Ultimo Tango (Un Tango Más)

Par Cinealain

Date de sortie 25 mai 2016


Réalisé par German Kral


Avec María Nieves et Juan Carlos Copes

Pablo Verón, Alejandra Gutty,  Ayelen Álvarez Miño,
Juan Malizia, Pancho Martínez Pey, Johana Copes

 

Titre original Un Tango Más


Genre Documentaire


Production Allemande et Argentine

"Séparés par la vie, réunis par le tango"


María Nieves et Juan Carlos Copes, légendes du tango

Synopsis

Passions amoureuses.

L’histoire de Maria et Juan, les deux plus célèbres danseurs de la légende du tango.

Au cours des dernières années, le tango a connu un nouvel essor non seulement en Argentine, mais dans le monde entier. En Finlande, en Italie, en France, en Russie, au Japon, en Turquie et aux États-Unis, ce style chorégraphique est extrêmement présent. Régulièrement, des centaines de milliers de personnes pratiquent cette danse. En Allemagne également, outre les écoles classiques, on compte plus d’une centaine d’écoles de tango où des milliers d’adeptes sont portés par l’engouement pour cette danse.


Pourquoi le tango fascine-t-il autant ? Que recherchent les danseurs dans la dramaturgie intérieure de ce style chorégraphique ? Est-ce l’éventail de toutes les passions humaines qui s’y reflètent ? Est-ce parce qu’il permet de se dévouer à son partenaire sans renoncer à sa propre individualité ? Est-ce la recherche d’une intensité émotionnelle souvent absente de la vie courante ? Ou bien est-ce la posture fière de cette danse qui vient braver la souffrance de l’existence ?


Ultimo Tango creuse ces questions au fil du parcours mouvementé du célèbre couple de danseurs María Nieves et Juan Carlos Copes, en retraçant l’histoire du tango. Le film montre ainsi comment "la danse des gens pauvres" a conquis le monde depuis l’Argentine. L’origine du tango remonte à la fin du XIXème siècle lorsque, sur les rives du Río de la Plata, divers peuples et cultures se rencontrent dans les agglomérations de Buenos Aires et de Montevideo à la suite d’importants mouvementsmigratoires. Les éléments musicaux et chorégraphiques qui ont favorisé la naissance du tango argentin sont multiples : du candombe créole et noir à la habanera cubaine, en passant par la mazurka polonaise et la polka bohémienne, sans oublier la valse, la danse tyrolienne et l’accordéon des immigrés germanophones.

Très tôt déjà, on danse le tango dans des salles de spectacles clandestines, cette danse paraissant trop excessive aux yeux des autorités et donc insultante. Ces lieux sont les prémices des milongas urbaines (terme désignant à la fois un style de tango et les clubs de danse) et participent au premier essor du tango au tournant du siècle. À l’origine, ce sont les hommes qui sont toujours au premier plan : jusqu’en 1938 en effet, les femmes ne sont jamais mentionnées lors des représentations. Elles jouent un rôle secondaire, faisant figure d’accessoires tandis que leurs cavaliers exercent leur art.


Peu avant la Première Guerre mondiale, le tango fait fureur outre-Atlantique dans les salons et les bars de Paris. Il est en vogue en Europe d’où est lancée la mode et permet à des danseurs et des orchestres de faire carrière dans le "Vieux Continent". Ce succès européen lui donne une nouvelle image dans son pays natal : il n’exprime plus la pauvreté et la déchéance ; c’est l’heure du tango de salon. Quelques années plus tard, une nouvelle génération de musiciens, la Guardia Nueva, transforme le tango grâce à son professionnalisme et sa virtuosité technique et artistique. Des danseurs précurseurs du style tels que José Giambuzzi, Bernardo Undarz et la pionnière Carmen Calderón se produisent dans leurs milongas et créent leurs propres écoles de danse.
La période de 1935 à 1955 fait figure d’âge d’or du tango.


Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le Président Juan Perón favorise l’essor économique de l’Argentine, permettant à la population de disposer de suffisamment d’argent pour se divertir le week-end. Les émissions de tango font alors partie intégrante de la programmation des radios et les spectacles et les compagnies de tango fleurissent. La musique de chefs d’orchestre tels que Carlos di Sarli, Aníbal Troilo et Osvaldo Pugliese atteint l’excellence et des pièces ainsi que des pas de danse de cette époque constituent encore aujourd’hui la base de chaque milonga.


