[CRITIQUE] Aquarius (2016)

Affiche Aquarius

Réalisé par : Kleber Mendonça Filho


Avec :
Sonia Braga, Humberto Carrão, Irandhir Santos


Sortie :
28 septembre 2016


Durée:
2h20


Distributeur :
SBS Distribution

Synopsis : « Clara, la soixantaine, ancienne critique musicale, est née dans un milieu bourgeois de Recife, au Brésil. Elle vit dans un immeuble singulier, l’Aquarius construit dans les années 40, sur la très huppée Avenida Boa Viagem qui longe l’océan. Un important promoteur a racheté tous les appartements mais elle, se refuse à vendre le sien. Elle va rentrer en guerre froide avec la société immobilière qui la harcèle. Très perturbée par cette tension, elle repense à sa vie, son passé, ceux qu’elle aime; « 

3/5

« Votre seul caractère, c’est l’argent ! ». Cette phrase prononcée par la protagoniste principale, Clara, interprétée par Sonia Braga aurait pu être l’axe central d’Aquarius. Si cela avait été le cas, nous nous serions rapprochés d’un film sur le pouvoir des agences immobilières et, on l’imagine, leur opportunisme au milieu de marchés constamment en mouvement. « Mais n’est-ce pas ce qui nous est promis par le synopsis ? » direz-vous. Eh bien oui et non, mais globalement non. L’histoire d’Aquarius est avant tout l’histoire d’une femme pleine de souvenirs. En point de comparaison, on peut par exemple dire que le récent film de Ramin Bahrani, 99 homes, n’a absolument rien à voir avec Aquarius. Ce dernier est loin de montrer l’intérieur du système manipulateur et profiteur des bonnes occasions. Le modèle économique des agences est évidemment dénoncé mais la force du film ne réside pas là.

[CRITIQUE] Aquarius (2016)

Tirée hors de chez elle par une agence, Clara plonge le spectateur dans l’affection qu’elle porte à un simple lieu. Sans tomber dans l’empathie abusive, voire le pathos face à une femme forcée à partir de chez elle, le spectateur découvre tout au contraire, le quotidien présent ou passé d’une mère joviale, fêtarde et pleine de vie. Tout au long d’Aquarius, on suit cette femme jusqu’à dans ses souvenirs lointains. On la voit danser, boire, rire. Pour mieux la suivre dans ses fougues, la caméra est souvent située à hauteur de ses yeux. Comme si le spectateur était placé à côté d’elle, comme un ami témoin de cette bonne humeur permanente. La mise en scène est vraiment particulière lorsqu’elle a pour but d’intégrer le public comme un proche de Clara. Les plans sont stables. Pas de caméra à l’épaule. Pourtant cela aurait pu être encore plus immersif. Mais ce procédé aurait peut-être donné des images trop « brouillons ». Le réalisateur Kleber Mendonça Filho préfère donner du réalisme aux scènes en laissant par exemple les ambiances intactes. Lors de discutions de familles, il est alors possible d’entendre des voitures passer au loin ou encore des oiseaux qui chantent. Ces bruits, souvent parasites au cinéma, donnent ici une valeur très immersive. Le spectateur peut profiter des moments d’ivresse, de fête et de rire avec Clara comme s’il était avec elle. C’est agréable pour le public. On ne s’ennuie pas. Lors de certaines réunions de famille, les dialogues s’entrecoupent les uns les autres, les conversations se superposent, les « privates jokes » fusent. Là, il est possible de se sentir un peu perdu et un peu exclu de ce qu’est en train de vivre Clara avec ses proches. Mais on comprend très bien l’intention du réalisateur. Il veut appuyer les liens entretenus par Clara et son entourage, pour ensuite les rapprocher à l’importance des traces que chacun d’eux laissent dans l’appartement de Clara.

[CRITIQUE] Aquarius (2016)

L’atmosphère est de plus en plus intimiste au fur et à mesure que les minutes du film passent. Cette ambiance est renforcée par des musiques intradiegetiques, c’est-à-dire diffusées au sein même de l’environnement des personnages. Ce ne sont pas des musiques rajoutées au montage. Cela plonge Clara et les autres protagonistes dans des climats familiers et très fermés, comme pour resserrer encore plus les liens entre chaque personnage.

Tous ces effets de mise en scène permettent d’inclure les négociations avec la fameuse agence immobilière en faisant adopter au spectateur le point de vue de Clara. Le public comprend son combat. Il compatit tout à fait à sa cause. Et ayant fait partie de la vie de la protagoniste principale pendant plusieurs quarts d’heure du film, il tient tout autant qu’elle à l’appartement réclamé par les promoteurs.

Aquarius pose des problématiques sérieuses, dans un cadre familial porté par une femme pleine de joie de vivre. Drole, poignant et tendre.

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