Réalisé par : Nicolas Winding Refn
Avec : Elle Fanning, Jena Malone, Bella Heathcote
Sortie : 08 juin 2016
Durée: 1h57min
Budget: 6 000 000 $
Distributeur : The Jokers / Le Pacte
Synopsis : « Une jeune fille débarque à Los Angeles. Son rêve est de devenir mannequin. Son ascension fulgurante et sa pureté suscitent jalousies et convoitises. Certaines filles s’inclinent devant elle, d’autres sont prêtes à tout pour lui voler sa beauté; »
4,5/5
Quoi que vous penserez de ce film, il ne vous laissera pas indifférent. En bien ou en mal, The Neon Demon fait cogiter. Avec cette réalisation, Nicolas Winding Refn revient en grandes pompes sur les grands écrans après avoir sorti le très moyen Only God Forgives en 2013. Moins bien que Drive, The Neon Demon place tout de même la barre très haut, dans un tout autre genre. Mais d’ailleurs, dans quelle catégorie mettre ce film ? Le réalisateur lui-même n’arrive pas à répondre à cette question. La comédie est écartée bien que certaines répliques s’y prêtent bien. Le fantastique et la science-fiction, non plus ! The Neon Demon est en fait un mélange entre un film d’horreur, d’épouvante et un thriller. Dur à caractériser, il est un mélange de différents genres donnant lieu à un type de film unique. Unique et très bien mené.
Evidemment, impossible de parler de The Neon Deon sans parler de la photographie. Elle fait tout le film. Les images sont absolument magnifiques. Tout est maîtrisé. L’intensité de la lumière, chaque nuance de la colorimétrie, chaque pixel est travaillé avec une minutie incroyable. Le résultat est bluffant. Les contrastes donnent lieu à des scènes oppressantes. Celles-ci sont souvent complétées par de la musique dont les puissantes infrabasses plongent le spectateur dans un univers fermé et très glauque. Très vite dans le film, un malaise s’installe.
Certaines scènes sont presque publicitaires. On s’étonne tous devant les spots de parfum et la qualité de leurs images. Certaines scènes de The Neon Demon sont comparables à ce genre de publicité (rappelons que le réalisateur s’occupa de la campagne du parfum Manifesto de Yves Saint-Laurent, avec Jessica Chastain !). Nicolas Winding Refn y présente des corps et des morphologies féminines. Il y représente avant tout la beauté comme un objet. Pour ces séquences magistrales, tous les moyens techniques sont possibles. Stroboscope, jeux de couleurs, d’ombres et de lumières, tout y est. Ces passages ont beaucoup divisé le public. Des spectateurs pensent qu’une esthétique comme celle-ci ne suffit pas à faire un bon film et que le reste est bien fade. À la rédaction, cet avis n’est pas du tout partagé. Il faut voir au-delà de ce que ces séquences quasiment publicitaires laissent paraître. Tout d’abord, dans la première partie du film, Nicolas Winding Refn met très clairement en opposition ce monde de la mode et du beau avec celui de Jesse, personnage principal incarné par Elle Fanning. Sans transition, le spectateur passe d’une soirée presque psychédélique à l’intérieur très rustre du motel de Jesse. Papier peint fade, chambre presque sale, le lieu dans lequel vit la protagoniste reflète de manière très réaliste ses conditions de vie. Petit à petit, à l’instar de son caractère et de sa personnalité, l’environnement de Jesse évolue. De plus, les séquences type « spot publicitaire » sont une simple métaphore du monde dans lequel évolue les femmes interprétées dans The Neon Demon : c’est un environnement fermé, comme un monde à part où rien n’a de sens. Le beau prime sur le reste. Si le spectateur ressent le manque de scénario à certain passage du film, c’est là qu’il faut comprendre l’intention de Nicolas Winding Refn. Il souhaite montrer la prétention et la vacuité de ce milieu. Ne rien dire de pertinent, et exacerber la beauté. Le message de ces séquences est donc très pertinent, et offre en plus un délicieux cadeau à nos yeux. La géométrie des décors donnent une très belle esthétique. Le spectacle est parfait.
Pour ce propos sur la beauté, l’égocentrisme et le superficialité, Nicolas Winding Refn s’offre un casting absolument parfait. On y trouve Elle Fanning. Pure, innocente, son personnage Jesse semble venue d’ailleurs. Dans une grande partie du film, elle ressemble à une déesse de mythologie avec ses cheveux blonds ondulés sur ses épaules, ses robes pales et amples et son visage angélique. Lorsque Jesse se regarde dans le miroir, ou quand la caméra se concentre uniquement elle, la très belle bande originale du film refait surface. Sons cristallins et mélodies paisibles sont là pour illustrer ce tableau.
Face à Elle Fanning, on retrouve des actrices telles que Abbey Lee ou encore Bella Heathcote. Ces femmes-là sont, dans le film, absolument similaires. Leur psychologie diffère un peu l’une de l’autre. Mais physiquement, elles ne sont que des copies l’une de l’autre. Peau surmaquillée, cheveux lissés, yeux de poupée et bouche trop dessinée…. Le spectateur est face à des femmes robots, des espèces de cyborgs séduisants. Les actrices arrivent d’ailleurs parfois à donner l’illusion qu’elles sont déshumanisées via un grand regard complètement perdu et des expressions de visages neutres mais effrayantes.
Avec des nombreuses métaphores ainsi que des scènes beaucoup plus explicites, Nicolas Winding Refn réalise un film sur le monde de la mode, mais avant tout sur la beauté. Jusqu’où la beauté féminine peut-elle aller ? Le cinéaste répond à cette question en créant un nouveau genre. Glauque, parfois sale, The Neon Demon est une expérience visuelle à part entière. Plus que cela, les propos transmis par le réalisateur sont très forts. Ils s’ancrent dans une temporalité très actuelle, où la beauté et l’estime de soi soulèvent bien des questions dans une société égocentrique.
Quoi qu’on en dise, un grand bravo à l’ensemble de l’équipe technique. Notamment à trois d’entre eux : le chef décorateur, Elliott Hostetter. La chef costumière, Erin Benach. Et surtout Natasha Braier, la directrice de cette majestueuse photographie.
The Neon Demon a tout d’un chef d’œuvre. Expérience visuelle hors norme et messages lucides. Une claque en tous points.