Kumbh Mela, Sur Les Rives Du Fleuve Sacré

Par Cinealain


Réalisé par Pan Nalin


Avec Hatha Yogi Baba, Mamta Devi, Kishan Tiwari,


Genres Documentaire, Biopic, Drame


Production Indienne, Française

Date de sortie 30 juillet 2014

"Quoi de plus merveilleux que la force de la foi quand elle s’exprime de la sorte ? Elle permet à des multitudes de gens, qu’ils soient vieux ou jeunes, faibles ou fragiles, d’entreprendre sans hésitation un tel voyage et d’endurer, sans se plaindre, toutes les souffrances qu’il implique. C’est un acte d’amour ou de peur, je ne saurais le dire. Mais qu’importe l’origine. C’est quelque chose qui pour nous, les blancs, dépasse l’entendement".


Mark Twain, 1895

Synopsis

Le Kumbh Mela est le plus grand pèlerinage du monde, qui réunit en Inde tous les 12 ans, plus de 100 millions d’hindous venus se baigner dans les eaux sacrées du Gange, au confluent de 3 rivières.

Pan Nalin y a posé sa caméra et relate différents destins, profondément émouvants, tous liés par la même foi : un jeune vagabond, un Sadhu, une mère désespérée à la recherche de son petit garçon disparu, un Yogi qui élève seul un bébé abandonné, ou encore un ascète fumant du cannabis.

Des hommes et des femmes hors du commun, par leur personnalité et leur spiritualité, tous confrontés à un dilemme inextricable : vivre dans ce monde ou s’exiler.

Né dans une famille indienne très pauvre, mais spirituellement riche, Pan Nalin a passé son enfance à vendre du thé dans l’unique gare de son petit village. Fasciné par les miroirs, la lumière et les ombres, il n’aimait pas aller à l’école et préférait peindre et dessiner. C’est lorsqu’il voit son premier film à l’âge de 9 ans qu’il décide de devenir réalisateur.
Jusque-là autodidacte, il est admis au NID, une prestigieuse école de design indienne, où il apprend la réalisation. Passionné de cinéma, il organise également des festivals et des rétrospectives de ses cinéastes favoris : Jean-Luc Godard, Ingmar Bergman, Akira Kurosawa, Sergei Mikhailovich Eisenstein et Luis Buñuel.
Il tourne aussi des courts métrages, mais comprend rapidement que la meilleure école reste la vie. Après plusieurs voyages, il commence à travailler dans une société de production avant de monter sa propre société de production cinématographique, Ideas Unlimited. Il écrit alors des scénarios puis réalise des courts métrages et des documentaires en collaboration avec Canal +, la BBC, Discovery, National Geographic et France 3.
Son sujet de prédilection est la quête spirituelle à travers la société, la religion, la foi et la sensualité. En 1993, il décide de réaliser son premier long métrage Samsara qui sortira en salles en 2001, puis le documentaire Ayurveda sortira en France en 2005 en enfin le long métrage de fiction la Vallée des fleurs réalisé en 2006, un conte qui prend vie au coeur de l’Himalaya du XIXème siècle pour terminer dans le Tokyo moderne. Il faut attendre alors sept ans pour le voir revenir au documentaire. Avec Faith Connections, Pan Nalin rend hommage à son père en respectant son souhait, celui de prendre part au voyage spirituel du Kumbh Mela.

Kumbh Mela. Commentaires du réalisateur.

Le Kumbh Mela est l’une des plus extraordinaires manifestations religieuses au monde. C’est un voyage qui dépasse l’entendement et qui attire une centaine de millions de fidèles. Il n’a lieu qu’une fois tous les douze ans au bord du Gange, près d’Allahabad, au Nord-Est de l’Inde. Et tous les 12 Kumbh Mela, soit tous les 144 ans, la configuration des planètes est telle qu’elle transmet au fleuve encore plus de pouvoirs. Le nombre de pèlerins augmente alors sensiblement.


C’était le cas du Kumbh Mela qui a eu lieu en 2013 et qui a servi de cadre à ce film.


