MONEY MONSTER : Touche à mon poste ★★★★☆

Par Le Cinéphile Anonyme @CinephilAnonyme

Jodie Foster s’attaque aux dérives de la communication moderne avec un regard surprenant.

Money Monster s’ouvre sur les images d’un flux d’informations codées informatiquement, accompagné par un autre flux, celui de la voix de Lee Gates (George Clooney), présentateur fantasque d’une émission d’économie dotée d’un certain sens du spectacle. Il débute même son discours par une question qui hantera le reste du film : « Êtes-vous concentrés ? ». En quelques minutes de montage énergique montrant le potentiel du show de l’animateur, tout semble passer à une vitesse folle, sans jamais prendre le temps de se poser, de s’attarder un instant. Ainsi, le nouveau long-métrage de Jodie Foster n’est pas qu’une critique facile de la télé-poubelle et de son détournement de l’éthique journalistique au profit du buzz. La réalisatrice compare immédiatement le système actuel des banques, et leurs transferts de sommes mirobolantes effectuées en quelques secondes, avec la communication, qu’elle vienne de la presse ou des réseaux sociaux. D’une certaine façon, Money Monster n’est pas sans rappeler la position de The Big Short, qui accusait autant Wall Street du crack boursier de 2008 qu’une population s’étant laissée aveugler sans poser de questions. Foster ne cherche donc pas à nous ménager, et interagit avec nous non pas pour nous victimiser, mais pour nous apprendre, comme pour ses personnages, à nous concentrer de nouveau.

En effet, s’il choisit la voie très américaine de la rédemption, le long-métrage ne se montre jamais tendre. Servi par des dialogues cyniques débités à un rythme de fusil d’assaut, Money Monster s’inspire avec justesse de scénaristes comme Aaron Sorkin et de leur froideur dissimulée derrière la complexité des figures qu’ils décrivent. Car la situation aurait largement pu prêter à du misérabilisme social : en pleine émission, Kyle (Jack O’Connell) décide de prendre en otage le présentateur devant des millions de téléspectateurs, lui qui a suivi un conseil de Gates lui ayant fait perdre tout son argent. Pourtant, Foster dénonce autant la bêtise de l’animateur que de ce mouton bien trop confiant, et désamorce les codes habituels du genre avec un humour grinçant, notamment lorsque la femme de Kyle, censée aider les négociateurs à calmer son mari, le quitte en le traitant de minable. La cinéaste joue alors de l’absurdité du système boursier pour traiter son sujet à la manière d’un trader, c’est-à-dire comme un jeu. Le film n’en perd pas pour autant de sa tension, mais il sait maîtriser son rythme, accélérer la cadence pour ensuite la ralentir, et pousser encore une fois à nous attarder sur ce que nous avons sous les yeux, tandis que d’autres préfèrent rire de la situation, à commencer par les policiers qui s’amusent à parier en plein milieu de leur enquête.

Mais Money Monster se révèle surtout malin dans la gestion de son décor principal, le plateau de l’émission, dans lequel se déroule une grande partie de l’action. Outre un emploi ample du cinémascope qui utilise la moindre parcelle du lieu, il est l’occasion de s’attarder sur les coulisses, que la productrice (Julia Roberts) doit continuer de contrôler malgré la présence du preneur d’otages. La mise en scène de Judie Foster se présente alors comme une suite de remparts qui s’abattent au fur et à mesure, amoindrissant la distance qui sépare l’écran de télévision de la réalité, allant jusqu’à exploiter les angles offerts par les caméras intradiégétiques. L’interaction directe que les personnages ont avec celles-ci accentuent l’aspect factice du show, surtout lorsque Lee Gates continue de donner des explications à Kyle ponctuées d’animations et de jingles. Cette mécanique quasi-infantilisante est ainsi reniée au profit de la spontanéité de cet homme perdu, menaçant avec du C4 pour simplement être écouté. Là encore, Money Monster rappelle Aaron Sorkin, et plus précisément sa série The Newsroom, avec laquelle il partage ce goût du journalisme, du vrai. Néanmoins, il est ici plus amer, limité à un simple instant, aussitôt oublié dans le flux des autres informations. La rapidité de la transmission pousse à ne plus vérifier, à ne plus se déplacer pour s’assurer de la vérité. Le danger doit venir au journaliste pour le pousser à agir, ouvrant les yeux à Gates sur sa position d’exécutant d système, autant que victime. On pourra reprocher à Jodie Foster de parfois trop marteler son propos, ou encore de se complaire dans une certaine naïveté. Mais Money Monster nous prouve que c’est son manque qui nous fait défaut.

Réalisé par Jodie Foster, avec George Clooney, Julia Roberts, Jack O’Connell

Sortie le 12 mai 2016.

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