Le Professeur de Violon (Tudo que Aprendemos Juntos)

Date de sortie 22 juin 2016

Le Professeur de Violon (Tudo que Aprendemos Juntos)


Réalisé par Sérgio Machado


Avec Lázaro Ramos, Kaique Jesus, Elzio Vieira,

Sandra Corveloni, Fernanda De Freitas,

Les rappeurs brésiliens Criolo et Rappin' Hood, Marin Alsop,

L'orchestre symphonique de São Paulo/OSESP

L'orchestre d'Heliópolis


Genres Drame, Musical

Titre original Tudo que Aprendemos Juntos


Production Brésilienne

Synopsis

Laerte (Lázaro Ramos), talentueux violoniste, rêve depuis toujours d'intégrer l’orchestre symphonique de São Paulo.

Dévoré par le trac, il échoue à l'audition et accepte à contrecœur d'enseigner la musique à des adolescents d’Heliópolis, la plus grande favela de la ville.

Dans cet univers pourtant hostile, où gangs et dealers règnent en maîtres, Laerte va tisser des liens forts avec ses élèves, découvrir des talents insoupçonnés et changer leur vie à jamais.

Le Professeur de Violon (Tudo que Aprendemos Juntos)

Entretien avec le réalisateurSérgio Machado relevé dans le dossier de presse

Qu’est-ce qui vous a motivé à écrire cette histoire ? Et quels liens y a-t-il avec votre expérience personnelle ?


Je suis fils de musiciens et j’ai passé la majeure partie de mon enfance à proximité d’un orchestre. Mon père jouait d’un instrument à vent et du piano, ma mère était bassoniste de l’Orchestre symphonique de l’université de Bahia. Comme ils étaient tous deux étudiants, ils n’avaient pas les moyens de se payer une nounou; j’ai donc grandi entouré d’instruments en baignant dans la musique classique. J’ai même étudié le piano et le violon, mais comme je n’étais absolument pas doué, je ne répétais pas sérieusement.
Le film a ravivé de nombreux souvenirs enfouis en moi et il ne fait pas de doute qu’il s’agit pour moi d’un hommage à mes parents. C’est aussi un projet personnel dans le sens où le dilemme auquel se trouve confronté le personnage résonne vraiment en moi. C’est l’histoire d’un violoniste victime de ses nerfs au moment d’une audition cruciale. Sa vie va basculer d’un instant à l’autre puisqu’il ne sera plus en mesure de faire ce pour quoi il s’est préparé toute sa vie. Je suis parvenu à véritablement avancer sur l’écriture du scénario au moment où j’ai compris combien l’expérience de Laerte était proche de la mienne. J’ai décidé que je voulais devenir réalisateur à un très jeune âge et je n’avais jamais envisagé d’exercer toute autre activité. L’angoisse que connaît le personnage principal est aussi la mienne : celle de ne plus jamais pouvoir tourner un film. Ces deux dernières années, la musique est réapparue dans ma vie depuis que mon fils de dix ans, après s’être rendu sur le tournage du film, m’a confié qu’il souhaitait prendre des cours de violon. Chaque jour, je suis épaté par sa discipline et par l’assurance qu’il ne cesse de prendre grâce à la pratique de cet instrument. En apprenant à jouer du violon, Jorge a également mûri. Ses progrès ont été fulgurants et il se prépare à présent à rejoindre l’Orchestre symphonique d’Heliópolis, l’orchestre dont le film s’inspire.

Comment avez-vous géré le fait que le film est tiré d’une histoire vraie ?


Quand on s’est mis au travail, on a essayé d’avoir le maximum d’informations sur l’histoire de l’Institut Baccarelli afin de définir au mieux l’univers du film. Marta Nehring, scénariste et documentaliste, est même allée jusqu’à s’installer temporairement à Heliópolis. Nous avons interviewé des dizaines de musiciens et de professeurs et nous avons également discuté avec les musiciens qui jouaient aux débuts de l’Orchestre et que l’on aperçoit dans le film. J’ai discuté du scénario à de nombreuses reprises avec Edilson et Edmilson Venturelli, qui dirigent l’Institut Baccarelli. J’ai suivi des cours et j’ai même tenté d’apprendre le violoncelle pendant deux mois afin de me retrouver entouré d’étudiants et d’être en mesure de mieux appréhender leurs problématiques.
Cependant, il était clair pour nous qu’un seul film ne suffirait pas à montrer l’immensité du projet qui a consisté à sensibiliser des millions d’adolescents issus de milieux défavorisés à l’apprentissage de la musique. Au bout du compte, le scénario final est à la croisée des chemins : un mélange de l’histoire de cette formation qu’est l’Institut Baccarelli, de la pièce Acorda Brasil d’Antônio Ermírio de Moraes et de mes propres interrogations.

