Ronald b. tobias : la quête

La quête est la recherche d’une personne, d’un lieu ou d’une chose par le protagoniste.
Cette chose peut être tangible ou non.

Valhalla, l’immortalité, Atlantis ou Saint Graal résume le principe de la quête lorsqu’elle est au cœur de l’intrigue.
Mais en règle générale, toute fiction est à propos d’une quête au moins identitaire.
Le personnage principal est à la recherche de quelque chose. Il l’est volontairement et est déterminé.
Il ne s’agit pas d’un accident. Cette quête définit le personnage. Sans cette poursuite, sans cette ambition, le personnage n’est rien.

Un héritage très lointain

Le personnage principal espère ou s’attend donc à trouver quelque chose qui va radicalement changer sa vie.

Cette intrigue remonte à Gilgamesh. Don Quichotte aussi est une histoire centrée autour de la quête. Cette intrigue est l’une des plus vieilles du monde.

A propos d’originalité

Mais cela ne signifie pas qu’une telle intrigue ait perdu de son efficacité. Son intemporalité prouve sa valeur.

Une intrigue quelle qu’elle soit a la particularité de ne pas se soumettre aux modes. Les valeurs qu’elle véhicule peuvent être culturelles ou dépendre des époques mais l’intrigue elle-même est intemporelle et universelle.

Une histoire d’amour a été, est et sera toujours une histoire d’amour. Une intrigue appartient à l’inconscient collectif tel que l’a défini Carl Gustav Jung. En cela, nous pouvons la considérer comme un archétype.

Et comme Melanie Anne Phillips et sa théorie Dramatica nous le révèle, les archétypes nous permettent d’imaginer un nombre indéfini de personnages différents. Il en est de même avec les intrigues.

L’originalité ne tient pas à l’intrigue mais à la façon dont nous la présentons. L’astuce consistant à apprendre comment adapter l’intrigue aux exigences de l’histoire.

Vous devrez donc façonner votre idée autour de ce qu’une intrigue particulière peut vous apporter en termes d’histoire et de personnages.

Le McGuffin

Retour à la quête.

Cette ambition que s’est fixé le personnage principal est une véritable recherche. Ce n’est pas un prétexte à l’action.

Ne confondez pas quête et McGuffin. Ce dernier semble (ce n’est qu’une apparence) important pour les personnages. Mais il n’est d’aucune importance pour l’intrigue.
Dans La mort aux trousses, la statuette qui recèle les microfilms n’est qu’un prétexte, un point d’arrivée pour l’histoire mais n’a pas d’incidence sur l’intrigue, ni sur la détermination du héros.

L’objet de la recherche

Le personnage est donc façonné par l’image de la quête et partant, de sa réussite ou de son échec. L’objet de cette recherche se reflète lourdement sur la personnalité du personnage.

Cette quête intervient directement sur l’arc dramatique car elle force le personnage à changer. Dans le cas du McGuffin, on n’attend aucun changement chez le personnage. La statuette de La Mort aux trousses n’affecte en rien la personnalité de Roger Thornhill.

Gilgamesh cependant dans sa recherche de l’immortalité sera profondément changé par ce qu’il découvrira.
Désolidariser l’objet de la quête du sujet qui la poursuit et l’histoire ne signifie plus rien.

Un road-movie

Le road-movie est un cadre naturel pour une intrigue fondée sur la quête. Le voyage du héros tel que défini par Joseph Campbell et Christopher Vogler fournit une ossature narrative apte à déployer cette recherche d’identité.

Quelle que soit l’issue du voyage, il y a toujours des leçons à apprendre, une sagesse acquise. Les personnages de ces histoires apprennent quelque chose sur le monde, quelque chose sur eux-mêmes.

Le fonctionnement du road-movie s’articule autour d’événements (des rencontres, des situations). Ces événements sont liés à l’objectif final. Echecs et petites victoires sont le prix à payer pour devenir meilleur.

Le personnage principal doit être psychologiquement prêt à recevoir son prix. Cette sagesse s’obtient graduellement au fil des épreuves.

Structure de la quête

L’acte Un

C’est le point de départ de la quête, la routine de vie actuelle du héros. Puis une force va le forcer à agir soit par nécessité, soit parce qu’il le veut.

Gilgamesh est occupé à construire le mur de Babylone. Du moins, il met la pression sur les habitants pour y parvenir.
Ceux-ci épuisés font appel aux dieux pour que cesse cette tyrannie.
Les dieux décident alors de donner une leçon au roi et créent un guerrier d’argile pour le combattre.

