DANS LES FORÊTS DE SIBÉRIE (Critique)

Par Cliffhanger @cliffhangertwit
SYNOPSIS: Pour assouvir un besoin de liberté, Teddy décide de partir loin du bruit du monde, et s'installe seul dans une cabane, sur les rives gelées du lac Baïkal.
Une nuit, perdu dans le blizzard, il est secouru par Aleksei, un Russe en cavale qui vit caché dans la forêt sibérienne depuis des années.
Entre ces deux hommes que tout oppose, l'amitié va naître aussi soudaine qu'essentielle.

Ce cinquième film de Safy Nebbou ( Le cou de la girafe , L'empreinte de l'ange, L'autre Dumas, Comme un homme) est un crève cœur. On a envie de l'aimer pour sa première partie avant de se demander si un jumeau maléfique n'a pas ensuite pris les commandes pour saboter tout ce qui avait été mis en place. Le début du film est efficace et même par moment captivant en ce qu'il a le mérite d'adopter le rythme de son personnage, d'être attentif aux silences, d'éprouver l'immensité de cet espace sans fin. Il trouve le bon dosage qui permet de s'intéresser à cet environnement, faire des plans sur la nature, s'en émerveiller avec son personnage, sans pour autant tomber dans un côté documentaire. Il arrive à capter " l'humeur " du lieu et ce qu'elle inspire à Teddy ( Raphaël Personnaz) dont on partage le sentiment de liberté et de plénitude. Comme avait pu le faire JC Chandor dans All is Lost, on ne sait presque rien de cet homme seul car l'essentiel est dans l'instant présent, dans ce qu'il traverse et non dans la compréhension de sa psychologie et la révélation des événements ayant précédé le récit. Aucun flashback donc, ni de scène caricaturale ou le personnage parlerait à un ami imaginaire pour lever tout le mystère sur son histoire. Cela renforce l'identification et sert au mieux le propos du film.

Il n'y a rien de follement original ou de formellement bluffant dans cette première partie, l'interprétation de Raphaël Personnaz n'évite par ailleurs pas toujours le piège de l'émerveillement surjoué mais il y a une forme de candeur et de premier degré touchante, une sincérité qui permet de passer un agréable moment. La musique de Ibrahim Maalouf est à l'avenant et on a envie de suivre le quotidien de Teddy sans crainte de s'ennuyer. On perçoit néanmoins quelques fragilités, notamment un humour qui n'est pas toujours utilisé de façon opportune, donnant même le sentiment que Safy Nebbou manque d'assurance et qu'il l'utilise avec la même maladresse, qu'un orateur déstabilisé et peu sûr de lui, essayant de faire illusion devant son auditoire. C'est ensuite que le bât blesse du fait de ce qu'on pourrait qualifier comme un refus d'obstacle ou , et c'est plus problématique, comme le signe que Safy Nebbou ne croit pas complètement en son sujet. La volonté d'ajouter une dimension romanesque au récit n'est pas en elle-même condamnable et se comprend. Le récit de cet homme seul face à la nature et donc à lui même pouvait supporter et même s'enrichir de l'utilisation de cet " ingrédient " si difficile à doser si on ne veut pas tomber dans le roman de gare.

Malheureusement le moins que l'on puisse dire c'est que Safy Nebbou a eu la main lourde et que la caractérisation de ce nouveau personnage, comme son insertion dans le récit est très maladroite voire lourde et finit même par plomber le film. On espère être surpris, que ce romanesque de quatre sous révèle quelques surprises et que toutes les flèches mises sous nos yeux indiquent en fait une fausse direction, il n'en est rien. Sans surprises, vidé de sa substance et trahissant ses promesses, le récit perd presque tout intérêt. L'épure a cédé la place à la balourdise, Aleksei ( Evgeniy Sidikhin) devait être l'allié, l'insider de Safy Nebbou qui comptait sur son introduction pour ajouter une matière manquante au livre de Sylvain Tesson, il devient son nemesis. On peut encore se consoler avec quelques belles images, essayer de s'accrocher à l'interprétation de Raphaël Personnaz mais il est bien difficile de trouver encore un intérêt à regarder cet attelage brinquebalant essayer d'arriver péniblement au bout de l'expédition promise. Faut t-il être sévère devant un tel gâchis ou se désoler, au motif que les intentions du réalisateur étaient louables mais qu'il aura pêché par sa frilosité et sa maladresse? Un constat surprenant s'impose : ce cinquème film de Safy Nebbou a les qualités et les défauts d'un premier film.

Titre Original: DANS LES FORÊTS DE SIBÉRIE

Réalisé par: Safy Nebbou

Genre: Aventure

Sortie le: 15 juin 2016

Distribué par: Paname Distribution

MOYEN