CANNES 2016 : Le compte-rendu de la rédaction

Par Le Cinéphile Anonyme @CinephilAnonyme

Cette année, une partie de notre équipe de Cinéphiles a pu se rendre à Cannes pour la 69ème édition de son festival. L’occasion de revenir sur les films qu’ils ont pu visionner, allant du navet honteux au chef-d’oeuvre humble. Un programme riche en somme.

SIERANEVADA (Compétition)

Réalisé par Cristi Puiu, avec Mimi Branescu, Dana Dogaru

Si Sieranevada a tout de la démonstration de force auteuriste harassante (trois heures de huis-clos durant une réunion familiale !), il captive pourtant dès ses premières images, plans larges aérés qui annoncent la suite, beaucoup plus resserrée et claustrophobe. Par la justesse de son écriture, on se prend au spectacle de ces tensions qui éclatent au pire moment possible (le deuil du patriarche récemment décédé), au point d’en devenir drôle. Mais Sieranevada est avant tout un merveilleux portrait de l’Homme dans ses interactions avec ses congénères. D’un corps à un autre, d’une conversation à une autre, d’une pièce à une autre, la caméra de Cristi Puiu use à merveille du panoramique pour dépeindre les attirances et les répulsions, le tout avec une fluidité déconcertante. Ainsi, le film va bien plus loin que le simple exercice de style, et aurait sans doute mérité le prix de la mise en scène.

RESTER VERTICAL (Compétition)

Réalisé par Alain Guiraudie, avec Damien Bonnard, India Hair

Cette année, l’ovni cannois est à chercher du côté d’Alain Guiraudie, qui continue à explorer son Sud-Ouest natal comme lieu de tous les possibles. En suivant le parcours improbable de Léo, scénariste en panne d’inspiration qui passe son temps à fuir ses responsabilités, Rester vertical engendre immédiatement une distance par l’incompréhension des actions de son protagoniste. Film de l’impulsion et de l’hédonisme, il en devient par moments au mieux dérangeant, au pire franchement exaspérant. Qu’il s’agisse de son montage cut parfois violent (ces scènes de sexe qui arrivent sans prévenir !) ou de ses choix de scénario assez malsains, impossible que le long-métrage vous laisse indifférent. Mais pour notre part, on laisse un peu la main…

I, DANIEL BLAKE (Compétition)

Réalisé par Ken Loach, avec Dave Johns, Hayley Squires

Le fait que la Palme d’Or soit remise pour délivrer un message politique n’étonne plus personne, mais est-ce vraiment nécessaire quand le cinéaste primé est déjà aussi connu, que son film est quasi-assuré d’un certain succès, et que le propos est autant martelé ? Pas de doute, le nouveau long-métrage de Ken Loach se révèle captivant et touchant, notamment grâce à la performance habitée de Dave Johns en menuisier contraint de faire appel à l’aide sociale suite à ses problèmes cardiaques, et qui se retrouve manipulé par le système. Le sensibilité du cinéaste est évidente, tout comme la spontanéité de son montage, qui présente avec intelligence le quotidien de son protagoniste. I, Daniel Blake aurait donc pu être brillant s’il avait su maîtriser la rage intérieur de son héros, la libérant petit à petit plutôt que de la transformer en simple objet de discours dans un dernier quart trop facilement indigné. On en perd de vue la fiction pour la simple démonstration. Dommage, puisque le reste s’avère très attachant.

MA LOUTE (Compétition)

Réalisé par Bruno Dumont, avec Fabrice Luchini, Juliette Binoche, Valeria Bruni Tedeschi

Aux côtés de Rester vertical, Ma Loute est l’autre l’ovni de cette 69ème édition du Festival de Cannes, mais son aspect déroutant et particulier ne le sauve pas pour autant. En effet, la première partie du film reste intéressante grâce à la découverte de son univers, qui fascine dans les premières minutes. Cependant, le parti-pris burlesque (sur-jeu des acteurs, gags répétitifs) tombe rapidement à plat dans la seconde partie et il devient assez difficile de comprendre les enjeux du métrage. En réalité, le plus grand problème de Ma Loute réside dans le non-respect des règles qui ont été instaurées en début de film. Partir d’une histoire plutôt banale (une enquête policière) à une histoire fantastique (des personnages qui se mettent à voler sans que cela soit introduit auparavant) dessert totalement l’ensemble et l’on en ressort en se demandant ce que l’on vient de voir. Par ailleurs, le fait de donner le titre du film au personnage de Ma Loute (Brandon Lavievielle), alors qu’il devient totalement secondaire dans la seconde partie, ne semble pas pertinent. Le jeu de Fabrice Luchini reste néanmoins excellent, même si celui de certains acteurs laisse à désirer ou agace par moments. Finalement, Ma Loute semble être un conte raté dont les intentions de départ pouvaient être intéressantes, mais se perdent en cours de route.

