[CRITIQUE] – Elle (2016)

Par Pulpmovies @Pulpmovies

Réalisé par : Paul Verhoeven


Avec :
Isabelle Huppert, Laurent Lafitte, Anne Consigny, Charles Berling, Virginie Efira et Alice Isaaz.


Sortie :
25 mai 2016


Durée:
2h10min


Distributeur :
SBS Distribution

Synopsis : « Michèle fait partie de ces femmes que rien ne semble atteindre. Elle gère ses affaires comme sa vie sentimentale : d’une main de fer. Sa vie bascule lorsqu’elle est agressée chez elle par un mystérieux inconnu. Inébranlable, Michèle se met à le traquer en retour. Un jeu étrange s’installe alors entre eux. Un jeu qui, à tout instant, peut dégénérer; »

4,5/5

Il est arrivé en fin de Festival, pourtant il a su s’imposer comme il fallait dans le cœur des spectateurs. Le film Elle, du réalisateur Paul Verhoeven été très attendu à Cannes. Il a su ravir la presse et les professionnels du cinéma. Les retours sont très positifs. L’équipe de Pulp Movies s’accorde avec l’avis général, voire même un peu plus. Elle est génial !

Mais qui est désigné par « Elle » ? Le personnage principal désigné par le titre se nomme Michèle. Elle est incarnée par Isabelle Huppert. L’actrice tient le film à elle toute seule. Surement dirigée avec une main de maître par le réalisateur, elle tient son rôle comme personne n’aurait pu le faire. La voir tenir une telle prestation éclipse très vite l’éventualité d’un choix d’actrice différent pour incarner Michèle. Isabelle Huppert est remarquable. Si le rôle n’avait pas été aussi bien joué, Elle serait très certainement tombé à plat.

L’interprétation du personnage principal est plus d’un enjeu majeur. C’est l’huile du moteur. Sans cela, rien dans Elle ne peut fonctionner. Tout l’intérêt du film est misé dans la manière de tenir le personnage de Michèle. C’est tout ce qui en fait le charme. Le film de Paul Verhoeven offre une expérience très particulière au spectateur. Avec un sujet extrêmement lourd et grave, le viol, Elle entraine le public dans un tourbillon de rire et de folie. Mais comment le réalisateur a-t-il réussi une telle prouesse ? Tout d’abord, la construction du personnage de Michèle et la mise en place de chacune des facettes de sa personnalité est le point majeur. Cette femme a un caractère très fort. Le spectateur le voit clairement tout au long du film. Elle a du caractère et elle en se laisse pas marcher sur les pieds. Patronne d’une entreprise de jeux-vidéo, elle revendique ses choix artistiques, graphiques, et même sonores quitte à se mettre à dos certains de ses employés. Elle apparaît au public comme étant une femme têtue, décisionnaire, presque tyrannique. Mais aussi forte, voire folle qu’elle puisse paraître, comment est-il possible de la faire résister à l’acte irréversible du viol ? La réponse parait très simple et absolument naturelle chez Paul Verhoeven : l’utilisation de l’ambiguïté et du rire. Tout au long de Elle, Isabelle Huppert sème le doute. Choquée, traumatisé à l’instant T, elle prend ensuite le viol comme une épine sur laquelle on marche. Ce n’est pas agréable sur le moment mais une fois que l’épine est retirée, on ne sent plus rien et il faut continuer de marcher. Pire que cela, le spectateur assiste à la bizarrerie de Michèle face à ce viol qu’elle semblerait presque trouver … plaisant ? On lit sur son visage et on entend dans ses mots, une sorte de fascination presque ludique de ce qu’il lui arrive. Comme cette situation est malsaine ! Pourtant, Paul Verhoeven fait en sorte que son public se plaise à contempler cette position complètement incongrue. Sans tomber dans le voyeurisme et sans mettre le spectateur mal à l’aise, Elle fait planer une atmosphère à la fois glauque et pleine de bonne euphorie. Tout est fait pour que le public soit absolument fasciné par les réactions de Michèle, les une toutes plus surprenantes que les autres. D’un autre côté, cette folie inexpliquée de la protagoniste place un écart entre elle et le public. On adopte alors un point de vue 100% contemplatif face au déroulement de la vie de cette femme, qui a à la fois la tête sur les épaules mais dont le comportement devrait paraître complètement déplacé. Pourtant, le politiquement incorrect ne dérange pas ; il envoûte, il subjugue.

Loin d’être une comédie légère, on passe 2h10 à rire. Rire de quoi ? De cette femme qu’on ne comprend pas, mais qui pourtant semble maîtriser toutes les situations, quelles qu’elles soient. Même lorsqu’une situation est complètement à son désavantage, voire même lui est dangereuse, Michèle arrive toujours à gagner le contrôle et à reprendre les rênes d’une main ferme. Malgré ses réactions excessives, parfois irréalistes, le public est en quasi admiration devant ce personnage hors du commun. S’ajoute à la très bonne performance d’Isabelle Huppert, une mise en scène et une réalisation très bien maîtrisée par le réalisateur. Les personnages secondaires sont évidemment moins époustouflants que le rôle de Michèle puisqu’ils ne sont pas aussi fascinant qu’elle. Mais les acteurs, eux, sont tout aussi brillants qu’Isabelle Huppert. Chez Pulp Movies, on se demande encore comment ce film en compétition n’a reçu absolument aucune récompense lors du 69e Festival de Cannes. La Palme d’Or, peut-être pas. Quoi qu’il a fallu oser un tel sujet. Mais au moins un prix de la meilleure interprétation féminine. C’était la moindre des choses.

Elle donne un coup de fouet à un panel d’acteurs français souvent trop mou. Paul Verhoeven maîtrise avec perfection l’art du malsain qui ne met pas mal à l’aise. Un petit chef d’œuvre !