Elle – 14,5/20

Par Taibbo

De Paul Verhoeven
Avec Isabelle Huppert, Laurent Lafitte, Anne Consigny

Chronique : Fidèle à sa réputation, Paul Verhoeven livre avec Elle un thriller sulfureux, organique et ambigu.
On pouvait émettre des doutes sur la façon dont son cinéma provocateur allait se fondre dans un univers très franco-français, mais ils sont très vite levés. La greffe prend rapidement, et Elle trouve instinctivement sa voie. Et sa voix. Qui d’autre en effet que Isabelle Huppert pour incarner cette femme trouble et troublante, qui décide de passer outre son statut de victime pour prendre le contrôle, sans qu’on ne comprenne vraiment trop d’où lui vient cette détermination ? L’actrice se donne totalement à son réalisateur, et lui offre une performance physique d’une intensité rare tout en conférant à Michèle une aura mystérieuse et vénéneuse, entre résilience, fascination perverse, attirance sado-masochisme, vengeance et traumas familiaux. Elle est la pierre angulaire d’une mise en scène au cordeau, diablement efficace dans sa façon de brouiller les pistes. S’il n’ennuie jamais, on ne peut pas dire que Elle soit un thriller haletant, on finit même par se désintéresser de savoir qui est l’agresseur de Michèle. Elle s’impose à nous plus comme un thriller d’ambiance, un drame bourgeois du malaise qui s’articule autour des personnages avec chacun leurs zones d’ombres et leurs déviances. Michèle évidemment et son regard changeant, parfois effrayé, parfois accusateur, parfois provocateur, mais aussi son cercle d’amis, ses voisins, sa famille, tous ambarassés d’un petit côté fucked up. C’est leur interaction, le danger qu’ils courent ou représente, qui créent l’intensité parfois étouffante qui pèse sur le film. Le casting, pourtant très hétéroclite et venant de multiples horizons (le ciné indé – Huppert, le théâtre – Berling, la scène – Lafitte, la télé – Efira…) se lie miraculeusement bien au gré de performances parfois surprenantes, mais quoiqu’il en soit toutes convaincantes.
Sans jamais perde le fil de son récit et porté par des interprètes royaux, Paul Verhoeven signe une œuvre tordue et passionnante sur la perversité et l’héritage du passé. Verhoeven à la mode française? On valide.

Synopsis : Michèle fait partie de ces femmes que rien ne semble atteindre. À la tête d’une grande entreprise de jeux vidéo, elle gère ses affaires comme sa vie sentimentale : d’une main de fer. Sa vie bascule lorsqu’elle est agressée chez elle par un mystérieux inconnu. Inébranlable, Michèle se met à le traquer en retour. Un jeu étrange s’installe alors entre eux. Un jeu qui, à tout instant, peut dégénérer.