TONI ERDMANN (Compétition)

Réalisé par Maren Ade, avec Peter Simonischek, Sandra Hüller

Il est vrai que la compétition officielle a tendance à se complaire dans un réalisme social donné en pâture à un public dont la richesse clinquante les pousserait encore plus à s’indigner. Quelle joie alors de voir un film qui s’assume comme un pur délire de fiction, en mettant même ce principe en abyme par le retournement de la réalité de son héroïne. Véritable coup de cœur unanime, Toni Erdmann décrit l’arrivée inattendue de Winfried dans la vie de sa fille Inès, femme d’affaire loin d’être aussi épanouie qu’elle le laisse prétendre. Pour l’approcher, son père choisit d’incarner un personnage (le Toni Erdmann du titre) qui va la forcer à repenser son monde, et à (re)vivre des expériences qui vont lui permettre de se redécouvrir. Derrière le récit initiatique et la quête identitaire magistralement déroulés pendant près de trois heures, sans jamais que la cinéaste Maren Ade ne nous laisse sur le carreau, le long-métrage est surtout une bulle pétillante et colorée comme le festival en offre trop peu. Pensée comme une gradation constante vers le pétage de câble, Toni Erdmann propose d’immenses moments comiques, tout en sachant retrouver son sérieux quand il en a besoin. En bref, l’un des films les plus complets de la sélection.

MADEMOISELLE (Compétition)

Réalisé par Park Chan-Wook, avec Kim Min-Hee, Kim Tae-ri

Après la parenthèse américaine compliquée que fut Stoker, le coréen Park Chan-Wook est venu présenter cette année l’un des films les plus attendus de la compétition : Mademoiselle, thriller érotique classieux qui marque le grand retour du cinéaste dans son pays natal. Transposant dans la Corée des années 30 le roman anglais Du Bout des doigts de Sarah Waters, le film s’articule autour d’un infernal jeu de séductions en quasi-huis clos dans un immense manoir reclus. Sooke, la jeune héroïne, est embauchée comme servante chez Hideko, une belle et riche japonaise qui vit sous la domination d’un oncle tyrannique. Accompagnée d’un escroc se faisant passer pour un aristocrate, Sooke a mis au point un plan pour s’emparer de l’héritage d’Hideko, mais tout ne va pas se passer aussi facilement que prévu. A la fois métaphore politique sur les rapports complexes entre la Corée et le Japon, thriller sulfureux, romance intense, Mademoiselle brasse une multitude de thèmes et de genres différents avec la même folie imprévisible propre au cinéma coréen. Avec toujours la même virtuosité, le réalisateur culte de Old Boy nous entraîne ici dans un formidable jeu de faux-semblants, tour à tour drôle, surprenant, émouvant et d’une extrême perversité. Un nouveau chef-d’œuvre qui aurait bien mérité de repartir de la Croisette avec le prix de la mise en scène (oui, comme Sieranevada !).

LOVING (Compétition)

Réalisé par Jeff Nichols, avec Joel Edgerton, Ruth Negga

Si à première vue, le nouveau film de Jeff Nichols prend la forme du biopic un peu pesant (et il l’est par bien des aspects), il évite également avec brio certains pièges. En racontant l’histoire d’amour de Richard et Mildred Loving, couple mixte vivant dans la Virginie des années 60, qui voit d’un mauvais œil leur union, on aurait pu craindre que le film oublie vite ses personnages au prix du procès qui les concerne, évidemment porté vers une cause plus grande qu’eux. Mais Nichols tient énormément à ses protagonistes et s’efforce de rester dans un cocon intime, sublimé par la lumière d’Adam Stone. Loin de servir un grand discours et de se perdre dans des tirades moralisatrices, il raconte avant tout une histoire avec des héros bouleversants. Les prestations de Joel Edgerton et Ruth Negga sont pour beaucoup dans la sensibilité de l’ensemble, et si l’on pourra regretter une forme assez académique par rapport aux précédents films du cinéaste, on y retrouve ce goût pour une étude de la famille et de son fonctionnement dans une société qui ne la soutient pas toujours.

