Fairuza Balk, narrator (Beyond Clueless)
Les longs-métrages mettant en scène des adolescents occupent depuis toujours une place à part dans le paysage cinématographique. Encensé pendant la pleine période du baby boom pour la finesse des portraits brossés (La fureur de vivre, A l’est d’Eden), glorifié dans les années 80 grâce aux productions du génial John Hughes (The Breakfast Club, Pretty in Pink, La folle journée de Ferris Bueller), et se permettant même des incursions dans la science-fiction ou l’épouvante, le genre est ensuite tombé en désuétude. Très marqué par le virage sexe et canaille des films American Pie, les productions finiront par s’essouffler, tâtonnants avec maladresse entre vulgaire trash et discours social des origines.
Le teen-movie connait depuis quelques années un renouveau timide avec une jeune génération d’auteurs prompt à moderniser les codes du genre : La face cachée de Margo, Me, Earl and the dying girl, Palo Alto, The spectacular now. De manière générale on trouve dans bon nombre de productions actuelles destinées aux plus jeunes des éléments empruntés aux teen-movies – pour le meilleur, et pour le pire.
Pourquoi le teen-movie est-il devenu en quelques décennies un genre dévalué ?
On ne peut décemment nier la qualité discutable de nombreux étendards du teen-movie contemporain. La première raison du désamour du public pour ce type de cinéma en incombe donc directement aux studios et têtes pensantes à l’origine des projets, trop souvent enclins à minimiser les prises de risque. Eurotrip reprend les codes de Roadtrip et les transposent dans une Europe fantasmée, le français Sexy Boys n’est finalement qu’une pâle copie du mastodonte American Pie. Les suites stériles se sont également multipliées, jusqu’à travestir des franchises entières et semer le doute dans l’esprit des spectateurs : American Pie Band Camp fait-il parti du canon officiel de la série ? Pourquoi Ryan Reynolds est-il absent de National Lampoon’s Van Wilder: The Rise of Taj, un film qui porte le nom de son personnage ? Alors que les films originaux peuvent se targuer de proposer du divertissement de qualité – facile et grivois mais pas dénué d’intérêt, ces séquelles distantes n’ont la plupart du temps aucune valeur.
Parfois, malgré les qualités intrinsèques d’une réalisation, c’est le marketing mis en place qui tue dans l’œuf son potentiel auprès du public : affiches et trailers qui mettent en avant de jolies filles dénudées alors que le propos du film est en totale opposition avec cette imagerie (Admis à tout prix, 100 girls) ou encore distributeurs français qui adaptent sottement les titres originaux, à coup de vocabulaires racoleurs, d’anglicismes et de Pie réminiscents (Going the distance devient Canadian Pie, Virgin territory lui – Medieval Pie).
Tous ces éléments participent à bâtir une mauvaise image du genre, considéré au mieux comme insignifiant, au pire comme vulgaire et finalement mineur – la lie du cinéma « populaire », dernier défouloir de boutonneux en mal de pets, rots et belles pépés. Une contre-vérité partielle pour un genre qui, s’il met en scène des adolescents, n’a de cesse de proposer des histoires à destination de tous les publics, à la manière par exemple des films d’animation pensés depuis les origines pour plaire à toute la famille. Quand Disney produit Dingo et Max en 1995, Kevin Lima et ses équipes s’appliquent à traiter une foultitude de thèmes pouvant toucher toutes les catégories d’âges, et ce dans une œuvre justement aux frontières du teen-movie. Le cinéma s’adresse à tous, à chacun d’appréhender les œuvres selon ses critères personnels.
Finalement, le genre renvoi chacun à sa propre adolescence et ravive des émotions oubliées – le tohu-bohu des couloirs, l’odeur de la craie, les amitiés éphémères, l’amour déçu, et fatalement, le temps qui passe. Les métrages prennent souvent la forme d’une comédie romantique qui, en apparence, finit bien, mais annonce en substance des changements irréversibles.
L’adolescence – période charnière de l’existence qui détruit les âmes et n’est faite que de regrets. Entre deux blagues cacas et trois fellations baveuses, ce sont en substance les thèmes qui font tout l’intérêt de ce cinéma.
Le teen-movie est un genre à part entière à ne surtout pas négliger – disparate et attachant, il sait se jouer des figures imposées pour proposer des expériences riches. Il est aussi dénicheur de talents et un véritable accélérateur de carrière pour de nombreux artistes (comédiens, réalisateurs, scénaristes, chanteurs). La mauvaise réputation qui est la sienne et dont il est en partie responsable l’empêche aujourd’hui de peser dans l’industrie cinématographique, à quelques rares exceptions près (Superbad, Nos étoiles contraires).
Instantané culturel et sociétal d’une époque ou simple divertissement, le film d’adolescents réveille en chacun les souvenirs reviviscents d’une jeunesse à jamais perdue. Un passé décomposé qui irrémédiablement nous rattrape et s’imprime à jamais sur la pellicule.