Un dialogue bien entoure

Par William Potillion @scenarmag

Des recherches ont démontré que 93 % de la communication s’effectuait par le corps.
Ainsi, lors d’une conversation, un personnage peut être en train de boire, de fumer, de marcher ou conduire sa voiture.

A cela s’ajoute les bruits de l’environnement qui se charge aussi de significations : une légère brise fait onduler des rideaux, une sirène hurle au loin…
Tous ces détails qui entourent le dialogue participent au but de la scène.

Les attitudes

La gestualité qui mériterait une étude plus approfondie reflète la personnalité du personnage ainsi que son humeur. Un personnage nerveux, par exemple, assis à table, s’emparera des objets qui sont posés dessus et jouera nerveusement avec eux.

Les attitudes doivent correspondre aux traits de caractère du personnage. Un personnage qui s’occupe très soigneusement de sa vaisselle et un autre qui attend que l’évier ne puisse plus en contenir ont deux personnalités différentes : dans ce comportement, il y a peut-être un indice d’une personne très organisée ou d’une personne qui se soucie peu des choses matérielles selon le type de comportement.

Lorsque vous développerez votre personnage, imaginez-le dans différentes situations et testez différentes attitudes en particulier lorsqu’il est entouré. Le masque social qu’il porte lui impose certaines postures, certains comportements probablement éloignés du modèle qu’il aurait aimé être.
Il est probable que lorsqu’il est seul, d’autres attitudes révéleront d’autres indices sur sa personnalité.
Imaginez que ce personnage soit un serial killer. Pour garder une cohérence avec sa nature, il serait utile de lui faire faire des gestes méticuleux et peut-être lui faire adopter un ton posé, réfléchi dans ses dialogues.

Ne sautez pas sur la première chose qui vous vienne à l’esprit. Vous risqueriez de connoter une information qui ne correspond pas à vos intentions.

Prenons une scène de rupture :

Lui
Lucie, j’ai beau être un connard, un salaud, un trou du cul mais je ne suis pas bigame.

Elle
Tu veux dire… que tu me quittes ?

Si elle lui pose cette question les yeux embués de larmes, vous risquez le stéréotype et donc, votre histoire sera catégorisée comme une romance si telle est votre intention.
Mais si votre intention est d’explorer les états d’âme d’un homme qui se retrouve perdu entre deux femmes, il serait préférable de rajouter :

Lui
Les yeux  rouges et mornes
Lucie, j’ai beau être un connard, un salaud, un trou du cul mais je ne suis pas bigame.

Ce détail sur ses yeux raconte beaucoup sur ce qui se passe dans la tête du personnage et il crée aussi une atmosphère qui baigne la scène.
N’hésitez pas à noter des détails sur les attitudes, les postures des personnes que vous observez dans la vie réelle pour vous constituer une sorte de banque de données qui pourraient vous inspirer et vous éviter le stéréotype.

Les comportements symboliques

Il ne faut pas s’effrayer inutilement par l’usage des symboles d’autant plus qu’il est facile d’en utiliser sans en être véritablement conscient.
Le symbole est un outil très efficace pour mettre en avant et clarifier le thème de votre histoire.

La technique consiste à tisser des éléments symboliques dans les dialogues et dans les attitudes pour ajouter de la signification.
Cette recherche de sens devrait être présente en permanence dans l’esprit de l’auteur. C’est aussi un bon moyen pour dégraisser des scripts un peu trop bavard.

Imaginons que notre héroïne est dans la salle d’attente d’un médecin.
Pour le moment, hormis l’information du lieu, la scène est plutôt banale.
Maintenant, ajoutons à la description, que les mains de cette jeune femme sont jointes presque comme si elle était en communion avec Dieu et toute votre scène prend une dimension dramatique.

Vous avez façonné la scène de façon à créer une tension dramatique et vous ajoutez du sens qui explicite votre thème si celui-ci est par exemple la lutte contre la maladie.

