Avec : Lou Castel, Paola Pitagora, Marino Mase
Sortie : 13 juillet 2016 (version restaurée)
Durée: 1h45
Budget: /
Distributeur : Ad Vitam
Synopsis :
Souffrant d’épilepsie, le jeune Alessandro s’est, petit à petit, enfermé dans son monde. Perdu dans l’admiration qu’il a pour son frère Augusto, qui rêve d’épouser Lucia, et pour se donner le sentiment de dominer son destin, Alessandro entreprend de détruire le carcan familial.
4/5
À la dernière Quinzaine des réalisateurs, le réalisateur Marco Bellocchio marquait la Croisette avec Fais de beaux rêves, dans lequel figure l’actrice Bérénice Bejo. Pour faire patienter ceux qui n’ont pas pu assister aux séances de reprise du film avant sa sortie en décembre, ou bien ceux qui n’ont pas pu découvrir toutes les œuvres du cinéaste, Ad Vitam distribue une version restaurée en 4K de son premier long métrage : Les Poings dans les poches. Trente-cinq ans après sa sortie, ce film auquel l’on reprochait de « ne pas avoir grand chose d’italien » est toujours considéré comme le chef d’œuvre de Bellocchio. Les dires sont exacts : ce film est une folie contagieuse…
Ils vivent tous ensemble dans une même maison, ils sont frères et sœurs, mère et fils, mère et fille, et pourtant… il semble que la famille d’Alessandro (Lou Castel) soit complètement désunie, tout bonnement parce que ce dernier prend plaisir à provoquer disputes, coups bas et ruptures. Mais pourquoi ? Par jalousie pour son frère Augusto (Marino Mase), prêt à se marier et à quitter le cocon familial ? Par crainte de voir son seul modèle masculin partir ? Le père est mort, la mère (Liliana Gerace) est aveugle et vieillissante (et n’est d’ailleurs jamais nommée, comme si taire son nom la poussait déjà dans la tombe – elle qui est passionnée par la nécrologie). Reste alors Giulia (Paola Pitagora), jeune femme dévouée au bien-être de sa famille, qui pourtant bascule elle-même dans la folie : elle entretient une relation presque incestueuse avec son frère Alessandro… Même leur demeure n’a rien de chaleureux. Sale, décrépie et étouffante, cette maison produit un grand malaise et un sentiment d’enfermement.
Les quelques séquences en extérieur, qu’elles soient en ville ou dans un night-club, apparaissent alors comme une respiration pour Alessandro, lui qui ferait tout pour quitter cette famille. C’est pourtant tout le contraire qui se produit, tant l’homme semble peu à l’aise à l’idée de rencontrer qui que ce soit. Mario Bellocchio fait de lui un homme seul, névrosé et malicieux, qui profite de chaque acte de bonté supposé pour y faire glisser ses mauvaises intentions : emmener la famille en balade, faire la lecture à sa mère, donner un bain à son frère, passer du temps avec sa sœur Giulia… Alessandro vit de son apparence et de ses mensonges, les mains dans les poches. Pour contenir sa rancœur et sa colère, pour mieux préparer son puissant traquenard réservé à sa famille. Ce premier film de Bellocchio, dont les images sont sublimées par cette restauration, est d’une très grande efficacité. La colère et ses manifestations, l’arrogance et la violence gagnent l’image par le beau jeu de Lou Castel, dont le personnage part pour une course folle à l’issue tragique – inévitable tant ce personnage est incontrôlable. Une course qui ne laissera pas non plus le spectateur indemne…
Les Poings dans les poches est une tragédie obscure et morbide : une course à la mort dérangeante, où tous les participants ont leur propre grain de folie. Un premier film à suspense remarquable.