PATERSON (Compétition)

Réalisé par Jim Jarmusch, avec Adam Driver, Golshifteh Farahani

Jim Jarmusch orchestre une ritournelle douce-amère dans laquelle un chauffeur de bus, poète à ses heures perdues, cherche l’étincelle au milieu d’une existence trop paisible. Les jours se suivent et se ressemblent et c’est sur ce principe de répétition que Jarmusch fonde son récit. Il y a quelque chose d’immédiatement séduisant à voir se déployer cette mécanique du quotidien, simple, légère mais vaguement mélancolique. On aime s’y lover, on s’y sent bien, alors même qu’aucune onde (ou presque) ne vient perturber la surface de ce long fleuve tranquille. Idéal en rêveur lunaire, Adam Driver participe pleinement au charme languissant du film et trouve peut-être son meilleur rôle. C’est aussi un bel hommage à la poésie qui préconise l’introspection dans une perspective d’ouverture et d’éveil au monde.

JULIETA (Compétition)

Réalisé par Pedro Almodovar, avec Emma Suárez, Adriana Ugarte, Daniel Grao

Parmi les films très attendus, la compétition officielle comptait aussi cette année Julieta, le nouveau film de l’espagnol Pedro Almodovar. Après Les Amants passagers, le long-métrage marque le retour du cinéaste ibérique au portrait de femme avec un nouveau drame familial sur fond de secrets et de regrets. Mal accueilli par la presse espagnole, le nouveau film du réalisateur de Tout sur ma mère et Parle avec elle a pourtant séduit une grande partie des festivaliers. Sans forcément être son oeuvre la plus mémorable, Julieta est un mélodrame qui vise juste, solidement raconté et parfois traversé de quelques beaux éclats. Si on reste sur notre faim en raison d’un final un peu expéditif, l’émotion est toutefois au rendez-vous grâce à des actrices poignantes et un sens de la mise en scène toujours remarquable.

PERSONAL SHOPPER (Compétition)

Réalisé par Olivier Assayas, avec Kristen Stewart, Lars Eidinger

Vrai film de genre, mâtiné d’ésotérisme, voilà sans doute la proposition la plus originale et imparfaite du Festival. La capitale parisienne transformée en zone fantomatique, Kristen Stewart en médium endeuillée, le programme est forcément alléchant, surtout quand l’on sait le cinéma français frileux avec le fantastique. Dès la scène d’introduction, le surnaturel contamine le réel avec parcimonie. Peu d’effets pour une crédibilité maximum. Évoquons en ce sens la séquence tout à fait étonnante d’échanges SMS qui reflète à elle seule l’inquiétante étrangeté du film. Pour autant, l’intrigue aurait mérité une plus grande complexité. L’au-delà que nous décrit Olivier Assayas ne nous procure aucun vertige. Il faut alors compter sur le trouble permanent qui hante l’actrice principale pour éprouver l’insondable.

AQUARIUS (Compétition)

Réalisé par Kleber Mendonça Filho, avec Sonia Braga, Humberto Carrão

Fresque intime qui prend pourtant la forme d’une odyssée (le film est divisé en trois chapitres), Aquarius est une œuvre brillamment rageuse, mais qui n’oublie jamais de chanter la vie au travers de son personnage principal, Clara (lumineuse Sonia Braga), sexagénaire prête à tout pour sauver son immeuble des années 40 d’un promoteur immobilier désireux de le détruire. Entre nostalgie et appel au souvenir, Kleber Mendonça Filho mêle ce cas isolé à l’actualité de son pays (le Brésil), aux affres de l’argent qui le gangrènent, au point de sacrifier la beauté naturelle du paysage. Son usage habile du zoom ne rend que mieux compte de l’importance du décor dans la vie de son héroïne, et de la place qu’elle y tient. Et si l’ensemble se complaît un peu dans la durée (presque trois heures), on en ressort malgré tout chamboulé et revigoré.