Ce pèlerinage hindou se déroule pendant un mois et demi sur le Triveni Sangam qui signifie : "carrefour des trois rivières". C’est un lieu sacré pour les Hindous. Selon la tradition, celui qui s’y baigne sera lavé de ses péchés et libéré du cycle des renaissances et des réincarnations. En hindi, Kumbh signifie la "cruche" et Mêla, "la fête". Selon la mythologie hindoue, la croyance veut que quelques gouttes d’un "nectar d’immortalité" soient tombées de la cruche que transportaient les Dieux, après le retrait de la mer. Cette fête est considérée comme le plus grand rassemblement humain sur terre. Selon les estimations, 4 à 7 millions de pèlerins se baignent le jour des plus grands auspices. Le nombre total de pèlerins serait de 70 à 100 millions au cours des 55 jours que dure le c.

L’événement majeur de la fête est le bain rituel qui a lieu sur les rives du Gange et de la rivière de Yamuna.

Les autres activités incluent des débats religieux, des chants, des rassemblements où l’on discute des différentes doctrines et surtout, les repas qui sont servis par milliers aux fidèles et aux pauvres. Pendant le Kumbh Mela, on peut voir des Sâdhus revêtus de leur robe couleur safran, la peau parsemée de cendres et de poudre, conformément aux traditions ancestrales. (Les sâdhus (ascètes), au nombre de 7 millions, suivent une voie de pénitence et de mortification pour atteindre l’illumination. Ils souhaitent modifier leur karma en rejetant l’attachement au monde, par des pratiques qui nous apparaissent pour nous occidentaux comme barbares.)

On peut rencontrer certains hommes, les Naga Sanyasis, entièrement nus, même lors d’hivers très froids. Aucune fête hindoue de cette ne se conçoit sans l’omniprésence de la ganja (le cannabis) !

On voit les gens arriver de toutes parts, inonder les gares ferroviaires, les routes, les ponts… Ils affluent vers les innombrables camps de tentes qui forment Kumbh City.

La force de ce rassemblement, c’est le peuple. Tous ces gens se présentent tels qu’ils sont : des villageois, des nomades, des hommes d’affaires, des hommes nus, des saints, des ascètes fumant de la ganja, des riches, des pauvres, des jeunes, des vieux… Ils sont tous là, unis par la même foi. Ils marchent tous vers une même destination : le confluent entre les trois rivières, avec un même objectif : le bain sacré dans le Sangam.
Alors que je voyageais et ressentais la force de la foi, des histoires incroyables se sont déroulées et se sont croisées au travers de mes rencontres… Cependant la foi est mise à rude épreuve au bureau des personnes disparues. Là, les gens ne cessent de se présenter, jour et nuit, à la recherche de leurs proches, égarés au milieu d’une foule de millions de personnes. Environ 70 000 haut-parleurs annoncent 24h/24h le nom des personnes disparues.


Qu’est-ce qu’il adviendrait si la foi devait déserter l’humanité ? Que deviendraiton si nous devions perdre notre capacité à croire ? Qu’est ce qui nous porte ? Qu’est ce qui porte des millions et des millions d’êtres humains ? Qu’est-ce qui les incite à avoir la foi ? Est-ce vraiment Dieu ? Ou est-ce la crainte de nos péchés, petits ou grands ? Ou est-ce simplement que l’humanité n’a pas d’autre choix que de croire ?


Au XXIème siècle, nous avons maîtrisé les esprits, conquis les coeurs, créé l’illusion de ce que devraient être la liberté et le bonheur, et pourtant cette peur profonde continue à nous habiter. Ai-je péché, ai-je accumulé de mauvais karmas ? Suis-je ici parce que je crois en Dieu ou parce que j’ai perdu la foi en l’humanité ?

Entretien avec le réalisateur Pan Nalin

Pourquoi le Kumbh Mela ?