Quelle que soit cette force, elle pousse le protagoniste à l’action. Elle crée chez Gilgamesh un besoin.
Il lui faut dorénavant se défendre contre ce guerrier venu des Enfers.

Il est à noter que la quête est introduite très tôt dans l’histoire. Peu d’informations sont données sur la personnalité du héros ou pourquoi il n’est pas heureux. Ce qui compte pour le moment est d’expliquer les raisons de l’importance de cette quête pour le héros.

L’appel à l’aventure

La décision d’agir n’est encore qu’embryonnaire. Il faut une incitation pour que le héros prenne en charge son problème. Après l’incident déclencheur, le protagoniste connait toujours une certaine réticence à s’engager davantage dans la quête.

Il doute et c’est bien humain. Il lui faut donc des raisons supplémentaires de franchir le passage, de s’engager dans l’aventure.

Gilgamesh rencontre Enkidu, une créature d’argile envoyée par la Déesse-Mère Aruru pour ramener le roi Gilgamesh dans le droit chemin.
Enkidu refuse l’accès du temple à Gilgamesh. Il s’ensuit un duel. C’est un match nul mais les deux belligérants sont mutuellement impressionnés l’un par l’autre.

De ce combat naîtra une solide amitié. Enkidu aidera Gilgamesh dans son combat contre Humbaba, le monstre gardien de la forêt des cèdres. Cette première épreuve marque le début des aventures de Gilgamesh.
Sans sa rencontre avec Enkidu, Gilgamesh n’aurait pu affronter Humbaba.

Le passage dans l’acte Deux

Cette prise en charge par le héros de son problème constitue le passage entre l’acte Un et l’acte Deux.

L’état psychologique du héros change aussi. Avant son départ pour sa quête, le héros ne comprend pas encore ce qui l’attend. Il pense savoir ce qu’il espère ou veut de sa vie.
Mais il lui manque de l’expérience.

Ce parcours qui l’attend est un voyage initiatique. L’expérience acquise au cours de l’aventure lui apprendra quelque chose d’autre sur lui-même ou sur le monde.

Lorsqu’il s’engage, le personnage doit clairement identifié l’objet de sa recherche. Un adolescent peut vouloir fuir le foyer familial parce qu’il sent que ses parents l’étouffent  par exemple.

Une détermination sans faille

Dans tous les cas, le personnage principal doit être investi d’une forte motivation à aller quelque part, à faire quelque chose. Cette motivation est une force en soi dont a besoin l’intrigue.

Il faut donc prêter une attention particulière à la motivation. Il faut qu’elle soit crédible pour justifier la nécessité absolue de l’action du héros. Il faut que les enjeux soient légitimes et impératifs pour le personnage.

Il faut distinguer l’intention de la motivation. L’intention est ce que le protagoniste cherche à atteindre. La motivation explique pourquoi il cherche à atteindre cette chose.

L’exposition

C’est une des fonctions de l’acte Un. Cette exposition devrait nous permettre de comprendre ce qui motive le personnage principal à entreprendre une quête.

L’expérience qu’il va acquérir au cours de son aventure va changer beaucoup de choses pour lui. Le lecteur en est convaincu.
Mais pour le moment, ce dernier doit savoir d’où vient le héros.

Un compagnon de voyage

Le héros voyage rarement seul.
Gilgamesh sera accompagné de Enkidu et Dorothée du Magicien d’Oz rencontrera au cours de ce premier acte l’homme en fer blanc, le lion couard et l’épouvantail.

Généralement, ces aides (qui prennent souvent la forme du mentor) se présentent après l’incident déclencheur.
Ainsi, il est laissé suffisamment de temps pour exposer le personnage principal.

Le concept du compagnon de voyage a une portée morale. Le héros n’est pas un être pétri de solitude. Il a besoin de s’en remettre aux autres pour l’aider dans son objectif.
Cet accompagnement souvent salvateur pour le héros est un motif récurrent des intrigues qui se concentrent sur une quête.

Il est important aussi que ces aides soient présentées au cours de l’acte Un. Si elles surviennent en plein milieu de l’intrigue, vous pourriez être accusé de deus ex machina.
Comme si vous vous arrangiez pour faire intervenir un personnage tombé d’on ne sait où pour sortir le héros d’une impasse.

Il est bon d’introduire tous les éléments dramatiques qui auront un impact plus tard dans l’histoire au cours de l’acte Un.

L’acte Deux

L’acte Un pose une question dramatique : sommairement, est-ce que le héros réussira ?

L’acte Trois répondra à cette question. Et l’acte Deux (l’intrigue) est ce qui rend l’histoire intéressante.

