Premiere etape : le theme

Si le titre de cet article propose le thème comme première étape d’un projet d’écriture, ce n’est pas parce qu’il est doté d’une autorité divine sur le script.

Il est en fait la première étape de la réflexion devant un scénario à naître.
Thème vient de Thémis, la déesse qui personnifie la loi, l’ordre et la justice (dans le sens d’équité).

Chaque histoire a un thème

Il est impossible d’en écrire une sans avoir un thème. Ce serait comme entretenir une idée à propos de rien.
Un thème cependant est une abstraction et on n’écrit pas un scénario en montrant une abstraction.

Cette abstraction est un principe, une maxime, une loi universelle, une vérité (souvent relative à l’auteur). Ce pourrait même être un préjugé fort et néfaste.

Ce qui est sur la page est visuel et viscéral

Les auteurs écrivent des histoires. Ils n’écrivent pas des thèmes. Ce que les mots déterminent sur la page est visuel et viscéral. Le lecteur imagine les scènes et ressent les émotions dans son corps. Il fait une expérience de lecture.

Lire à ce sujet :
MIEUX ECRIRE UN SCENARIO : EMOTION
EMOTIONS

Ce que l’auteur écrit jaillit de son conscient et de son inconscient. Puis à un moment donné du processus, d’une façon peut-être sournoise mais du moins mystérieuse, le thème émerge.

Une idée et son contraire

Un thème peut condenser une idée et la cristalliser. Mais pour faire un bon argument (donc écrire une histoire et ne pas faire de propagande), il est bon d’exposer aussi son contraire.

Lire à ce sujet :
THEME & ARGUMENTATION MORALE

LE THEME : ARGUMENTATION MORALE (1)
LE THEME : ARGUMENTATION MORALE (2)
LE THEME : ARGUMENTATION MORALE (3)

COMMENT CREER DES ARGUMENTS CONTRAIRES

Un thème s’accommode de toute approche. Par exemple, le salaire du péché pour Faust est la mort et le supplice éternel des enfers mais pour Federico Fellini, c’est La Dolce Vita.

Un thème provocant

Il est préférable de ne pas jouer la simplicité dans le thème à explorer. Des thèmes comme le pouvoir corromps ou l’amour est aveugle manquent d’une véritable signification.

Des thèmes plus universels sont autrement significatifs. Et peut-être même comme l’a compris Joseph Campbell que le thème mythique et éternel de toute histoire est la recherche incessante du sens de notre vie.

Mais notre humanité est complexe. La vie emporte avec elle de nombreux thèmes.
Une fiction qui par sa nature imite la vie a alors à sa disposition le même choix.

Cinq pièces faciles

de Carole Eastman et Bob Rafelson, nous montre une scène dans un café où Robert commande un plat tout simple. Tout ce qu’il veut cependant, c’est des toasts avec son petit déjeuner. Mais ce n’est pas prévu à la carte et la serveuse n’autorise aucune substitution.
Il commande alors un poulet salade avec toast, lui dit qu’il paiera le sandwich mais ne veut pas du poulet. Devant l’intransigeance et le manque d’imagination de la serveuse, la situation monte en tension et Robert et ses compagnons sont jetés dehors.

Le thème de Cinq pièces faciles est la recherche d’identité. Et cette scène amusante n’en est pas pour autant innocente. Elle est intégrale au thème et symbolique d’un homme qui se noie dans le quotidien prosaïque de sa vie. Partout où il se trouve, il est totalement hors de son élément.

Cette identité à laquelle aspire Robert est d’aller à la rencontre d’un père dont l’amour ne lui a jamais été donné. Robert est nourri de frustrations et de désespoir, perdu dans un monde lunatique d’inflexibilité et d’incompréhensions. Cette serveuse insensible et stricte incarne précisément cela.

Le thème est rarement immédiat

D’abord, votre thème initial (si tant est qu’il y en est un) peut changer au cours du processus d’écriture. De nouvelles idées, de nouvelles perspectives peuvent faire jour et qui exigent un examen de la part de l’auteur.

Dans les premières heures du processus, le thème peut être difficile à cerner mais tôt ou tard, il finira par émerger.
Habituellement, cette émergence du thème se produira au milieu du premier acte. Du moins, il vous semblera le reconnaître. Cette vérité sera encore imparfaite d’autant plus qu’il y a rarement un seul thème à l’œuvre.

Une origine mythique

La plupart des thèmes ramenés à leurs fondements irréductibles prennent racine dans les mythes archétypaux de l’humanité.
Ce sont les contes, légendes, mythes universels et intemporels.

En conclusion :

Le thème (ou la multiplicité des thèmes à l’intérieur de l’histoire) est la force tranquille qui fait avancer l’intrigue.
Le contenu des scènes les plus importantes est façonné autour du sujet de l’histoire. Le thème et le personnage principal sont inévitablement liés. C’est une des conditions pour que le lecteur reste engagé dans l’histoire.

Tout comme nous, nos personnages se définissent par ce qu’ils disent, les décisions qu’ils prennent et les actions qu’ils font. Si un événement ou une décision d’un personnage apparaît avoir été inclus par commodité avec l’intrigue, il y a rupture et le lecteur décroche de l’histoire.

Dans un scénario, une scène prépare l’action de la suivante. Que ce soit une adaptation ou non, chaque événement narratif est le substrat sur lequel un événement ultérieur prend naissance.
C’est en cela que l’action dramatique peut se résumer à :
A cause de ceci, cela s’est produit…

Alors que dans la vie réelle, on peut émettre l’hypothèse qu’un événement est probable si certaines conditions sont réunies, l’art scénaristique impose une nécessité.
Et chaque scène ou événement détermine la nécessité d’une autre scène ou d’un autre événement.

Cette nécessité du principe de causalité est commandée par le thème.
Et le thème consiste à se demander ce que l’on cherche à dire.

Une scène existe parce qu’elle véhicule le thème (ou l’un des thèmes) de l’histoire. Lorsque ce qu’il se passe dans une fiction est lié au thème, le lecteur est enclin à s’y abandonner (par empathie la plupart du temps). Il n’est pas repoussé par des incohérences.

Un texte sous-jacent

Cette immersion n’est cependant possible que si le thème reste caché. C’est ainsi que le texte sous-jacent devient l’allié du thème.

Si le thème est ouvertement montré pilotant l’action, l’inévitabilité (c’est-à-dire la nécessité de la cause à tout effet) devient prévisible.
Et les scènes deviennent artificielles.

Et lorsque le thème est trop intimement lié au personnage principal, celui-ci devient schématique, sans profondeur, un stéréotype.

Même dans les dialogues, le thème doit être détourné. En fait, il devrait être compris par le lecteur par rétrospection. Il ne devrait jamais être évident.
Il peut être induit  de l’observation des événements narrés ou bien le lecteur peut déduire le thème une fois qu’il a lu en entier le scénario.

Une fiction multithématique

Alors qu’un protagoniste n’a qu’un seul but dans une histoire et qu’il fasse preuve d’obstination pour l’atteindre, il n’en est pas de même pour l’histoire.

Une histoire exprime plusieurs thèmes. C’est d’ailleurs évident dans les séries. C’est ce qui lui apporte de la richesse et des personnages complexes.

Une fiction est composée de forces variées qui interagissent entre elles.
Il existe une dynamique semblable entre les différents thèmes exprimés dans une histoire. C’est une dynamique qui boue sous la surface de la fiction.

Lorsque finalement, tout se rejoint, il se produit une catharsis, une libération.