Hué à Cannes, le nouveau film de Nicolas Winding Refn est évidemment fait pour diviser et déjouer les attentes, loin d’un cinéma formaliste, le voici qui continue à expérimenter pour parler de l’attraction fatale de la beauté dans the Neon Demon.
Avec the Neon Demon, il continue cette démarche avec un film aux limites de l’expérimental racontant comment une jeune fille débarque à Los Angels pour devenir mannequin et connait une ascension fulgurante qui va attiser les obsessions et les jalousies. Un récit qui aurait tout pour être un drame ou un récit horrifique et que NWR va traiter d’une manière étrange et déroutante, entre Kubrick et Lynch mais avec aussi du Dario Argento ou du De Palma, déconstruisant le concept de scénario pour ne livrer que quelques paroles sans grand intérêt au milieu d’images sublimes et métaphoriques.
Evidemment, en auteur mégalo et fascinant, NWR se garde bien de donner toute les réponses textuellement et il faut bien plonger dans le film et ses images et associations de symboles pour décoder tout ce qu’il veut dire. En effet, si le film intrigue au premier abord et se termine en faisant penser à un bel objet bien vide, rempli seulement de vacuité et de portes ouvertes sur « le monde de la mode est impitoyable» , c’est avec du recul que l’on s’aperçoit que le film pose bien plus de questions et développe en nous une certaine obsession et réflexion sur ce mal moderne qu’est la recherche de la beauté.
Laissant libre court à l’interprétation du spectateur, lui laissant le soin de recoller certains morceaux sur la dimension mystique et fantastique ou non de son film appuyé par une esthétique glam parfois particulièrement macabre (en sale gosse qu’il est, NWR n’hésite même plus à aller jusqu’à la nécrophilie) mais toujours particulièrement aboutie et réfléchie, le réalisateur entame donc une réflexion fascinante sur la beauté. Il s’appuie pour cela sur l’image diaphane et l’innocence d’une Elle Fanning étrange en créature juvénile et pure (mais à quel point ?) au milieu des mannequins artificielles dévorées par l’ambition et la jeunesse qu’elle ne retrouvent plus dans le reflet du miroir. NWR arrive donc aux limites du contes de fées urbain, démontant pièce par pièce ce que semble être le conte de fée de la vie de mannequin pour en faire une allégorie plus large sur la recherche de la beauté et le besoin de dévorer l’innocence pour retrouver la pureté originelle.
Il ne faut pas non plus oublier au crédit de cette fascinante et provocante réflexion sur la beauté le rôle ambigu de Jena Malone en sorcière révélatrice ou encore la musique de Cliff Martinez toujours inspiré pour nous faire entrer dans l’atmosphère unique de NWR, sans oublier le travail esthétique remarquable de Natasha Braier à la photographie qui prend bien la relève de Newton Thomas Sigel et Larry Smith avec une identité propre.
A n’en pas douter, the Neon Demon peut désorienter, décevoir, énerver au premier abord, mais force est de reconnaître, qu’il développe tout de même derrière son atmosphère aguicheuse une réflexion fascinante, certes parfois maladroite ou mégalo, sur l’obsession moderne pour la recherche de la beauté et le mythe de la jeunesse éternelle.