Pensez-vous que le film puisse s’inscrire dans la mission que s’est donnée le Développement culturel et éducatif au Brésil ?


Je ne me fais pas d’illusions : un film n’est pas en mesure de changer la réalité d’un pays. Je pense cependant qu'il peut aider à stimuler le dialogue sur le rôle de la culture et des arts dans l’éducation de nos jeunes citoyens. Au cours de la dernière décennie, le Brésil a fait d’énormes progrès en matière de redistribution des revenus, mais en ce qui concerne l’éducation et l’accès à la culture, peu d’avancées ont été réalisées.
Le Brésil est encore très loin d’avoir trouvé des solutions efficaces à ses problèmes sociaux, mais les nouvelles initiatives de ces dernières années montrent que le combat contre la violence et les inégalités passe par l’éducation et la culture. Le cinéma n’a peut-être pas le pouvoir de changer la réalité, mais certains films importants apportent tout de même leur contribution.

Le Professeur de Violon (Tudo que Aprendemos Juntos)

Comment le processus créatif d’écriture du scénario a-t-il évolué ? Vous êtes-vous documenté ? Avez-vous travaillé avec l’orchestre que l’on voit dans le film ?


Au départ, Le Professeur de violon est un projet développé par Maria Adelaide do Amaral et Marta Nehring. Elles ont été à l’origine de la structure inspirée par la pièce Acorda Brasil. J’ai interviewé de nombreuses personnes qui avaient été témoins de la création de l’Orchestre, dont le fondateur en personne, le maestro Sílvio Baccarelli.
Au cours de recherches menées à Heliópolis même, j’ai été guidé par Graziela Teixeira, une violoniste issue de la première formation de l’Orchestre. Elle a pu m’ouvrir les portes de cette communauté, tout en me confiant de nombreux secrets qui sont maintenant dans le film.
Ensuite, je me suis attelé seul à une nouvelle écriture, et pour la version finale, j’ai convié l’auteur réalisateur Marcelo Gomes, un des cinéastes que j’admire le plus.

Les adolescents que l’on voit dans le film sont-ils des acteurs professionnels ? Jouaient-ils déjà de ces instruments avant de se retrouver dans le film ?


Le premier poste que j’ai occupé au cinéma avant de devenir réalisateur, c’était celui d’assistant réalisateur également en charge du casting sur le film Central do Brasil de Walter Salles.
Sur ce film, nous avons travaillé aussi bien avec des acteurs reconnus et des comédiens de théâtre qu'avec des acteurs non professionnels. Depuis, j’ai toujours appliqué cette même recette dans tous mes films.
C’est au moment de la préproduction de Central do Brasil que j’ai rencontré Fátima Toledo, la directrice de casting du Professeur de violon et de la plupart de mes films. Au fil du temps, Fátima et moi sommes devenus de plus en plus proches, et particulièrement au moment des répétitions de Bahia, ville Basse, mon premier long métrage, et par la suite, nous avons même coréalisé le film O Príncipe Encantado.
Pour Le Professeur de violon, nous avons fait appel aux acteurs expérimentés Lázaro Ramos et Sandra Corveloni (Prix d’interprétation à Cannes en 2008 pour Linha de Passe de Walter Salles), mais aussi à des acteurs en début de carrière comme Kaique Jesus, et des personnes issues des quartiers comme Elzio Vieira et tous les autres adolescents qui ont interprété les musiciens de l’Orchestre.
Il y a aussi une apparition spéciale des rappeurs Criolo et Rappin’ Hood et du maestro Marin Alsop de l’Orchestre symphonique de São Paulo.


Le Professeur de Violon (Tudo que Aprendemos Juntos)Une partie des adolescents de l’Orchestre a été recrutée parmi les musiciens de l’Orchestre d’Heliópolis, mais beaucoup d’autres ne savaient même pas jouer d’un instrument. Ils ont suivi des cours et puisque le tournage a été reculé de quelques mois, ils ont finalement eu la chance de se construire une sérieuse base musicale.

Comment s’est fait le casting de Lázaro Ramos pour le rôle principal ?