LA FILLE INCONNUE (Compétition)

Réalisé par Luc et Jean-Pierre Dardenne, avec Adèle Haenel, Olivier Bonnaud

Après Deux jours, une nuit, les frères Dardenne continuent sur leur fascinante lancée, consistant à amener leur style naturaliste vers une réflexion sur les codes de la narration de fiction, et plus précisément sur la notion de répétition. Dans leur précédent film, Marion Cotillard allait voir sur le même modèle chacun de ses collègues, avec l’appréhension de leur réaction, différente à chaque fois. Ici, Adèle Haenel incarne un médecin généraliste qui se reproche la mort d’une prostituée dont elle a refusé d’ouvrir la porte de son cabinet, au point de se mettre à enquêter. La caméra des réalisateurs passe alors de patient en patient, mais aussi de témoin en témoin à qui elle présente la photo de la défunte, toujours dans la recherche d’une variation, d’une subtilité de la scène qui la rend unique par rapport aux autres. Le réalisme toujours réfléchi des frères ne les empêche donc pas de tisser une véritable intrigue de polar prenante, où l’on suit encore une fois un de ses personnages forts et complexes dont ils ont le secret.

JUSTE LA FIN DU MONDE (Compétition)

Réalisé par Xavier Dolan, avec Gaspard Ulliel, Nathalie Baye, Vincent Cassel

Adapté de la pièce de théâtre éponyme de Jean-Luc Lagarce, le sixième long-métrage de Xavier Dolan n’en est pas moins un pur film de cinéma. Au-delà du dispositif minimal, qui limite l’action à une unité de temps et de lieu, le jeune réalisateur s’attache avant tout à ses personnages, multipliant les gros plans sur leurs visages, de façon à saisir toute la complexité de leurs rapports. Rictus gênés, silences contrits, regards fiévreux, le malaise règne en maître et la tragédie couve dans chaque repli. À ce jeu-là, les comédiens excellent, à commencer par Gaspard Ulliel soit Louis, le fils absent depuis des années, qui revient auprès des siens, le coeur lourd, prêt à leur annoncer sa mort prochaine. Marion Cotillard, Léa Seydoux, Vincent Cassel et Nathalie Baye composent le cercle familial, haut en couleurs, dysfonctionnel. Tous livrent des performances inouïes, dans des registres parfois diamétralement opposés, sans jamais voler la vedette à l’autre. Autant dire que l’on en ressort abasourdi. En définitive, un joyau brut, sombre, moins lyrique que Mommy ou Laurence Anyways mais plus retors.

THE NEON DEMON (Compétition)

Réalisé par Nicolas Winding Refn, avec Elle Fanning, Jena Malone

Que l’on aime ou pas Nicolas Winding Refn, il faut lui reconnaître un grand talent de formaliste. Pour notre part, on parvenait à y déceler jusqu’alors de merveilleuses pistes de réflexion et d’expérimentations cinématographiques, portées par une sensorialité souvent dérangeante. Nul doute que le bonhomme cherchait à réitérer l’exploit de Only God Forgives sur The Neon Demon, sans se demander s’il ne frôlait pas l’auto-caricature. Malheureusement, c’est bien dans ce travers que tombe son dernier opus. Tout a beau y être (une lumière magnifique façon giallo, des compositions de cadre sublimes, une atmosphère captivante), NWR ne peut pas sauver la faiblesse de son script, qui étire durant deux heures un constat évident (le mannequinat est un terrain de charognards) sans jamais réellement surprendre. De ce fait, The Neon Demon ressemble à une lapalissade trop sûre d’elle et aussi vaniteuse que son héroïne, malgré quelques fulgurances qui le sauvent de la noyade.

THE LAST FACE (Compétition)

Réalisé par Sean Penn, avec Charlize Theron, Javier Bardem

Il faut bien tous les ans une bousasse cannoise, un navet qui permet de relativiser les déceptions que l’on peut avoir le reste de la compétition. Cette année, le mérite revient à Sean Penn. On ne doute pas des bonnes intentions qui l’ont poussées vers ce projet en rapport avec son propre engagement dans l’humanitaire (une histoire d’amour compromise entre deux médecins d’une ONG dans un Libéria en pleine guerre civile), mais c’est peut-être cette trop grande motivation qui fait de The Last Face un pamphlet bêtement moralisateur, prenant plus la forme d’un discours pour gala de charité que celle d’une véritable œuvre de cinéma. Outre les parti-pris esthétiques exaspérants du réalisateur (les flous à répétition par un usage de demies-bonnettes) et la vulgarité avec laquelle il se complaît dans la violence, la love story censée se présenter comme le centre du récit est écrite avec une rare indigence, conférant à quelques scènes d’un ridicule sans nom. Même pour Charlize Theron et Javier Bardem, difficile de s’impliquer sans s’énerver.