Par exemple, la question dramatique que soulève Gilgamesh est de savoir s’il trouvera la secret de la vie. Il le trouvera mais n’en tirera aucun bien est la réponse qu’apporte le dénouement de cette histoire.

Un roller coaster

C’est cela que doit être l’acte Deux : un flux et reflux permanent de la tension dramatique.
Mais aussi des rebondissements, des accélérations du rythme et peut-être le plus important, ce sentiment d’incertitude quant à l’issue des choses.

Même si l’incertitude ou le doute quant à la réalité des événements est le plus mis en évidence dans le genre fantastique, il n’en reste pas moins que l’histoire ne doit pas être prévisible.

Le chemin entre le début et la fin de l’histoire doit paraître chaotique. Certes.
Mais lorsque tous les jalons sont connectés, cela contribue à la compréhension du personnage ou à celle de l’objet de sa quête.

Causalité

Afin que les éléments puissent faire sens en un tout, il est nécessaire qu’ils soient liés par un lien de causalité.
Un événement est la conséquence d’un précédent événement et sera la source pour un événement futur.

Ainsi, après que Gilgamesh et Enkidu ont tué le géant Humbaba, Enkidu commence à faire des cauchemars. Puis Enkidu meurt.
Pleurant la mort de son compagnon, Gilgamesh décide de se mettre en quête de l’immortalité.

Plusieurs personnages, plusieurs quêtes

C’est d’autant plus prononcé dans les séries. Pour exemple classique, considérez Le Magicien d’Oz.
La quête de l’épouvantail est un cerveau, celle de l’homme en fer blanc est un cœur et celle du lion couard, du courage tout simplement.

Une intrigue faite d’obstacles

Essayez d’imaginer les difficultés les plus intéressantes et celles qui représentent un vrai défi pour le personnage principal. Il ne s’agit pas d’un saut d’obstacles sans intérêt.
Le principe consiste en épreuves qui vont altérer d’une manière ou d’une autre le personnage. Ce sont de véritables expériences de vie.

Le personnage apprend quelque chose sur lui-même à chaque difficulté qu’il rencontre. Qu’il surmonte ou échoue à une épreuve importe peu.
Puisqu’il tire toujours une leçon de ses pérégrinations.

Il faut comprendre que les obstacles apparemment physiques ne sont que secondaires. Ce qui compte, c’est comment ces obstacles affectent le personnage.
Doit-il abandonner ? Va-t-il souffrir d’une dépression ? Va-t-il tenter de saisir sa dernière chance ?

L’idée consiste à établir une similitude entre le personnage et l’événement afin de les unifier.

L’acte Trois

C’est le moment de la révélation, le dernier mouvement de la fiction. Le terme même de révélation indique qu’il ne faut pas avoir été trop prévisible dans la façon de conter son histoire.
Il faut éviter la frustration du lecteur par le Je le savais !

Le moment de la réalisation

C’est la prise de conscience ultime, l’illumination totale par le protagoniste de la nature et du sens de sa quête.
C’est à ce moment parfois que le héros s’aperçoit que ce qu’il a cherché pendant tout ce temps n’était pas ce qu’il voulait réellement.

Que le personnage ait obtenu l’objet de sa quête ou que celui-ci lui ait été refusé, la révélation a toujours lieu.

Une structure mythique

Il faut noter que le motif de la quête se prête excellemment à une structure mythique telle que l’ont développée Joseph Campbell et Christopher Vogler.

Ou pour voir les choses un peu différemment, la quête serait au cœur du conte de fées.
Un jeune garçon ou une jeune fille doit se rendre dans le monde afin d’y trouver quelque chose (et c’est généralement lui ou elle-même).

C’est pour cette raison que le héros ne peut pas résoudre son problème immédiatement, même s’il en a la possibilité.
C’est un parcours initiatique. Pour devenir le héros que sa nature lui commande, il doit suivre ce parcours. Même s’il ignore son statut de héros en devenir.

La maturité au centre du récit

Les leçons que le protagoniste apprend au cours de ses tribulations ont pour but de le faire grandir. Le contact avec le monde extérieur est la condition de sa maturité.

Au début de l’histoire, le personnage principal n’a pas intégré en lui tous les attributs qui feront de lui un être complet. Il lui manque quelque chose.
Pour chaque personnage, cette lacune est différente. Cependant, la complétude de soi est le véritable but recherché.

Il suffit de découvrir que ce qu’il manque au personnage est déjà en lui. Les épreuves qu’il a connues au cours de son aventure n’ont servi que de catalyseurs pour mettre au jour certaines vérités sur le personnage lui-même. C’est en cela qu’il y a révélation.

