© FDC / Lagency / Taste (Paris) / Ingrid Bergman © David Seymour / Estate of David Seymour – Magnum Photos
Après dix jours d’euphorie, de liesse, d’impatience, de stress, d’attente, de fatigue, d’engouement, d’exaspération, de déception, d’émerveillement, et tant d’autres couleurs qui composent l’arc-en-ciel émotionnel du festivalier cannois, le moment est venu pour la Croisette de tomber le rideau et de retrouver un peu de calme… jusqu’à la prochaine tempête!
L’heure du bilan a donc sonné. Que retiendrai-je de cette 59e édition? Une étrange sensation d’évanescence. Le festival passe toujours bien trop vite à mon goût (je n’y reste hélas que 4 jours sur les 10 que dure le festival). Mais cette année, le temps m’a semblé s’échapper avec une perfidie redoublée. J’ai pourtant vu autant de films que lors des éditions passées, j’ai encore eu l’occasion de faire de belles rencontres, j’ai même eu le temps d’attraper des coups de soleil et de monter les célèbres marches en soirée. Néanmoins, cette sensation d’éphémère persiste, me laissant un drôle de goût d’inachevé…
Heureusement, les quelques critiques à rédiger vont me permettre de replonger, le temps de l’écriture, dans cette parenthèse cannoise unique où les émotions sont exacerbées, où le monde entier semble contenu dans une petite station balnéaire du sud de la France et où seul le 7e art semble rythmer le quotidien. Pendant ces quelques jours, on vit cinéma, on pense cinéma, on parle cinéma, on rit cinéma, on pleure cinéma, on gueule cinéma… Le reste peut bien attendre.
Un exemple : vous êtes dans une file d’attente pour La Tortue rouge, un petit bijou d’animation épuré sous forme de conte poético-philosophique. Et vous voilà en un clin d’oeil à discuter passionnément avec une réalisatrice iranienne, également artiste d’art contemporain, qui cherche à créer son webzine autour de la parole féminine. Ou à échanger sur la qualité de la sélection du festival avec une exploitante de salles de cinéma corse. Ou encore à tenter d’établir des critères de jugement d’un film avec l’un des membres du jury du Prix Oecuménique du festival.
Plus tard, vous faites le point sur les films vus avec un jeune comédien, qui a joué dans un court métrage sélectionné dans une sélection parallèle. C’est son « premier Cannes », il est à la fois tout émoustillé et assez intimidé par ce spectacle extraordinaire qui se déroule aussi bien dans les salles que dans la rue. S’il savait qu’après cinq ans de festival, l’excitation reste la même…
« Et les films? » me direz-vous? Je vous ai déjà parlé de Julieta et prépare un papier sur Elle, film subversif et fascinant de Paul Verhoeven (aujourd’hui en salles). Je vous toucherai également quelques mots sur Pericle il nero, de Stefano Mordini, un ovni italien, sombre et mystérieux, présenté à Un Certain regard. Je ne couperai à l’exercice de la critique de l’insupportable Juste la fin du monde de Xavier Dolan, hystérique et décevant, ou de celle du ridicule et désolant The Last Face de Sean Penn. Heureusement, il me faudra également évoquer Le Client, d’Asghar Fahadi, prix du scénario et d’interprétation masculine pour Shahab Hosseini, Bacalauréat de Cristian Mungiu, prix de la mise en scène, ou encore Toni Erdmann, la comédie de Maren Ade, coup de coeur des festivaliers.
Voici donc venu le temps de coucher par écrit le souvenir des émotions… et de prolonger cette heureuse sensation d’être blottie dans un nuage de bien-être. Quelque part entre ici et là-bas.