À quel endroit sur Terre pourrait-t-on être témoin d’un tel pouvoir de dévotion ? De nos jours, nous perdons le contact "réel" avec les religions : tout est pouvoir, politique, fanatisme et exploitation de la foi. Les vrais dévots sont rares et en voie de disparition. Les religions n’ont plus aucun sens : la spiritualité est emballée, exportée puis réimportée comme un mode de vie. Ainsi, seuls les plus démunis ont encore une foi réelle – le Kumbh Mela en est le spectacle. La foi a un pouvoir tel que j’ai été, de nombreuses fois, ému aux larmes. Je n’ai aucune explication rationnelle à donner : il s’agit d’un sentiment profond, comme un feu qui brûle en vous. Mais ce feu spirituel, seuls les pauvres de notre monde le ressentent. Des millions d’entre eux affluent vers le Kumbh Mela, guidés par cette foi. Et cette manifestation n’existe nulle part ailleurs sur Terre.

Quelle approche avez-vous du plus grand rassemblement du monde – et où trouvez-vous toutes ces histoires ?


Nous vivons à l’ère des images. Nos vies sont envahies par des images qui nous parviennent sous beaucoup de formes : cinéma, TV, internet, smartphones, livres, magazines… Nos sens sont constamment bombardés de contenus audiovisuels. Par conséquent, quand je suis arrivé au Kumbh, je me suis dit que si je ne trouvais pas de personnalités intrigantes, j’abandonnerais l’idée de faire un film car la production cinématographique est déjà nombreuse sur cet événement. J’ai cherché les intrigues les plus simples : une mère à la recherche de son fils, un bébé abandonné qui bouleverse la vie d’un Yogi, un enfant qui doit choisir de devenir Sadhu ou gangster, un pèlerin qui ne veut simplement rien… Seule la rencontre avec ces personnes aux parcours "vraiment" exceptionnels pouvaient nourrir ma vision artistique. Une fois mon projet mis au clair, il me restait à plonger dans l’océan de l’humanité pour y pêcher des trésors. D’ailleurs, étonnamment, mon expérience fut proche de celle de la pêche ; je sentais tout avant même de le voir !

Sur quoi avez-vous construit le style cinématographique du film ?


A notre époque, l’audiovisuel envahit nos sens, j’essaie donc de chercher un style visuel personnel, un point de vue qui puisse apporter de la fraîcheur aux spectateurs. Les médias de toutes sortes envahissent notre vie, ce n’est pas seulement l’histoire qui est importante mais aussi la manière dont on la raconte, et qui la raconte. Alors j’ai décidé de bien cerner mes personnages pour tenter ensuite de les approcher à la loupe ; le défi étant d’arriver à se sentir dans leur peau. J’ai été également inspiré par la macrophotographie, très étonnante, de l’artiste Natasha De Betak, qui a apporté une nouvelle dimension au style cinématographique.

Vous faites aussi bien des fictions que des documentaires, est-ce facile de passer de l’un à l’autre ?


Je n’aime pas faire de différence entre fiction et documentaire : pour moi, il n’y a que des films. Je ne segmente pas les styles (artistique, commercial ou cinéma du monde). Pour moi, il y a les films que nous aimons, et les films que nous n’aimons pas. L’intérêt et l’envie qu’il y a à faire un documentaire, c’est qu’il y a plein de surprises ; vous ne savez jamais où vous allez commencer et où vous allez vous retrouver. Contrairement à la fiction, le documentaire se "fait" après le tournage, alors qu’il faut décider de presque chaque image avant de filmer une fiction. Quand vous attaquez la réalité de front, vous n’avez guère plus de choses à faire que de décider de l’endroit où vous allez placer votre caméra, de quand vous allez la mettre en marche et de quand vous allez l’arrêter - voilà tout. Vous n’avez aucun contrôle, ni sur le désir ni sur les destins de vos personnages et vous n’avez aucun pouvoir sur l’intrigue. C’est une sensation absolument édifiante. Dans la fiction, vous saisissez la vie pour recréer du réel. Dans les documentaires, vous saisissez le réel pour recréer de la vie. Dans les deux cas, l’intention est la même : recréer de la vie, raconter des histoires.

Les personnages du film.

