Dans la grande famille du film catastrophe, on aura assisté à tout jusqu’au terrible San Andreas, parangon de tous les travers du genre. On en était revenu. Et puis, venu du grand nord norvégien, nous avons pu voir, en avant-première, The Wave de Roar Uthaug, un drame impressionnant à dimension humaine qui n’est pas sans rappeler La Folie des hommes de Renzo Martinelli. De ce type de long-métrage facilement orientable vers l’excès de testostérone et de situations improbables, The Wave est l’exact opposé, leurs préférant un traitement réaliste et intimiste. Il sortira le 27 juillet 2016.
Kristian (Kristoffer Joner), un sismologue, s’apprête à quitter la montagne qu’il surveille depuis des années. Avec sa famille, il veut s’installer en ville pour poursuivre sa carrière. Avant de partir, il constate des anomalies dans les instruments de mesure censé prévenir des éboulements et du tsunami que ceux-ci pourraient provoquer dans le fjord. Il décide alors de mener des investigations complémentaires.
Surprenant par bien des aspects, The Wave a essentiellement pour lui d’échapper aux nombreux écueils du genre. Premièrement, il nous évite les interminables séances d’explications pseudo-scientifiques, souvent à la masse, qui sont l’apanage, que dire la caution intellectuelle de la plupart des grands films catastrophes. Uthaug a ainsi l’intelligence de ne pas plomber le rythme de son récit et de ne pas prêter le flan aux critiques de spectateurs tatillons. Rapidement expédié cet aspect est réduit à son strict minimum. Le deuxième point essentiel est de coller de plus près à la réalité des moyens des secours et de l’infrastructure civile. Ne vous attendait pas à voir surgir la cavalerie où renforts surdimensionnés et immédiats de l’armée. Point, non plus, de héros infaillible, sauvant la terre entière. Kristian est laissé seul, en conscience, face à des choix dramatiques qu’il prend la mort dans l’âme, comme aurait été forcé de le faire chacun d’entre nous. Ainsi, l’identification au personnage fonctionnera bien mieux que dans les équivalents hollywoodiens à The Wave. Les déchirements du cœur, de la raison et de l’âme que subit le protagoniste principal sont autant de caractérisation empathique qui nous rapproche de lui. C’est vraiment là que se situe la force de The Wave.
Pour les autres personnages se posent les mêmes questions éthiques et morales, mettant souvent en scène ce moment tangent où l’on peut hésiter à sauver la vie d’autrui en se mettant en danger où considérer que cela est impossible et sûrement, porter le poids du doute à vie. Ce sont ces moments de tensions-là, non pas créé artificiellement par l’événement naturel, mais propre à l’homme que Uthaug met au centre de son récit. C’est ainsi que certains personnages, parmi eux la femme, Idun (Ane Dahl Torp) et le fils, Sondre (Jonas Hoff Oftebro) de Kristian sont livrés à eux-mêmes dans des circonstances discutables mais compréhensibles. La nature aveugle du désastre ne doit pas pousser à fermer les yeux sur les conséquences des choix humains. Si la catastrophe racontée dans The Wave est inspirée de drames réels survenus dans les années 30 en Norvège et ayant poussé les pouvoirs publics à surveiller les glissements de terrains, est purement géologique, il est tout de même ici question de la propension de l’être économique à se voiler la face. C’est ainsi que le supérieur de Kristian, Arvid (Fridtjov Såheim que l’on a vu dans Capitaine Dent-de-Sabre – Le trésor de Lama Rama et Acquitted) repousse l’alerte plusieurs fois, pour des raisons économiques, mettant les populations en danger.
Loin d’être sûr de lui comme l’archétype du héros américain, le héros ordinaire de The Wave fait du mieux qu’il peut avec les moyens du bord. Grâce à cette approche quasi-documentaire, à laquelle il insuffle des moments de bravoures à hauteur d’homme, Roar Uthaug réalise une œuvre poignante à la forte intensité dramatique. Ce que l’on avait plus ressenti depuis longtemps avec les scénarios téléphonés des grandes productions d’Outre-Atlantique.
Boeringer Rémy