Lázaro est un ami. Je le connais depuis ses débuts. Je l’avais dirigé à l’époque de son audition pour Madame Satã, le film qui l’a lancé et a fait de lui un des acteurs les plus importants de sa génération.
Dès qu’il eut fini de lire le scénario, il m’a appelé pour me dire qu’il voulait à tout prix jouer Laerte car c’était son histoire ! Nous avons été bien avisés de l’écouter. En choisissant Lázaro, nous avons ajouté de la densité au film.
En plus d’être un merveilleux acteur, Lázaro est devenu coauteur. Il a su être le ciment de tous nos interprètes, il a tout de suite su parler aux enfants d’égal à égal et du coup, ils ont tous suivi son exemple.

Comment définir Laerte ?


Je crois qu’il y a beaucoup de moi dans ce personnage principal. Laerte est un homme ambitieux et passionné, originaire de Bahia. Sa plus grande angoisse, c’est de ne plus être en mesure de faire ce pour quoi il s’est préparé toute sa vie. À un moment, au cours de l’écriture du scénario, je me suis retrouvé confronté à cette peur et j’ai décidé de lui donner vie à l’écran.
Le Professeur de violon raconte l’histoire d’un musicien qui s’est préparé durant des années à exercer son art et qui va échouer à un moment-clé, à un tournant, comme un boxeur qui tremblerait face à son adversaire ou un footballeur qui raterait un penalty. J’ai tenté de créer un personnage qui serait pétri de contradictions, en proie au doute, mais entièrement dévoué à la réalisation de son rêve.

Le Professeur de Violon (Tudo que Aprendemos Juntos)  - Lázaro Ramos

En apprenant à connaître d’autres réalités, en faisant la découverte de ses élèves, Laerte reprend plaisir à jouer, alors que l’excès de discipline l’avait totalement dégoûté. Lázaro a su également apporter beaucoup de sa personnalité au personnage de Laerte : sa discipline, un jeu épuré et son sens de l’humour.

Parlez-nous des aspects techniques de ce film, la photographie, les décors, les costumes...


En achevant Le Professeur de violon, j’ai eu le sentiment que nous avions tiré le meilleur parti de cette histoire, et cela grâce à la persévérance et au soutien sans limites que nous ont apportés les producteurs Fabiano et Caio Gullane. Ils n’ont jamais voulu sacrifier aucun élément crucial.
Marcelo Durst, le directeur de la photographie, s’est jeté à corps perdu dans ce projet. Il n’avait plus filmé au Brésil depuis de nombreuses années et son gigantesque désir de cinéma a imprégné tout le tournage. En amont, j’avais préparé une espèce de charte visuelle de référence à l’aide d’esquisses et de photos. Il a étudié de près tous ces éléments préparatifs et il a su rendre ma proposition avec force à l’écran. Je souhaite absolument retravailler avec lui à l’avenir. Ce qui a guidé la production du Professeur de violon, c’est l’idée très abstraite que les sentiments des personnages seraient à l’origine des décisions esthétiques qui seraient prises. Du choix des lieux au positionnement de la caméra en passant par la lumière ou le montage, tout devait être pensé en fonction du désir des personnages et de leur subjectivité.
Nous avons fait en sorte d’éviter tout stéréotype au niveau des performances. Comme pour mes films précédents, j’ai souhaité que la préparation soit une étape importante assortie d’une longue période de répétitions. Je pouvais ainsi m’autoriser une petite marge de manoeuvre pour les acteurs et l’équipe pendant le tournage. Valdy Lopes, chef décorateur rigoureux, m’a aidé à créer des décors dans lesquels chaque détail a été conçu pour passer inaperçu. Notre idée, c’était de faire en sorte que les personnages soient toujours au premier plan ; le scénario, les costumes et le maquillage n’ayant pour seule fonction que d’ajouter de la densité au film.

Un autre collaborateur a été essentiel au film : il s’agit bien sûr du monteur, Márcio Hashimoto, qui a non seulement su apporter de l’ordre et du rythme aux différents plans, mais aussi de la profondeur à chaque scène.

La musique est un élément-clé du film. Parlez-nous des choix musicaux et du mélange de tous ces différents styles.


Comme j’avais des parents musiciens, je n’écoutais que de la musique classique jusqu’à mon adolescence. J’ai donc pris beaucoup de plaisir à concocter la bande originale de ce film. Pendant toute l’année précédant le tournage, j’ai assisté à chaque concert donné par l’Orchestre de São Paulo et j’ai même été jusqu’à suivre des cours d’histoire de la musique.
Au cours de cette préparation, j’ai aussi découvert la richesse de l’univers du rap de São Paulo, ainsi que la valeur poétique de Mano Brown, Criolo, Rappin’ Hood, Sabotage et Emicida. Dès le début, il était clair pour moi que la voie de Laerte était double. Il donne des cours de musique classique à Heliópolis, mais il va aussi découvrir une culture musicale très riche.
Finalement, en enseignant, il va apprendre énormément.