ELLE (Compétition)

Réalisé par Paul Verhoeven, avec Isabelle Huppert, Laurent Lafitte, Anne Consigny

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LE CLIENT/FORUSHANDE (Compétition)

Réalisé par Asghar Farhadi, avec Shahab Hosseini, Taraneh Allidoosti

Avec la sensibilité qu’on lui connaît, Asghar Farhadi (Une séparation, Le Passé) est revenu conquérir la Croisette avec Le Client, drame à la fine portée sociale, traitant encore une fois de l’inefficacité des institutions. Alors que leur immeuble risque de s’écrouler, Emad et sa femme Rana finissent par louer l’appartement d’un ami, anciennement habité par une « femme aux mœurs légères ». Un soir, prise pour cette personne, Rana est agressée. De ce postulat intrigant, Farhadi exploite les bonnes inspirations, n’hésitant pas à flirter avec le vigilante movie ou le thriller pur et dur. Il place ses personnages dans une situation à priori irréaliste, alors qu’ils vivent eux-mêmes en jouant une pièce de théâtre. Mais la réalité rattrape la fiction, afin de décrire ce cap qu’est en train de franchir cette famille, c’est-à-dire l’institution humaine à l’état nucléaire, que le cinéaste ausculte toujours avec autant de précision. Le hors-champ accentue alors une peur qui amène au changement de protagonistes attachants, servis par des acteurs de talent qui reflètent toute la subtilité du cinéma de Farhadi. Sans nul doute l’un des bijoux du festival.

CAFE SOCIETY (Hors compétition)

Réalisé par Woody Allen, avec Jesse Eisenberg, Kristen Stewart, Steve Carrell

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MONEY MONSTER (Hors compétition)

Réalisé par Jodie Foster, avec George Clooney, Julia Roberts

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THE NICE GUYS (Hors Compétition)

Réalisé par Shane Black, avec Russell Crowe, Ryan Gosling

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THE BFG/ LE BON GROS GEANT (Hors compétition)

Réalisé par Steven Spielberg, avec Mark Rylance, Ruby Barnhill, Bill Hader

On ne se lasse jamais de voir la filmographie de Steven Spielberg continuer de mûrir stylistiquement, tout en étoffant le méta-cinéma qui sublime certaines des œuvres du réalisateur. The BFG appartient à cette catégorie, prenant la forme d’un appel à la fois innocent et mature à l’imaginaire, dont il défend l’importance pour le bien-être de l’humanité. D’une caverne platonicienne à un lac reflétant la beauté de l’irréel, en passant par des rêves en boules de lumière, The BFG se présente comme une succession d’images fortes à l’universalité évidente, mises en valeur par une technique héritée des prouesses de Tintin. Spielberg repousse une nouvelle fois les frontières du possible, à grands coups de performance capture bluffante et de plans-séquences jouissifs, dans un monde qui ne demande qu’à rejoindre celui des humains. A bas les barrières, à bas les différences : le propos peut paraître simpliste, mais le cinéaste parvient à lui donner comme nul autre une force évocatrice, tandis qu’il nous émeut par une histoire d’amitié improbable. Un nouveau chef-d’œuvre dans la longue liste de Tonton Steven !

THE STRANGERS/GOKSUNG (Hors compétition)

Réalisé par Na Jung-jin, avec Kwak Do-won, Cheon Woo-hee, Hwang Jeong-min

Débutant comme un polar hard-boiled avant de vriller vers le film d’exorcisme, Goksung est typiquement le reflet de ce qui manque au cinéma français, et qu’il jalouse à d’autres pays comme la Corée du Sud : assumer de faire des films de genre, et d’embrasser ces catégories pour ne pas hésiter à les mélanger. Ajoutez à cela un humour noir ravageur, et vous tenez là l’une des œuvres les plus originales et éreintantes du festival, servie par une mise en scène exigeante et violente (le montage alterné durant un rite d’exorcisme vous retournera les tripes). Malgré les quelques longueurs du deuxième acte, le nihilisme saisissant de Na Jung-jin (The Chaser) marque l’esprit. Qu’il soit mort ou vivant, l’homme est bien capable du pire.