Gilgamesh en quête de l’immortalité pour son ami Enkidu se rend aux Enfers pour y découvrir le secret de la vie.
Arrivé au bout du monde, il y rencontre Ut-Napishtim l’Immortel.
Le vieil homme, fataliste, lui apprend que rien ne dure, que la vie humaine est éphémère et vouée à la mort.

Ut-Napishtim livre cependant un dernier secret à Gilgamesh : celui d’une rose de jouvence. Mais cette plante lui sera dérobée par un serpent qui se débarrasse aussitôt de sa vieille peau (ainsi fut expliquée la mue du serpent).

Sans illusion, vaincu et seul, Gilgamesh finit par accepter son sort. Il retourne en son royaume se sentant mortel pour la première fois.
A la fin de cette histoire, Gilgamesh a intégré en lui cette part d’humanité qu’il avait toujours refusé de voir.
Et pourtant, bien que malheureux, il n’en est pas moins devenu un être meilleur.

Le climax

Lorsque votre personnage principal parvient au climax, il confronte une dernière fois les réalités que son aveuglement ou son ignorance lui refusait de voir.

C’est une nécessité qu’il ait appris de ses erreurs. Dans le cas contraire, il retourne au point de départ inchangé. Ce qui serait une image de frustration pour le lecteur.

Le héros devient donc meilleur en intégrant des vérités qui étaient là depuis le début mais qu’il n’acceptait pas. Lors d’une quête, la transfiguration du personnage est l’élément clef de sa définition.

Points à retenir selon Ronald B. Tobias
Une quête est une recherche.

Il faut développer un parallèle étroit entre l’intention (l’objet recherché) et la motivation (l’essence de la quête).

Une quête est un road-movie. 

Mais les événements s’enchaînent selon un lien de cause à effet. Cette orchestration pourrait sembler erratique mais cependant il n’en sera rien.
Lorsque Louise tue Harlan, Callie Khourie la scénariste de Thelma et Louise avait pris soin de créer dans le passé de Louise un viol dont elle avait été une victime que la justice des hommes n’avait pas reconnue.

La quête est une initation

Basée sur une structure mythique, la quête est une initiation qui commence et finit dans le même lieu. Quel que soit le nombre d’étapes de ce voyage initiatique, tel l’ouroboros, le personnage principal renaît à la fin du cycle.

L’arc dramatique

L’arc dramatique du héros est l’élément dramatique le plus important. C’est une histoire à propos d’un être qui change.
Ce n’est pas l’objet de la quête qui importe mais le changement qui s’opère chez le héros.
Quel que soit l’issue de cette quête, le personnage deviendra meilleur (même si la mort est sa rédemption).

L’objet de ce voyage est la sagesse.

Le personnage se réalise en découvrant des vérités sur lui-même qu’il possédait déjà mais ignorait.
C’est un processus de maturité. C’est un enfant qui apprend à devenir adulte (le passage de l’adolescence à l’âge adulte) ou bien un adulte qui apprend les leçons de la vie.

Le lecteur doit comprendre les raisons de la quête.

Le procédé narratif est l’introduction d’un personnage que Campbell nomme le héraut.
Il est celui qui propose l’appel à l’aventure (on retrouve d’ailleurs cette fonction dans l’archétype du mentor).
Mais le héros n’accepte pas immédiatement l’aventure proposée. Il y a toujours une certaine réticence au préalable.
L’assemblage de ces deux éléments dramatiques (Héraut et Réticence) permet de rendre crédible et légitime l’objet de la quête.

Le héros est accompagné dans son voyage.

Il doit pouvoir interagir avec d’autres personnages afin que l’histoire ne devienne trop abstraite.
Gardez en tête que les relations entre les personnages sont une articulation dramatique fondamentale de toutes fictions.
A lire :
ECRIVEZ VOTRE ROMAN ETAPE PAR ETAPE

La quête se termine par une révélation.

Nous vous conseillons la lecture de John Truby à ce sujet.
JOHN TRUBY : LES 7 ETAPES CLES D’UNE HISTOIRE (1)
JOHN TRUBY : LES 7 ETAPES CLES D’UNE HISTOIRE (2)
JOHN TRUBY : LES 7 ETAPES CLES D’UNE HISTOIRE (3)

Vous pourriez aussi envisager que ce que le personnage découvre sur lui-même est différent de ce qu’il cherchait. Comparez avec votre thème pour savoir si ce motif peut fonctionner avec votre histoire.