Kishan Tewari


Un petit garçon d’à peine 10 ans. Il est ici pour une toute autre raison. C’est une occasion de faire des affaires, ou de devenir quelqu’un. Il devient l’ami du livreur de lait, d’un policier et d’un couple de Sâdhus. Est-il réellement un orphelin ? Où vit-il ? Ne craint-il pas ces foules immenses ? Finalement, Kishan pense qu’il voudrait être Sâdhu ou Caïd dans la Mafia de Bombay. Nous l’accompagnons pour savoir quelle sera sa décision finale. Kishan choisira-t-il de devenir un mafieux ou un Sâdhu ?


Baba Hatha Yogi


Alors que Kishan se demande s’il va quitter le monde pour rejoindre une vie ascétique, le destin de Baba le ramène vers le monde. Il a vagabondé en ermite et a renoncé au monde il y a bien longtemps, mais son destin a basculé un beau jour où il a découvert un nouveau-né à l’entrée de sa hutte. Il a d’abord recherché les parents du petit garçon mais personne ne s’est présenté pour le réclamer. Baba a été obligé d’endosser le rôle du père et de la mère. Depuis trois ans, Baba est attiré dans le monde du quotidien pour nourrir le bébé. Il est forcé d’apprendre les règles de la société indienne moderne : le soin des enfants, l’éducation, la carrière…


Vivekanandji & Umeshji


Ce sont des Sadhus adultes, qui ont campé à la Akhada Agni pour faire du Satsang et du Bhajan ; leurs discours spirituels et leurs discussions se font jour et nuit au milieu des nuages de fumée de Ganja !


Lost & Found camp


C’est le bureau des personnes disparues qui remet toutes nos croyances en question. Ici les gens se démènent jour et nuit, pour retrouver leurs proches. Environ soixante-dix mille haut-parleurs sont reliés à ce bureau pour annoncer les noms des personnes disparues vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Mamta Devi et Sonu


Au Centre Lost & Found, nous avons rencontré les parents Mamta Devi et Sonu qui ont perdu leur fils de trois ans, Sandeep. Nous continuons à les suivre dans leur recherche de leur fils disparu. Après environ trois ou quatre nuits, la mère s’écroule. Le père perd tout espoir. Ils n’ont ni mangé ni dormi depuis plus d’une semaine. Trouveront-ils leur fils ? Est-ce Dieu qui les met à
l’épreuve ? Y aura-t-il d’heureuses retrouvailles ? Leur fils fera-t-il partie de ces cinq pour cent de personnes jamais retrouvées ?

Bhole Baba & Shuklaji
Pèlerin de 40 ans. Il passe son temps à visiter des temples et à rencontrer des Esprits. Il aime fumer de la marijuana sacrée dans une pipe en terre. Il croit que Bob Marley aurait pu être un Sadhu. Il pense aussi que les Babas et les Sadhus sont adaptés aux temps modernes. C’est pourquoi aujourd’hui on trouve des Sadhus appelés : Pilote Baba, iPad Baba, Baba Visa et même Obama Baba !

Mon opinion

Le réalisateur a posé ses caméras en 2013 lors de ce dernier rassemblement hindou, unique au monde, et rassemblant des millions de croyants.

Une tradition voudrait que les dieux se soient battus pour obtenir un nectar donnant l'immortalité. Quelques goutes du précieux liquide seraient tombées dans les fleuves sacrés. "Ce pèlerinage hindou se déroule pendant un mois et demi sur le Triveni Sangam qui signifie : "carrefour des trois rivières". C’est un lieu sacré pour les Hindous. Selon la tradition, celui qui s’y baigne sera lavé de ses péchés et libéré du cycle des renaissances et des réincarnations." A déclaré le réalisateur.

Pour ce documentaire Pan Nalin, suit plusieurs catégories de croyants, tous rassemblés ici dans une même et grande exaltation. Différents dans leur mode de vie respectif, ils n'en sont pas moins respectueux les uns par rapport aux autres.

Une douce sérénité se dégage de certains visages, bien souvent ceux des plus démunis. La photographie s'attarde sur ces mouvements de foule, véritable marée humaine, en marche vers un même et seul but.

L'ensemble est assez long, quelques passages sont répétitifs, mais pour les amoureux de ce pays, il n'est guère difficile de se laisser emporter par une grande émotion.