GRAVE (Semaine de la critique)

Réalisé par Julia Ducournau, avec Garance Marillier, Naït Oufella Rabah

Présentée à « La Semaine de la Critique », cette farce horrifique, qui tient à la fois du teen movie et de la satire sociale, réussit à conjuguer le mordant d’un premier film à l’intelligence critique d’une oeuvre chevronnée. Quelque part dans le sillage de David Cronenberg, mais également aux confluents des thématiques abordées par Kim Chapiron ou Marina De Van, Julia Ducournau dresse le portrait d’une jeunesse en pleine crise identitaire et avide de sensations fortes. À mi-parcours, la solution apportée a de quoi déconcerter, élucidant le mal-être adolescent à l’aune d’une sensualité de plus en plus vorace. Les effusions gores, rares mais percutantes, en appellent à nos instincts primaires et misent sur un second degré réjouissant, qui n’exclut jamais une certaine gravité, comme en témoigne le titre du film.

LA TORTUE ROUGE (Un certain regard)

Réalisé par Michaël Dudok de Wit.

Les œuvres les plus audacieuses présentées durant le festival ne se trouvent généralement pas dans la compétition officielle, mais dans les sélections parallèles. Pour cause, l’un de nos coups de cœurs absolus est à chercher du côté d’Un certain regard. Film d’animation belge co-produit par Ghibli, La Tortue rouge est bien plus que le conte écolo auquel on le rabaisse depuis sa diffusion. Un naufragé trouve refuge sur une île, mais ne parvient pas à s’en échapper. Dès qu’il construit une embarcation, il est stoppé par une mystérieuse tortue couleur sang. De ce postulat, le film déjoue toutes nos attentes, se fonde sur une épure et un onirisme époustouflants, et puise autant son inspiration de Robinson Crusoé que de L’Utopie de Thomas More, s’interrogeant sur le besoin de l’humain à s’inventer un système, une société, ou plus simplement une famille pour trouver un sens à sa vie. En moins d’une heure trente, Michaël Dudok de Wit touche à une pure métaphysique de la condition humaine, tout en nous étourdissant par la poésie visuelle de son long-métrage. Un immanquable !

MA VIE DE COURGETTE (Quinzaine des réalisateurs)

Réalisé par Claude Barras, avec les voix de Gaspard Schlatter, Sixtine Murat, Paulin Jaccoud

L’animation séduit définitivement pour cette édition, cette fois-ci du côté de la Quinzaine des réalisateurs. A partir d’un sujet qui ne se prête pas nécessairement aux carcans des producteurs (le quotidien d’un foyer social), Claude Barras trouve l’équilibre parfait entre un esprit enfantin et la maturité à laquelle sont constamment rappelés les jeune héros de ce métrage, qui ne perdent jamais espoir. Mais la plus grande force de Ma Vie de courgette est de nous faire rapidement oublier la stop-motion, au point de songer que nous pourrions regarder un film live tant l’ensemble s’avère d’un naturel désarmant. La mise en scène, à échelle d’enfant (ou de figurine du coup), pensée comme un jeu, conserve l’irréalité suffisante pour accentuer la spontanéité des émotions qu’il dépeint. Aux côtés du personnage principal (surnommé Courgette), on rit, on pleure, et on s’attendrit dès qu’il parvient à prendre la main de la jeune Camille. Un concentré de sentiments livrés avec brio, pour une réussite indéniable.

LES VIES DE THERESE (Quinzaine des réalisateurs)

Réalisé par Sébastien Lifshitz, avec Thérèse Clerc

Filmer les dernières semaines d’une mourante sur sa demande, voilà un sujet qui pouvait rapidement tomber dans le tire-larmes vulgaire ou dans l’intrusif. Et pourtant, Sébastien Lifshitz évite tous les pièges en pensant son documentaire non pas dans une ambiance mortuaire, mais en rendant hommage à la vie de Thérèse, féministe militante ayant vécu bien des expériences sans se soucier de ce que son époque en pensait. Que ce soit au travers d’images d’archives ou par le regard de ses proches (notamment ses enfants), on est touchés par cette existence qui se (re)définit sous nos yeux avec une grande délicatesse, tout en faisant face à la réalité de la vieillesse. Le réalisateur offre un merveilleux portrait de femme, avec la difficulté de garder la bonne distance avec son sujet, surtout dans une telle urgence de tournage. En ressort néanmoins une réelle sérénité, pour un bien beau testament.