Le Professeur de Violon (Tudo que Aprendemos Juntos)

Quand il décide d’enseigner à Heliópolis, il ne se dit pas qu’il va sauver les élèves : il y va pour mieux se connaître lui-même. Il était important que l’univers musical contemporain fût de la meilleure qualité possible. J’ai voulu que les dialogues se situent au même niveau, sans hiérarchie.


Beaucoup de gens ont contribué à la bande originale du film : Alexandre Guerra, Felipe de Souza, Arthur Nestrovski, le maestro Edilson Ventureli, l’ensemble du Coletivo Instituto. La chanson du générique final, un rap composé par Sabotage, véritable génie, arrangé par le maestro Ruria Duprat et interprété par l’Orchestre d’ Heliópolis, est l’illustration de notre quête musicale.
Après l’enregistrement, nous avons compris qu’un des plus grands rêves que nourrissait Sabotage, qui s’est fait assassiner en 2003, c’était qu’un orchestre joue une de ses chansons.

Qu’est-ce qui vous a le plus touché au cours de la production du film ?


La production du Professeur de violon a été intense et je n’en suis pas ressorti indemne : cela a entraîné beaucoup de nostalgie chez moi. En quelque sorte, cette immersion dans le monde musical était une manière de retrouver mes parents. Mais je ne doute pas un instant que ce qui m’a touché le plus, ç’a été de me frotter au quotidien des jeunes qui jouaient les élèves de l’orchestre. Leur détermination m’a beaucoup appris. J’ai tissé des liens d’affection et d’amitié avec certains d’entre eux et à la fin du tournage, j’étais encore plus convaincu que le vivier de jeunes talents était énorme dans ce pays. Ils ne demandent qu’à raconter leur histoire et qu’on leur donne une chance de briller.
On a d’abord commencé par tourner les scènes de Laerte avec les élèves dans la classe. La grande énergie de ces jeunes s’est communiquée sur le tournage.
Je me souviens qu’après le tournage de ces premières scènes, les jeunes avaient une semaine de congé. Avant de partir, les garçons, avec Kaique et Elzio en meneurs de groupe, se sont rassemblés autour de Lázaro pour lui demander de ne pas relâcher la pression en leur absence. J’ai observé de loin cette petite réunion et j’ai été très impressionné par leur audace et par l’humilité de Lázaro.
Ils étaient collègues. Ils étaient l’âme du film et l’histoire serait racontée avec et par eux.

Comment le film dialogue-t-il avec la réalité brésilienne ?


La situation politique au Brésil a beaucoup évolué ces dernières années. Quand on s’est d’abord attelé à ce projet, il y avait une certaine euphorie dans le pays liée au changement. Les indices économiques et la forte croissance semblaient enfin indiquer que le Brésil serait en mesure d'être à la hauteur de son potentiel en devenant un territoire important dans le contexte de la mondialisation.
Ces deux dernières années, les scandales incessants liés à la corruption ont fait réapparaître ces dangereux fantômes du passé et les résultats aux dernières élections ont révélé de terribles fractures dans le pays.

Le Professeur de Violon (Tudo que Aprendemos Juntos)

Mon opinion

L'émotion est omniprésente et reste bien prégnante.

Le scénario ne s'attarde pas sur la vie des principaux protagonistes. Le réalisateur a déclaré : "le scénario final est à la croisée des chemins : un mélange de l’histoire de cette formation qu’est l’Institut Baccarelli, de la pièce Acorda Brasil  d’Antônio Ermírio de Moraes et de mes propres interrogations."

La violence, les trafics en tous genres, la misère, le manque évident d'amour et l'indifférence parentale pour ces jeunes, issus d'une favela de São Paulo, sont mis en avant. Certaines images sont cruelles, d'autres tout simplement magnifiques.

Au travers des regards, des attitudes, des positions des larmes et de la magnifique bande son, la virtuosité de Sérgio Machado évite tout écueil. Son film, est poignant, sincère, d'une profonde humanité tout en flirtant avec une certaine utopie quand il appuie sur le fait que la musique, seule, pourrait effacer toutes les injustices et les inégalités.

Et pourtant, on adhère, essentiellement grâce à au talent et au charisme de Lázaro Ramos. À ses côtés, l'ensemble des jeunes comédiens participent tous et grandement à la réussite de ce film.