[Critique] Julieta (2016)

Par Pulpmovies @Pulpmovies

Réalisé par : Pedro Almodovar


Avec : 
Emma Suarez, Adriana Ugarte et Daniel Grao

Sortie :
 18 mai 2016


Durée:

1h38


Budget: /


Distributeur : 
Pathé Distribution

Synopsis : Julieta s’apprête à quitter Madrid définitivement lorsqu’une rencontre fortuite avec Bea, l’amie d’enfance de sa fille Antía la pousse à changer ses projets. Bea lui apprend qu’elle a croisé Antía une semaine plus tôt. Julieta se met alors à nourrir l’espoir de retrouvailles avec sa fille qu’elle n’a pas vu depuis des années. Elle décide de lui écrire tout ce qu’elle a gardé secret depuis toujours.
Julieta parle du destin, de la culpabilité, de la lutte d’une mère pour survivre à l’incertitude, et de ce mystère insondable qui nous pousse à abandonner les êtres que nous aimons en les effaçant de notre vie comme s’ils n’avaient jamais existé.

4/5

Si son nom était bien présent lors de la présentation des Nouveaux Sauvages (ndlr : il y était producteur), projeté en selection officielle en 2014, on n’avait pas vu Pedro Almodovar sur la croisette depuis quelques temps. Le célèbre cinéaste espagnol nous revient avec Julieta, en Compétition Officielle. On le retrouve avec ce qu’il filme le mieux : les relations houleuses entre une mère et sa fille.

Julieta, c’est l’histoire d’une mère qui cherche désespérément à retrouver sa fille, Antia, qu’elle n’a pas vu depuis 12 ans. La raison de cette disparition se trouve dans la relation qu’elles entretenaient. Relation que le film décide de narrer, en montrant par flash-backs la vie de Julieta. Le film se structure donc par aller-retours entre ce passé et le présent. Pour ce faire, ce sont bien deux actrices qui jouent le même rôle : Adria Ugarte incarne Julieta jeune, et Emma Suarez incarne quand à elle Julieta plus âgée. Les deux actrices livrent une performance réussie, dans le rôle de cette femme perdue, frappée par le malheur à différentes époques de sa vie.

Comme sur chacun de ses films, on ressent très fortement la patte d‘Almodovar. Le cinéaste possède une plume à la fois cynique et sensuelle, et réussit à s’approprier totalement la nouvelle dont est issu le film. Ses gimmicks de mise en scène apparaissent aussi, comme cette passion à filmer le rouge – métaphore au choix du désirs ou du mal, de la mère ou du feu. Le cinéaste se tente cependant l’exercice de filmer dans un train pour la plus grande scène du film. Ce dernier explique, à juste titre, la puissance de ce moyen de transport. S’il cite Lang et Hithcock, on pense irrémédiablement à Sternberg (Shanghaï Express) dans cette vision hypnotique du train, filant dans un décors naturel hypnotisant. Mais le train, c’est aussi la scène de théâtre ultime, et Julieta s’en fait écho. Au final, tout se joue dans ce train pour les personnages, et Almodovar exploite avec perfection cette idée.

Outre le train, Almodovar signe encore une fois une mise en scène soignée et subtile, riche de détails et de symboles forts. Le cinéaste prouve son talent, et s’amuse donc à dessiner une relation alambiquée entre ces personnages. Julieta et Antia sont reliées par le lien rouge qu’est le sang, et pourtant cette relation s’abîme. Sous couvert de sexe, tromperies et religion, Julieta parle plus d’union que de dés-union. Un véritable hommage à la femme et à la vie. Si les thèmes sont les mêmes que ceux des grands films d’Almodovar (on pense à Volver ou Talons Aiguilles), Julieta brille cependant par une beauté et une poésie déstabilisante.

À l’instar du rouge omniprésent à chaque plan, les émotions débordent et affluent jusqu’à dessiner une oeuvre émouvante et virtuose. Un grand Almodovar.