Autre exemple :
Dans Twin Peaks (épisode 2 de la saison 2), David Lynch a besoin de reconsidérer le triangle amoureux entre Maddy/Laura , Donna et James (un triangle qui prend tout son sens dans la suite de l’histoire).
Et il y a alors cette scène de la chanson Just You and I qui reflète non seulement la jeunesse de cette époque (renforcée par le ton androgyne de James) mais aussi et surtout le jeu de regard entre James, Maddy et Donna. Il apparaît dans cette scène que la seule qui éprouve un amour véritable est Donna, celui entre James et Maddy est plus ambiguë.

La pluie, l’orage, de lourds nuages sombres sont aussi très utiles pour donner une dimension aux dialogues. N’importe quel objet peut devenir symbolique.
Nous ne sommes pas non plus à l’abri des clichés avec les attitudes ou postures symboliques comme de vider un verre dans l’évier après une rupture. On peut mieux faire.

Les symboles

La définition simple d’un symbole est quelque chose qui remplace quelque chose d’autre par association, ressemblance ou convention. Un symbole est donc une métaphore.
Le symbole représente donc d’abord un concept : le courage avec le lion ou le patriotisme avec un drapeau flottant au vent, la couleur bleue pour la sérénité et l’intuition, par exemple.

Pour Joseph Campbell, les symboles sont des formes d’énergie qui permettent d’évoquer et de diriger. Heinrich Zimmer note que les concepts et les mots sont des symboles tout comme les rituels et les images. Ainsi le sont les manières et les habitudes de vie. Une réalité transcendante se reflète alors dans le symbole.

Carl Gustav Jung distingue le symbole du signe. Selon lui, le signe représente quelque chose de connu. Un mot (un signe linguistique) renvoie à un référent qui est partagé par un grand nombre d’individus (généralement rassemblés en communauté pour permettre ce partage).
Un symbole, pour Jung, représente quelque chose de difficilement saisissable par l’esprit humain. Comme exemple, il propose le Christ comme le symbole archétypal du soi. Il ajoute aussi que les vérités éternelles (c’est-à-dire des vérités stables et permanentes qui persistent au-delà des limites du temps et des cultures) nécessitent un langage humain qui varient selon l’esprit du temps. C’est cette idée que Stephen King reprend lorsqu’il explique que les peurs sociétales varient selon les cultures et les époques.

Jung explique donc que les images primordiales passent par une transformation continuelle et pourtant restent les mêmes. Elles connaissent donc de nouvelles formes et partant, une nouvelle interprétation. Cependant, elles ne perdent pas leur puissance originelle.
Ainsi, les symboles sont utilisés comme moyens d’expression d’idéologies, de structures sociales et illustrent des caractéristiques de cultures spécifiques.

Symbole et scénario

Si l’on considère que le symbole est une représentation de quelque chose d’invisible par quelque chose de visible, on peut en déduire qu’un scénario a le pouvoir de montrer des symboles en action.
Il est capable de présenter une séquence de choses visibles qui illustre des choses invisibles.
Les choses visibles apparaissent dans les lieux, les objets, les actions, les personnages et le dialogue.
Les choses invisibles auxquelles les choses visibles font référence sont les aspects invisibles et internes des personnages tels que leurs humeurs, leurs sentiments, leurs états d’esprit, leurs intentions cachées…

Un symbole présente une idée telle l’image d’un château de sable qui s’effrite lentement sous l’action de la bise pour signifier la délitescence d’une relation avec le temps.

Ou bien encore telle la lumière verte dans Gatsby Le Magnifique qui représente l’impossibilité pour Gatsby de sortir du passé. Tout ce que fait Gatsby dans cette histoire est d’essayer de recréer le passé. Par cette métaphore, on comprend que Gatsby va à contre courant (ce qui symbolise le temps) pour atteindre la lumière verte c’est-à-dire ses rêves.
Il est d’ailleurs préciser dans une ligne de dialogue que cette lumière verte qui représente ses rêves est comme les vagues au reflux inaccessible d’année en année.

Subconscient ?

Les symboles les plus significatifs ne sont pas forcés dans l’histoire, ils y apparaissent naturellement.
Lorsque vous êtes à la recherche d’un symbole, retrouvez ces images et ces rêves qui se glissent de manière inattendue dans votre propre esprit et tentez de les interpréter.
Ne forcez jamais un symbole. S’il existe, polissez-le. Sinon, ne vous faites pas un blocage et continuez d’écrire votre histoire.