Comme chaque année, l’été est la période – notamment aux Etats-Unis – où les networks expérimentent. Leurs séries majeures se sont terminées, le soleil arrive et il faut trouver une série suffisamment originale et puissante pour pousser les spectateurs à rester devant leur poste de télévision le dimanche soir. Si l’été dernier, HBO nous laissait dans le doute avec la seconde saison de True Detective (on lui avait préféré Mr Robot), on retient bien plus The Leftovers dont la première saison nous avait scotchés et abasourdis. Si la seconde saison a pris son temps, cet été laisse sa place à une nouvelle mini-série, reprenant la case horaire tenue par Game of Thrones : The Night of.
Synopsis : Naz se réveille un matin aux côtés d’une femme décédée. Inculpé, il est défendu par un avocat bon marché mais tenace
Le pitch est alléchant, et l’équipe en charge de la création de la série impressionnante : James Gandolfini eut longtemps à cœur cette série, et elle prend finalement ses formes sous la plume de Richard Price (à qui l’on doit The Wire) et la caméra de Steven Zaillian (scénariste de La Liste de Schindler). John Turturro joue le rôle de cet avocat si particulier, et le jeune Riz Ahmed celui du héros.
Soyons concis : The Night Of est une série magistrale. Dès son pilote, on est emporté dans un New York plus réaliste que jamais. À l’instar de ses « sœurs » American Crime Story et American Crime – qui, elles aussi, suivent le récit d’un procès dans une Amérique déchirée -, The Night of met l’accent sur le détail, sur la précision. Dès lors, la série se pare d’un rythme qui lui est totalement propre : à la fois très lente, cynique et douce, la série nous fait vivre la dure vie de Nasir Khan, tueur présumé d’une jeune femme. Mini-série jusqu’à ce que HBO décide de lui octroyer une seconde saison (qui devrait, logiquement, suivre une toute autre histoire, principe de l’anthologie), The Night of se construit sur 8 épisodes d’une heure chacun. Comme Vinyle en février dernier, le pilote se voit allongé et possède ici une durée de 1h20, lui permettant de s’installer tranquillement tout en mettant en place les enjeux.
The Night Of, c’est donc tout autant le récit de ce jeune homme injustement prisonnier qu’une virulente critique de la société américaine. À l’heure où nous écrivons ces lignes, 2 américains se sont fait tués pour l’unique raison de leur couleur de peau. L’injustice et la discorde n’ont jamais été aussi présentes que dans la société américaine en ce moment. La série réussit avec une véritable virtuosité à cristalliser ce sentiment terrible. À travers les yeux de ce jeune américain d’origine pakistanaise, on suit le déroulé d’un procès « à l’américaine », où l’on est présumé coupable avant que l’avocat prouve le contraire (l’opposé du système français, où l’on est présumé innocent). Cette ambiance, très sombre, très réaliste, est possible grâce notamment à l’écriture et à la mise en scène de la série.
On retrouve dans The Night Of la pointe de cynisme qu’on retrouvait dans The Wire. Richard Price réussit, avec Steven Zaillian, à rendre crédible et très réaliste cette intrigue. Les personnages sont parfaitement écrits, au point même que durant l’intégralité du pilote le spectateur se retrouve dans la peau du personnage de Nasir. Je me suis personnellement identifié à son point de vue, à ses choix, à presque chacune de ses décisions. Ce travail sur l’écriture rend crédible et cohérent la série. Mais tout passe bien évidemment par les interprétations des acteurs, et par la manière dont ils donnent vie à leur personnage. Et de ce côté, c’est encore une réussite ! John Turturro donne à son personnage une douceur et une beauté enivrante, on ressent immédiatement énormément d’empathie envers cet avocat « misérable », dont la carrière semble identique à sa vie : morose. Riz Ahmed, qui interprète le personnage principal, donne une véritable psychologie à son personnage tandis que Bill Camp donne vie à son personnage de flic torturé.
En conclusion, The Night Of brille par sa fraîcheur et son originalité. Malgré une année déjà riche en (très) bonnes séries narrant des procès, The Night Of se démarque par une écriture puissante, tirant de la lenteur et du détail une énergie et un rythme sans égal, parfaitement en accord avec son sujet. Une mini-série exceptionnelle, qu’il ne faudrait surtout pas rater. D’autant qu’elle est à retrouver tous les lundis dès le 11 juillet sur OCS à 20h40.
The Night Of est la nouvelle prouesse d’HBO. Une fable sur l’inégalité du système américain, magnifiée par une mise en scène portée sur le détail, et une écriture très juste.