À LA PESÉE !
Ce sont trois films-phares du début des années 90. Et ce sont aussi trois films d'épouvante.
À notre gauche, veuillez saluer le plus mythique de tous les vampires, le comte le plus célèbre de toute la Transylvanie. Nous avons nommé... Dracula ! Ici mis en scène par le très talentueux Francis Ford Coppola dans un film datant de 1992 (avec Gary Oldman dans le rôle-titre).
À notre droite, applaudissez un autre buveur de sang adulé : le très blond, le très cruel, le très machiavélique Lestat, immortalisé par Tom Cruise dans le film Entretien avec un vampire de Neil Jordan, sorti en 1994 et adapté d'une fameuse saga vampirique d' Anne Rice.
Enfin, au milieu, levez les briquets pour le plus vivant de tous les morts ou le plus mort de tous les vivants, alias... la créature de Frankenstein ! Que le britannique Kenneth Brannagh imagine en 1994 sous les traits couturés de Robert de Niro.
Plus de 20 années se sont écoulées depuis la sortie de ces trois films marquants. Comment supportent-ils le passage du temps ? Lequel des trois s'en tire le mieux ? L'heure de la battle d'outre-tombe a sonné !
TIRER LE VAMPIRE PAR LA QUEUE !
On commence avec Dracula. Le film est adapté du roman de Bram Stoker qui raconte l'histoire du comte Dracula, un guerrier valeureux devenu vampire tant par rejet de l'église catholique que par désespoir face au décès de son épouse adorée. Impitoyable et revanchard, Dracula traverse les siècles dans le sang et la nuit, jusqu'au jour où, en pleine Angleterre victorienne, il tombe amoureux du sosie de sa défunte femme...
C'est Coppola qui est à la barre. Donc la réalisation est léchée, hautement esthétique, virtuose aussi. Lumières, décors, costumes, bande originale, tout est impeccable. Chaque plan ressemble à un tableau. Le souci du moindre détail est flagrant et diverses références artistiques (à Klimt notamment) jalonnent les images. Les comédiens, Gary Oldman, Anthony Hopkins, Winona Ryder, Keanu Reeves, jouent avec un tantinet de cabotinage mais non sans charisme.
Ce qui, cependant, donne un petit coup de vieux au cher comte, c'est le côté carton-pâte de l'ensemble ainsi qu'une histoire baignant, certes, dans le sang mais aussi dans l'eau de rose. Et puis il y a des lenteurs, parfois, dans le récit. Pour résumer, ce Dracula porte un magnifique habit d'or et de brocart mais, avec le temps, ce costume finit justement par l'engoncer quelque peu dans l'indolence...
SANG DESSUS-DESSOUS !
Passons maintenant à Entretien avec un vampire. L'histoire commence à San Francisco. Un journaliste reçoit les confidences d'un homme venu lui raconter sa vie. Enfin un homme, c'est vite dit... C'est en fait un vampire, du nom de Louis, dont on comprend peu à peu qu'il en a gros sur la patate. Faut dire qu'il a de quoi, le garçon. Flash-back : nous sommes à la Nouvelle-Orléans au XVIIIe siècle. Louis, jeune aristocrate, est transformé en immortel par Lestat, un vampire sadique et dénué de tout sentiment. De plus en plus horrifié par son nouvel état, dégoûté par le manque de douceur et de " pédagogie " de son créateur, Louis sombre dans la mélancolie. Et puis il rencontre Claudia, une petite fille que la peste vient de laisser orpheline...
Du sang, du sang, et encore du sang ! Dans ce film, impossible d'oublier une seconde qu'on est chez les vampires parce que ça biberonne de l'hémoglobine à chaque plan. Ce qui, cependant, est intéressant, c'est le profond travail de dépoussiérage du mythe vampirique, ici sorti de ses placards nosferatuesques et rendu plus moderne (à l'instar de ce qui sera fait à la fin des années 2000 avec les jeunes vampires de la saga Twilight dont Lestat et Louis sont un peu les précurseurs).
Comme pour Dracula, on trouve dans Entretien... une esthétique puissamment stylisée qui mêle des ambiances variées : il y a du " Pirates des mers du Sud ", du Paris Belle-Époque, du USA années 80. Le film traite avec beaucoup de sensualité (voire de lascivité) l'homosexualité latente qui caractérise tous les personnages masculins. Et si Tom Cruise en fait un poil trop dans le genre " Moi y'en a être grand méchant vampire sans pitié ", Brad Pitt à l'inverse en fait un poil pas assez dans le style " Ma vie est un enfer " ; du coup ça s'équilibre.
Donc, pour peu qu'on ne soit pas du genre à tourner de l'œil à la moindre goutte de sang, et pour peu aussi qu'on s'accommode du fait que le film a quand même pour cible une population plutôt teen-age, le spectacle reste plaisant, même 22 ans après sa sortie.
EN TOUT BIEN TOUTE HORREUR !
Et puis enfin, on en vient au Frankenstein de Brannagh. Les précédentes adaptations (celles avec Boris Karloff) avaient choisi de " contemporainiser " l'histoire et de faire de Victor Frankenstein une espèce de savant fou complètement hystérique. Brannagh, au contraire, revient au plus près du roman initial de Mary Shelley et fait de Frankenstein un héros de tragédie grecque, jouet de la fatalité aussi bien que de son propre entêtement.
1793 : un jeune savant genevois du nom de Victor Frankenstein se refuse à accepter l'idée de la mort et décide, pour lutter contre elle, de recréer un être vivant à partir de morceaux de cadavres humains. Porté par sa folie intérieure, il donne ainsi naissance à une créature aussi monstrueuse que surpuissante. Réalisant alors la portée de son acte, Frankenstein décide de s'en débarrasser. Mais la créature survit, et n'est plus animée que par une seule obsession : se venger de son créateur...
Alors oui, certaines séquences ont un peu vieilli (celles dans la banquise notamment). Oui, les acteurs surjouent plus qu'ils ne jouent. Oui, l'ultra-virtuosité de Brannagh devient parfois du démonstrationnisme. Mais bon sang, quel film ! Les plans-séquences sont juste vertigineux, la caméra semble n'avoir aucune limite d'espace, les scènes s'enchaînent sans aucun temps mort, on est emporté au gré des émotions et des chocs visuels qu'on se prend dans les dents d'un bout à l'autre du film. La scène de la création du monstre est un des moments-clés du film et elle est absolument parfaite.
Là où Dracula et Entretien avec un vampire nous maintiennent purs spectateurs de l'histoire qu'ils nous racontent, Frankenstein nous plonge dans les viscères de ses personnages, il nous saisit aux tripes et ne nous lâche que lorsque le générique de fin apparaît. On se prend des baffes émotionnelles tout du long : espoir, sensualité, horreur, tristesse, rires, larmes, tout y est et tout s'emmêle pour faire de ce film un tableau flamboyant qui, comme un grand vin, vieillit admirablement bien et démontre à chaque fois le talent d'un réalisateur en pleine maîtrise de son art et de son sujet...
POUR LES FLEMMARDS : Vous l'aurez compris, notre préférence va largement au film de Brannagh. Par conséquent, si vous avez la flemme de les revoir les trois et si, comme le dirait Highlander : " Il ne peut en rester qu'un ! ", c'est de notre point de vue Frankenstein qui doit être celui-là !
Catégories : CLASH
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