DIVINES (Quinzaine des réalisateurs)

Réalisé par Houda Benyamina, avec Oulaya Amamra, Déborah Lukumuena

Lauréat de la Caméra d’Or, il est vrai que Divines impressionne tout d’abord par la gestion savante de son rythme, et par la qualité de sa mise en scène, qui se révèle originale lorsqu’elle doit filmer les corps et leur volonté de se libérer de la banlieue étouffante dans laquelle ils sont prisonniers. Perdues dans leurs rêves, Dounia et son amie Maimouna décident de travailler pour une dealeuse du quartier, mais l’on s’étonne de les soutenir dans une grande partie de leurs choix (même les mauvais), où elles s’opposent à une société qui n’a rien à leur offrir. Quel dommage alors que le dernier acte du film tombe dans une piscine de préjugés présentée comme un retour de bâton moralisateur. Divines était justement plaisant pour son aspect anti-manichéen, qui aurait vraiment donné raison à la dénonciation d’un système imparfait, qu’il aurait été capable de contourner.

FAI BEI SOGNI/FAIS DE BEAUX RÊVES (Quinzaine des réalisateurs)

Réalisé par Marcho Bellocchio, avec Valério Mastandrea, Bérénice Bejo, Guido Caprino

Cette adaptation par Bellocchio du livre de Massimo Gramellini ne laissera aucun spectateur indifférent. En effet, le cinéaste parvient de manière subtile à décrire la vie de Massimo (Valerio Mastandrea), un journaliste qui cherche à vivre tant bien que mal depuis la mort brutale de sa mère dans son enfance. Le plus intéressant dans le film de Bellocchio est qu’il propose, non pas une construction narrative linéaire mais un récit déconstruit reflétant le caractère un peu chaotique de la vie du personnage. On passe progressivement de l’enfance de Massimo à son âge adulte en alternant entre les deux personnages, le personnage adulte prenant de plus en plus d’importance au fur et à mesure que le film avance. La qualité majeure de Fai bei sogni reste sa mise en scène et son ambiance sonore, surtout au début du film. Le cadrage à hauteur d’enfant et la saturation du son par moments renforce le côté brutal de la perte de la mère de Massimo et surprend aussi bien le spectateur que le personnage principal. Malgré quelques longueurs, Fai bei sogni arrive à raconter une histoire touchante d’un fils attaché à sa mère et parvient à rappeler au spectateur l’attachement qu’il a pour ses propres parents. Une belle histoire d’amour et une petite pépite à découvrir.

NERUDA (Quinzaine des réalisateurs)

Réalisé par Pablo Lorrain, avec Gael Garcia Bernal, Luis Gnecco

Tout simplement l’un des meilleurs films de la Quinzaine des réalisateurs. Retraçant la fuite du poète Neruda pour échapper au régime dictatorial de Pinochet, Pablo Lorrain arrive à transformer cette histoire en une œuvre d’art poétique unique mêlant humour et subtilité. Ce n’est pas ici un biopic mais bien une fiction et plus particulièrement un « film à la Neruda » (« una pellicula nerudia »), comme l’avait indiqué Pablo Lorrain lors de son intervention à la Quinzaine des réalisateurs. Neruda est également une parodie de film noir. Cette parodie est incarnée totalement par le personnage d’Oscar Peluchonneau (Gael Garcia Bernal), archétype du détective solitaire qui poursuit un criminel (Neruda joué par Luis Gnecco) inarrêtable. Le plus passionnant dans ce film est le fait que chacun des deux personnages créent mutuellement leur propre mythe, en instaurant un jeu dont ils ont eux-mêmes créé les règles. Cela passe notamment d’une transformation progressive du rôle de Peluchonneau d’un personnage secondaire à un personnage principal. La mise en scène est également excellente. L’utilisation des contre-plongées et de la courte focale renforce le côté un peu surréaliste et poétique du métrage, ainsi que le caractère absurde de Neruda et de Peluchonneau qui se pensent tout aussi supérieur l’un que l’autre. La voix off présente tout le long du film permet de donner un tout très cohérent. Finalement, Neruda est une œuvre poétique et magistrale, qui aurait mérité d’être à la sélection officielle du Festival de Cannes.

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