Bang gang (Une histoire d'amour moderne)

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Ad Vitam Distribution ainsi qu’à l’Agence Cartel pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le dvd du film « Bang gang (une histoire d’amour moderne) » de Eva Husson.

« Ça vous dirait un petit jeu genre action ou vérité, mais avec que de l’action ? »

Les faubourgs aisés d’une ville sur la côte atlantique. George, jolie jeune fille de 16 ans, tombe amoureuse d’Alex. Pour attirer son attention, elle lance un jeu collectif où sa bande d’amis va découvrir, tester et repousser les limites de leur sexualité. Au milieu des scandales et de l’effondrement de leur système de valeurs, chacun gère cette période intense de manière radicalement différente.

« Normalement, les trucs de groupe c’est pas mon truc. Mais là il se passe un truc d’hyper vivant. d’hyper libre »

Brièvement actrice au milieu des années 90, Eva Husson avait brusquement disparue de la circulation. Un premier court métrage, en 2004, intitulé « Hope to die », et puis plus rien. Il faudra près de dix ans et un moyen métrage - « Those for whom it’s always complicated » en 2013 - pour entendre à nouveau parler d’elle. Mais c’est surtout en 2015, à presque quarante ans, qu’elle se retrouve enfin sous le feux des projecteurs. Avec un premier long au titre au doux parfum de scandale : « Bang gang ». Entretenant une réputation volontiers sulfureuse, le film s’inspire d’un fait divers qui avait défrayé la chronique de la puritaine Amérique de la fin des 90’s, à savoir qu’un groupe de lycéens a priori ordinaires d’une banlieue de la middle class s’adonnait en secret à de vastes orgies sexuelles. Des faits similaires se sont ensuite reproduits ici ou là, en Allemagne, en Belgique, et même en France, dans la région nantaise. Ouvertement influencé par le cinéma indé américain (et notamment par le « Kids » de Larry Clark que la réalisatrice revendique comme une sorte de modèle), le film a été présenté dans de nombreux festivals (Toronto, Angoulême, Les Arcs) et a même reçu le soutien public du danois Lars Von Trier.

« C’est pas la partouze en soi qui est choquante. C’est juste que c’est médiocre. C’est quoi ces rapports de merde que vous avez entre vous ? Vous êtes tous interchangeables ? C’est ça la liberté pour vous ? Il y a des gamins qui font la révolution... Et vous, vous vous battez pour avoir le droit de baiser le plus possible ? Sérieusement, vous n’avez rien de mieux à foutre ? »

« On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans ». Par ses mots, Rimbaud traduisait peut-être mieux que personne la réalité de l’adolescence. Cet âge difficile, ce passage de la vie si compliquée à gérer. Cet entre-deux délicat - où l’on n’est déjà plus un enfant et pas encore tout à fait un adulte - et où l’on se cherche encore. Un âge durant lequel on se teste. Où l’on refuse l’autorité. Un âge d’insouciance et de quête d’expériences et de libertés. Une période de la vie éphémère, à la fois intense et fragile, que beaucoup de cinéastes ont tenté de saisir (on pense aussi bien teen movies légers de John Hughes qu’aux films « auteurisants » tels « Naissance des pieuvres » ou « Virgin suicides »). Avec « Bang gang », Eva Husson tente  elle aussi de saisir cet instant furtif. De capter à sa manière cette espèce de spontanéité insaisissable. Son film est ainsi à la fois le portrait d’une époque de la vie, mais aussi d’une génération bien particulière. Celle des années 2000, génération 2.0, connectée depuis toujours à la technologie et aux réseaux sociaux. Une génération blasée, désœuvrée, en perte de repères et revenue de tout, qui a finit par banaliser la vulgarité de la télé réalité comme celle de la pornographie. La réalisatrice signe ici un film à la fois saisissant et déroutant, mélange de sensualité et de gaité, et où paradoxalement règne une forme de vacuité, quelque chose de désincarné. Un monde où l’image, la performance et la sensation d’appartenance à une communauté prime sur les sentiments réels. Si le film se fait plutôt plaisant et qui plus est esthétiquement très soigné (très belle ambiance étonnamment éthérée), on reste cependant un peu désorienté par la distanciation que la réalisatrice s’impose par rapport à son récit et par sa volonté de neutralité quant aux évènements qu’elle filme. « Bang gang » flotte ainsi dans un étrange entre-deux, à la fois balade néo-hippie idéalisée, ode à la liberté et à l’amour libre très ancrée dans une ambiance « sexe, drogue et rock’n’roll », et un final plus moraliste, l’insouciance étant rattrapée par les MST et la réalité sociale. Un passage dans le monde des adultes qui se concrétise par la découverte d’une sexualité plus sérieuse, plus responsable, car liée à des sentiments amoureux. On aurait peut-être aimé une fin plus culottée pour ce film déculotté. Quoi qu’il en soit « Bang gang » reste un film étonnement plaisant, à l’ambiance étrangement douce-amère. Un véritable OVNI dans la production cinématographique actuelle.

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Le dvd : le film est proposé en version française. Aucun sous-titre n’est proposé. Côté bonus, en revanche, l’édition est très intéressante. Outre trois courts modules (« Présentation des personnages », « Scène de rêve » et « Making of »), le dvd est complété par les deux courts métrages précédents de la réalisatrice.

Edité par Ad Vitam Distribution, « Bang gang » est disponible en dvd depuis le 17 mai 2016.

Le site Internet de Ad Vitam Distribution est ici. Sa page Facebook est ici.