Tokyo Gore Police (Tokyo is burning)

Par Olivier Walmacq

Genre : horreur, gore, trash (interdit aux - 16 ans)
Année : 2008
Durée : 1h50

Synopsis : Une flic intégrée à un groupe de barjots traque les pires mutants qui pullulent sur terre. Derrière ce phénomène se cache un savant fou fanatique d'expériences en tout genre

La critique :

Le cinéma trash et le manga asiatique, voilà deux univers appelés à se rencontrer et (éventuellement) à triompher par le biais de la vidéo. Preuve en est avec toute une pléthore de productions gores et grandiloquentes. Que ce soit Meatball Machine (Yudai Yumaguchi, 2005), The Machine Girl (Noboru Iguchi, 2008), ou encore Vampire Girl vs Frankenstein Girl (Yoshihiro Nishimura et Naoyuki Tomomatsu, 2009), tous ces films sont destinés à flagorner un public en quête de sensations fortes.
Le concept est de facture conventionnelle et plonge généralement le spectateur dans un univers cyberpunk, en guerre contre le crime et se situant dans une capitale japonaise (donc Tokyo) en plein marasme. C'est par exemple le cas de Tokyo Gore Police, réalisé par un certain Yoshihiro Nishimura en 2008.

Avec ce genre de production fantasque et grivoise, l'objectif n'est pas forcément d'appâter le grand public, mais plutôt de séduire des adolescents abreuvés par l'univers des mangas. Toutefois, ce genre de pellicule possède un véritable potentiel, notamment d'un point de vue lucratif. En vérité, Tokyo Gore Police est une production américano-japonaise puisque le film est le fruit de la rencontre entre deux firmes, Fever Dreams et Nikkatsu. Surtout, Tokyo Gore Police est censé répondre à une demande et plus précisément à une certaine lassitude. Après les mort-vivants et les zombies assoiffés de chair humaine, les fans du cinéma horrifique semblent se lasser des tortures-porn actuels.
Saw, Hostel et leurs nombreux succédanés n'obtiennent plus les ferveurs du public. 

Il s'agit donc de proposer une autre recette, une sorte de cocktail entre horreur science-fictionnelle et de multiples effusions sanguinaires. Une tâche qui incombe à Yoshihiro Nishimura pour la réalisation de Tokyo Gore Police. La distribution du film ne réunit pas des acteurs très connus. Seule la belle et ravissante Eihi Shiina fait figure d'exception puisque la jeune femme incarnait (déjà) l'héroïne vindicative et vénéneuse d'Audition (Takashi Miike, 2001).
Quant à Yoshihiro Nishimura, le cinéaste a déjà sévi derrière la caméra de The Machine Girl et de Meatball Machine. Si le premier film a plutôt marqué les esprits par son univers gore et potache, le second s'est taillé une réputation de navet dans les règles. Reste à savoir ce que vaut objectivement ce Tokyo Gore Police.
Réponse dans les lignes à venir. Attention, SPOILERS ! (1) Dans un Tokyo futuriste punk et décadent, une unité spéciale de la police a pour mission de traquer et d'éliminer les "Engineers" ("Les Prédateurs" dans la version française). 
Leur origine est inconnue mais ils sont la cause d'actes de violence et de meurtres dans la ville; leur particularité est que leurs blessures se changent en armes redoutables.
Nous suivons Ruka, chasseur d'Engineer, qui aura à combattre ses propres démons, tout en enquêtant sur l'origine des mutants. L'héroïne se trouvera vite confrontée à la chute du système tokyoïte, qui se retournera contre ceux qu'il est censé protéger (1). Indubitablement, on tient là une oeuvre hybride, mélangeant sans vergogne le film de samouraï, la science-fiction cyberpunk, l'univers du terrible Tetsuo (Shynia Tsukamoto, 1989), le manga et l'humour graveleux de chez Troma.

En vérité, Tokyo Gore Police ne propose pas vraiment de scénario. Le film se contente surtout de suivre les pérégrinations de son héroïne (donc Ruka). Certes, Tokyo Gore Police débute comme un simple film de vengeance pour se transmuter peu à peu en une production hétéroclite, très marquée (encore une fois) par l'univers du manga. Impossible de ne pas songer non plus à la série des Guinea Pig, en particulier à Mermaid In A Manhole (Hideshi Hino, 1988), notamment avec la présence de cette sirène dotée d'une queue oblongue et carnassière.
Clairement, Tokyo Gore Police nargue les productions horrifiques actuelles et leur réalisme cru au profit d'une action hétéromorphique, partant dans tous les sens et privilégiant les effusions sanguinaires.

Pis, le sang se transmute en véritable bain de jouvence, arrosant régulièrement le visage impavide de son héroïne. Yoshihiro Nishimura nous convie dans un trip fantasmagorique avec toute une armada de mutants difformes et aux armes acérées. Le sabre à la main, Ruka doit se colleter avec des flics retors, des humains transformés en créatures dotées de membres exponentiels et détruisant tout sur leur passage. La jeune femme exècre cette nouvelle race de mutants menaçant la paix d'un Tokyo post-nuke.
Un simulacre de scénario afin d'exploiter tout le potentiel gore de cette pellicule grivoise et outrancière. Certes, les amateurs de mangas, de science-fiction et de cinéma trash seront probablement ravis par cette production audacieuse, qui multiplie les effets gore pour mieux farder la vacuité et l'inanité de son scénario. 
Pourtant, à force de jouer l'outrance et la profusion de jets sanguinaires, Tokyo Gore Police finit par susciter une certaine lassitude. Certes, le film possède son lot de fans et d'amateurs qui y verront peut-être une métaphore sur la décadence et la paupérisation d'une société consumériste. 
Une chimère. A l'image d'un scénario anomique et protéiforme qui ne parvient jamais à transcender son sujet. Le long-métrage reste néanmoins intéressant pour son aspect organique et philanthrope, crachant sa hargne et sa vindicte contre toutes ces productions horrifiques hollywoodiennes et bienséantes. 

Note : 10.5/20

 Alice In Oliver

(1) synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Tokyo_Gore_Police