Au début des années 1950, d’autres styles de musique comme le rock’n’roll, le beat ou le rock deviennent très populaires en Argentine, comme partout en Occident. Le tango se retrouve alors mis de côté et suscite davantage l’intérêt des intellectuels. Astor Piazzolla, influencé par le jazz et la musique classique, intègre la batterie et la guitare électrique à son orchestre. Se mettant à dos les traditionalistes, il crée le Tango Nuevo, une forme nouvelle, artistiquement ambitieuse et plutôt avant-gardiste du tango. À l’instar de nombre de ses compatriotes, il fuit la dictature militaire des années 1970 et se réfugie en Europe où son style s’exacerbe dans la douleur de l’exil.

Son tango nouveau, joué en concerts et représenté sur les planches en collaboration avec María Nieves et Juan Carlos Copes notamment, suscite un nouvel engouement pour la danse, d’abord en Europe puis de nouveau en Argentine au milieu des années 1980.

María Nieves et Juan Carlos Copes


Aujourd’hui encore, le tango demeure l’un des symboles culturels de l’Argentine et joue un rôle économique important pour le pays. Comme à son origine, il est un vecteur d’influence et d’échange entre les arts. Des réalisateurs internationaux se sont par exemple emparés de la force d’expression du tango, notamment Bernardo Bertolucci et Le dernier Tango à Paris, en 1972, Fernando E. Solanas, avec Tangos: l'exil de Gardel réalisé en 1985, Sally Potter et La leçon de tango en 1997, Carlos Saura avec Tango en 1998, Robert Duvall et l'Assassination Tango réalisé en 2002 et Arne Birkenstock en 2005 avec ses 12 Tangos - Adios Buenos Aires.

"La première fois que j’ai dansé le tango, je l’ai senti monter de mes pieds vers mon corps, transpercer ma peau pour rejoindre mon sang et se déverser directement de mon sang vers mon coeur. Pour le danser, pas besoin d’acrobaties, il suffit de s’abandonner aux battements de son coeur ". María Nieves.


"Pour moi, le tango est la seule danse qui embrase l’imagination et la créativité au point qu’elle peut raconter sans mots, en seulement trois minutes, une grande histoire d’amour ou de haine". Juan Carlos Copes.

María Nieves Rego  et Juan Carlos Copes se rencontrent en 1948 à Buenos Aires dans un club de tango alors qu’ils sont encore adolescents. La jeune fille, âgée de 14 ans et issue d’un milieu pauvre, et le passionné de tango, âgé de 17 ans, tombent amoureux et forment un couple. Ils marqueront les 50 prochaines années par leur art commun. L’histoire du tango moderne est impensable sans eux. Ce sont les premiers à avoir hissé cette danse des clubs quelque peu obscurs au rang d’art, lui faisant une place sur les scènes du monde, à la télévision, dans les cours de danse pour Robert Duvall, Mikhaïl Baryshnikov, Bob Fosse et Liza Minnelli, sans oublier à la Maison-Blanche à l’occasion d’une fête d’anniversaire de Ronald Reagan.
Lors de cette première soirée de 1948, Juan demande à María d’être sa cavalière, mais elle refuse. Sa soeur, La Ñata, une danseuse de tango ambitieuse, lui interdit de pratiquer cet art, la jugeant encore trop jeune.

Une année s’écoule avant que María Nieves ne recroise Juan et accepte son invitation. Outre sa passion pour le tango qu’elle apprend seule avec un balai pour partenaire, elle partage le même enthousiasme que Juan pour les comédies musicales hollywoodiennes mettant en scène Gene Kelly et Cyd Charisse. Le duo de danseurs s’inspire des deux acteurs et insuffle un nouvel élan au tango : la danse comme spectacle et comme métier. Une véritable révolution à une époque où le tango n’est qu’un passe-temps et un divertissement pour les couches populaires dans les milongas. Maria Nieves et Juan Copes définissent les thèmes du tango encore classiques aujourd’hui : combat au couteau entre hommes, danse de milonga sur les tables, conquête passionnée de la cavalière et danses populaires d’immigrés. Autant d’éléments qui rentreront peu à peu dans le répertoire du tango.


Après des débuts difficiles et vivotants en Amérique du Sud et à New York, le couple devient un véritable phénomène mondial tandis que leur relation sombre dans le cauchemar. María Nieves, dénuée d’ambition carriériste, souhaite se marier, rester auprès de sa mère à Buenos Aires et danser dans les milongas du coin avec Juan : "Mais j’avais rencontré un fou et je l’ai suivi".

