy movie, dit évidemment duo d’acteurs. Mel Gibson/Danny Glover (L’Arme Fatale), Bruce Willis/Samuel L. Jackson (Die Hard 3) ou encore Sylvester Stallone/Kurt Russell (Tango & Cash), l’alchimie entre les acteurs est un paramètre indispensable à la réussite de tout bon buddy movie qui se respecte. C’est encore une fois un pari que relève haut la main le film, dont le duo Russell Crowe/Ryan Gosling s’impose tout simplement comme l’un des tandems les plus drôles et les plus énergiques vus au cinéma depuis un bon moment. Loin de son personnage de L.A Confidential (qui est aussi une des références du film), Crowe campe parfaitement son rôle tandis que Gosling confirme après Crazy Stupid Love qu’il est peut-être un meilleur acteur comique que dramatique. Jamais cyniques dans leurs interprétations, les deux comédiens confèrent vie et consistance à leurs personnages tout en donnant l’impression de s’éclater comme des gosses. Car c’est bien ce que l’on retiendra principalement de ce formidable moment de cinoche : une énergie communicative et une passion de tous les instants, une sincérité indéniable de la part d’un réalisateur aussi doué que généreux qui ne vise ici rien d’autre que la jubilation de son public. Dans le système hollywoodien actuel, The Nice Guys est un retour salvateur à un cinéma de pur artisan (dans le sens le plus noble du terme), qui rend hommage à tout un pan de la pop culture tout en transcendant ses références. Un pur bonheur.
Réalisé par Shane Black, avec Russell Crowe, Ryan Gosling, Margaret Qualley…
Sortie le 15 mai 2016.