Businessman accompli, pygmalion charismatique, visionnaire et précurseur, John Casablancas avait de quoi inspirer plus d’un réalisateur. Mais sous ses airs de playboy au coeur d’artichaut, l’homme qui a révolutionné le monde du mannequinat entretenait une réputation sulfureuse et a bien souvent défrayé la chronique en raison de ses aventures sentimentales.
Poursuivi en justice par Ford, l’agence historique, pour concurrence déloyale, trahi, porté aux nues aussi souvent que traîné dans la boue, le « golden boy » a marqué l’histoire de la mode en construisant un empire où les top models apprenaient à « mettre en scène leur vie pour devenir célèbres ». Avant, il y a avait des égéries, des muses, telles Bettina (Givenchy), Victoire (Saint Laurent), Suzy Parker (Avedon), Twiggy. Avec Elite, les mannequins deviennent des stars planétaires, plus importantes que les marques qu’elles représentent.
Quels sont les dessous de cet empire? A quel prix s’est-il construit et maintenu à flot? Le documentaire d’Hubert Woroniecki n’en dira mot. Filmé de façon académique, suivant un récit linéaire entrecoupé d’images d’archives et de quelques scènes animées inspirées de l’univers de la bande dessinée (la seule originalité du film), Casablancas… s’apparente à un journal intime édulcoré conté par le « héros » lui-même.
Souvenirs enjolivés, silences volontaires, auto-dérision contrôlée, voix suave et enjôleuse, le personnage force la sympathie tout en frôlant la caricature. On comprend que Woroniecki – ancien collaborateur de Casablancas – ait voulu rendre hommage à son ami, disparu en 2013. On aurait néanmoins apprécié un portrait moins lisse et plus caustique, à l’image de cet « homme qui aimait les femmes » qui gardera secrets ses mille et un mystères.
Sortie le 29 juin 2016.