Juan en revanche désire conquérir le monde par ses chorégraphies et autant de femmes que possible. Dès 1956, il développe un concept de spectacle mêlant chorégraphie et théâtre sur la musique d’Astor Piazzolla. Ce n’est qu’après plusieurs tournées à travers l’Amérique centrale, au Venezuela, au Brésil et au Mexique qu’il rencontre le musicien influent. Astor Piazzolla lance María Nieves et Juan Copes aux États-Unis et à la télévision américaine. Ils vivent alors au jour le jour à New York, mais maintiennent leur collaboration pendant des années. Leurs premières tournées de l’époque durent à chaque fois deux à trois ans, car ils n’ont pas assez d’argent pour se payer un billet d’avion-retour.
Ils se marient à Las Vegas en 1965, achètent une maison à Buenos Aires et partent en tournée dans le monde. Malgré les années difficiles de la dictature militaire en Argentine, ils restent fidèles à leur art, mais finissent par se séparer. En dépit de leur rupture, María Nieves et Juan Copes continuent de former un couple à la scène, même s’ils se rendent fous : elle ne sait pas quoi faire d’autre et lui ne trouve personne qui puisse la remplacer : "Avec d’autres femmes, je peux danser ; mais avec elle, je peux briller". Même si Juan s’enivre des nuits entières et multiplie les aventures en véritable Latin Lover, elle ne renonce pas à lui, car elle "l’aimait et pensait que tous les hommes étaient les mêmes".


Le tournant émotionnel survient en 1972 pour María. Juan Carlos Copes entame une relation avec une jeune femme de 20 ans sa cadette, devient père en 1976 et fonde une famille, ce qu’il avait toujours refusé à María. Il s’en est fallu de peu d’une séparation définitive, mais María retourne sur scène avec lui en 1977. "C’était difficile d’être sur scène avec toute cette haine. Je pleurais en secret, je ne lui disais jamais bonjour et je faisais passer tous mes sentiments dans la danse. Mon dégoût pour lui m’aidait considérablement dans mon expression ! Sur scène, je disais à voix basse : "Je vais te marcher sur les pieds…" C’était une énergie très négative, mais pleine de fierté et de passion, qui m’a permis de m’épanouir en tant qu’artiste".

Leur spectacle Tango Argentino signe le retour du tango sur la scène internationale en 1983.


Peu à peu, María Nieves plonge dans le désespoir. Elle parvient toutefois à surmonter sa dépression après plusieurs années et finit par comprendre que le public n’a jamais cessé de l’aimer :  "Au début de mon come-back, je pensais que les gens m’applaudissaient uniquement par pitié pour l’ancienne muse de Juan Carlos Copes. J’ai compris après un temps qu’ils m’estimaient véritablement en tant qu’artiste à part entière. Il n’y aura plus jamais un danseur à sa hauteur". Juan Carlos Copes continue de travailler comme chorégraphe, notamment avec sa fille Johanna Copes ainsi qu’avec Astor Piazzolla (Between Borges and Piazzolla, 1997) dont il transforme les idées musicales en mouvements. Il chorégraphie le premier opéra-tango de Astor Piazzolla Maria de Buenos Aires et devient conseiller artistique de Raúl de la Torres pour sa comédie musicale Funes en 1993 ainsi que de Carlos Saura pour son film Tango.
Ultimo Tango est le film d’un couple exceptionnel : celui d’un perfectionniste obsédé avec un penchant pour l’excès et d’une femme qui ne trouve sa véritable autonomie créative que tard dans la vie. María Nieves n’a jamais connu de relation sérieuse jusqu’à aujourd’hui, que ce soit d’ordre privé ou professionnel et divise sa vie en un "avant et après Copes". Elle enseigne et se produit sur scène à l’occasion.
Avec Juan Copes, danseur et chorégraphe encore en activité, elle dansait de moins en moins, avant d’arrêter. Ultimo Tango signe leurs retrouvailles.

Juan Carlos Copes et María Nieves

Mon opinion

Entre la reconstitution de leur époque glorieuse jusqu'à nos jours, le couple de légende, Juan Carlos Copes et María Nieves se confie.

Pour gommer quelques passages pas toujours utiles, la musique, la magnifique photographie et la plupart des chorégraphies restent comme autant de points forts.

Avec, entre autres, et même si très bref, un remarquable pas de trois.

Le bandonéon accompagne parfaitement l'extraordinaire talent de ce duo à la scène. Mais également le couple qui finira par se déchirer en privé.

Le grand plus, les confessions de María Nieves. Son talent, son allure, sa voix, son sourire et ce magnifique regard devraient ébranler les plus récalcitrants. Le temps, a laissé ses traces, certes, mais n'a rien enlevé de son incroyable charisme.

Sa passion de la danse, et par-dessus tout, son amour pour le tango,  trouvent, au travers de sa voix rocailleuse une ampleur souvent poignante.