Avec : Arthur Dupont, François Xavier-Demaison
Sortie : 22 juin 2016
Durée: 1h457min
Budget:
Distributeur : Le Pacte
Synopsis : On connaît tous Kerviel, l’opérateur de marchés de 31 ans dont les prises de risque auraient pu, en 2008, faire basculer la Société Générale – voire même le système financier mondial… Kerviel est condamné deux ans plus tard à cinq ans de prison dont trois ferme et aux plus lourds dommages-intérêts jamais vus pour un particulier: 4,9 milliards d’euros ! Mais que sait-on de Jérôme ?… Entré dans la banque par la petite porte en 2000, personne n’aurait pu prédire que le jeune Breton parviendrait à devenir trader 5 ans plus tard. Et Jérôme Kerviel va gagner ses galons et sa place en apprenant vite. Très vite. Jusqu’à fin 2007, il sera dans une spirale de réussite : « une bonne gagneuse », « une cash-machine » – comme le surnommaient ses collègues…
4/5
Il n’est pas de plus gros « coup » dans l’histoire de la finance que celui de la Société Générale en 2008. Si tout le monde connaît l’histoire Kerviel, c’est aussi car le trader était … français !
Christophe Barratier signe donc avec L’Outsider un film bien français, dans lequel il tente de démêler le vrai du faux en racontant la vie de Jerôme Kerviel. De son entrée à la Société Générale à la crise des sub-primes, on assiste à un véritable thriller financier.
Loin d’en être à son premier film, le réalisateur des Choristes livre un excellent film, où l’argent n’est plus qu’une donnée sur laquelle on parie. Attention, cependant : à aucun moment Barratier ne prend vraiment parti. Il tente et réussit à rester impartial, malgré les épreuves qu’il a dû rencontrer afin d’écrire le film. Effectivement, si aucun collègue de Kerviel n’a voulu répondre à ses questions, Barratier se base principalement sur le roman auto-biographique qu’a écrit Kerviel lui-même – ainsi que d’un certain nombre de romans à charge contre le trader. Il ressort donc une écriture assez amère, où si l’on ne juge pas le monde de la finance on ne peut s’empêcher de s’ébahir face à ce monde à des kilomètres du nôtre et de nos valeurs.
Mais L’Outsider n’est pas qu’un récit, aussi excellent soit-il. Le film possède aussi une mise en scène ahurissante et plus que bienvenue au pays de La Nouvelle Vague. Au milieu d’une année où les films avec une intention de mise en scène se comptent sur les doigts d’une main, le film brille tout autant par une image magnifique qu’une recherche approfondie de l’environnement de Kerviel. Le quartier des finances à Paris, La Défense, n’aura jamais paru si abstrait, géométrique et froid. Il faut dire qu’il est globalement peu filmé dans les films français, malgré son architecture qui s’y prête allègrement. Cette omniprésence de la tour de la société générale – Barratier n’avait d’ailleurs pas les droits pour filmer le logo – cristallise l’envie et l’émotion que ressent Kerviel à travailler dans la finance. De plus, les vues aériennes contribuent à nous isoler de notre monde afin de nous plonger dans celui des traders, plus froid et dur.
�À travers sa mise en scène – qui se compose aussi d’ un cadre toujours fort de sens, une photo très belle, une musique efficace – Barratier livre un message sur le monde de la finance, tout en s’appuyant sur la réalité de l’histoire Kerviel. L’autre grosse surprise de L’Outsider, ce sont les acteurs. Arthur Dupont est pour nous une découverte, et quelle découverte ! Il habite le rôle de Jerôme Kerviel, et livre une performance très juste et émouvante. On n’a pas seulement envie de croire à son personnage, on y croit ! François Xavier-Demaison sort de ses rôles habituels, et nous impressionne par son jeu.
Ainsi, L’Outsider est une véritable surprise. Là où en voyant la bande annonce on pouvait craindre un mauvais remake du Loup de Wall Street, on a, en réalité, un thriller magistral où chaque élément est à sa place et nous permet de croire à ce que l’on voit. Le film s’offre un point de vue très différent de ce qui avait été défendu par la Société Générale en 2008, et nous donne une vue d’ensemble passionnante. Au final, on ne regrette même plus le changement de titre (pour droits d’auteur), anciennement L’esprit d’Équipe, et L’Outsider présente un personnage qui, rongé par la découverte du monde financier, dépassera les limites et créera un bouleversement historique.
L’Outsider est ainsi au cinéma français ce que Jerôme Kerviel fut à la Société Générale : un bouleversement majeur et une promesse de changement. Hélas, comme pour le second cas, on craint que personne dans le cinéma français n’en tirera de leçons.
L’un des plus grands films français de l’année. Barratier signe un thriller financier haletant.