[Cannes 2016] “American Honey” d’Andrea Arnold

Par Boustoune

“Steady as a preacher, free as a weed, Couldn’t wait to get going, but wasn’t quite ready to leave…”. Ces mots, tirés de la chanson de Lady Antebellum, “American Honey”, qui donne résument assez bien Star ‘Sasha Lane), personnage principal du nouveau film d’Andrea Arnold, justement titré American Honey.
Epuisée de faire les poubelles pour nourrir ce qu’il reste de sa famille, lassée de subir les attouchements de l’homme de la famille – son père ? beau-père?, en tout cas un type alcoolique et violent –, la jeune femme décide de partir à l’aventure sur les routes du sud de l’Amérique, dans le sillage d’un groupe de jeunes vendeurs itinérants qui traversent villes et villages pour essayer de refourguer des abonnements à des revues et magazines.
Elle se sent tout de suite à l’aise au sein de ce groupe, auprès de jeunes de son âge pleins de vie et d’énergie. La communication est en revanche un peu plus compliquée avec la patronne de cette joyeuse troupe, car Krystal (Riley Keough) ne dirige pas une colonie de vacances ou un club de rencontres. Elle n’est pas là pour s’amuser. En bonne entrepreneuse, elle exige que ses équipes rapportent un maximum d’argent à chaque étape du trajet et fixe des règles drastiques pour éviter tout problème au sein de la communauté. Les histoires de coeur entre ses employés sont prohibées, et tous les états d’âme sont à laisser dans le coffre du minibus qui les transporte.
Le côté tyrannique de sa nouvelle patronne n’est pas vraiment compatible avec le sentiment de liberté qu’éprouve Star depuis qu’elle a quitté le Texas, ni avec son désir naissant pour Jake (Shia Labeouf), le vendeur préféré de Krystal…

Alors, très vite, elle décide de n’en faire qu’à sa tête. Non seulement elle ne cherche pas à s’investir à fond dans son travail, mais en plus, elle perturbe le travail de Jake, en charge de sa formation. Elle se dit en désaccord avec ses méthodes de vente, pourtant les plus efficaces de l’unité, mais est en fait jalouse de le voir exerce son charme sur les ménagère et leurs filles plutôt que sur elle. Elle fait tout pour l’aguicher et le pousser à batifoler avec elle.
Et comme il faut bien travailler, elle essaie ses propres méthodes de vente, fondées sur l’écoute, le dialogue, et le charme. Candide, elle ne se rend pas compte des risques qu’elle prend à aguicher les cowboys friqués ou les ouvriers solitaires…

Le film joue sur cette tension. Plus le film avance et plus on craint pour l’intégrité physique de la jeune femme. On se dit que tout cela va mal finir…
Le problème, c’est que finalement, il ne se passe pas grand chose. Et ce “pas grand-chose” dure la bagatelle de 2h45. Autant dire que c’est long et répétitif… L’ennui s’installe assez vite et les personnages, attachants de prime abord, finissent vite par nous taper sur les nerfs à cause de leur immaturité, leur bêtise et leur conception réductrice de la liberté.

On reconnaît volontiers à Andrea Arnold un certain talent pour filmer les jeunes femmes en quête d’émancipation. C’est ce qu’on avait adoré dans son court-métrage, Wasp et dans son second long-métrage, Fish Tank. Ici, ce talent transparaît toujours, notamment dans les scènes de groupe, moments de légèreté, de vie et d’énergie, et dans la scène finale, qui voit Star renaître en adulte, prête à accepter son destin. Mais une partie du charme s’est égarée sur les routes du Midwest.
Le principal défaut du film, c’est son montage. On a l’impression qu’Andrea Arnold a essayé de conserver un maximum de scènes au montage, pour pouvoir retranscrire au mieux l’expérience du tournage, proche des conditions de vie de ses personnages. Ou alors, grisée par les grands espaces américains, elle a vu trop large. Avec 40 ou 60 minutes de coupes, le film gagnerait en rythme et constituerait un road-movie sympathique, une chronique adolescente efficace. Mais dans ce format, sans autre idée que de capter la vitalité de cette bande de jeunes gens, American Honey affiche clairement ses limites et ses faiblesses, surtout face aux autres prétendants à la Palme d’Or, autrement plus inspirés et affûtés.