Julieta – 14/20

Par Taibbo

De Pedro Almodóvar
Avec Emma Suárez, Adriana Ugarte, Daniel Grao

Chronique : Drame d’une grande élégance, Julieta s’inscrit dans la grande tradition des mélos habités par un lourd secret de famille. Sa grande qualité réside dans l’angle avec lequel Almodovar le traite, celui du thriller. S’appuyant sur un score tendu omniprésent qui n’est pas sans rappeler certaines musiques hitchcockiennes, le réalisateur captive et suscite constamment l’intérêt pour son héroïne en la suivant sur deux périodes clés de sa vie. Il fait preuve d’une mise en scène subtile malgré le propos lourd et la gravité du sujet, faisant parler sa science du mouvement, que sa caméra tourne autour de ses acteurs ou s’attarde sur leurs visages toujours intensément expressifs.
Sa réalisation souple et d’une grande fluidité enchaine les plans peu ostentatoires mais d’une beauté simple et évidente (ne serait-ce que l’introduction sur le drapé d’une robe de chambre que l’on retrouvera en guise de fil rouge).
Surtout, Almodovar confirme s’il était besoin qu’il a peu d’équivalents pour offrir des portraits de femmes bouleversants. S’il l’a longtemps fait avec excentricité et outrance, Julieta marque peut-être un tournant, tant la pudeur domine. Résonnants de déchirants silences qu’à la fois le trop et le manque peuvent causer, il dessine tout en nuance une relation mère/fille trouble et intense.
Peu de réalisateurs peuvent se targuer de faire preuve d’autant de maîtrise. Elle s’exprime particulièrement lorsqu’il s’agit de faire des aller-retours dans le temps et multiplier les procédés narratifs.
Julieta est un très beau film, sans doute pas le plus marquant de son auteur, mais il s’en dégage une douceur inédite et prégnante malgré ses abords sombres. Surprenament classique, gracile, il efface le souvenir effroyable de son dernier film, la pénible farce « Les amants passagers ».
Almodovar a visiblement changé. On aime bien par ici.

Synopsis : Julieta s’apprête à quitter Madrid définitivement lorsqu’une rencontre fortuite avec Bea, l’amie d’enfance de sa fille Antía la pousse à changer ses projets. Bea lui apprend qu’elle a croisé Antía une semaine plus tôt. Julieta se met alors à nourrir l’espoir de retrouvailles avec sa fille qu’elle n’a pas vu depuis des années. Elle décide de lui écrire tout ce qu’elle a gardé secret depuis toujours.
Julieta parle du destin, de la culpabilité, de la lutte d’une mère pour survivre à l’incertitude, et de ce mystère insondable qui nous pousse à abandonner les êtres que nous aimons en les effaçant de notre vie comme s’ils n’avaient jamais existé.