Scénariste, un métier à haut risque

Par Nathalielenoir

Croyez-le ou non, mais être scénariste peut nuire gravement à la santé, à moins bien entendu de se soigner en conséquence. Voici quelques remèdes incontournables à glisser dans votre armoire à pharmacie si vous exercez cette profession périlleuse ou comptez prochainement rejoindre nos rangs… 😉

Autant vous le dire tout de suite, si vous croisez dans les allées d’un festival, au cours d’une soirée mondaine ou sur un tournage un individu frais et dispos, l’oeil vif et le teint rose, qui se prétend scénariste, vous serez sans nul doute en présence d’un Padawan. Parce qu’au fil des mois, puis des années, d’écriture acharnée le physique de l’auteur se dégrade…

Voici huit maux chroniques dont souffrent à peu près tous les scénaristes, et comme je suis bien sympa, quelques recettes pour y remédier:

1. Fatigue

On pourrait penser que travailler à domicile est reposant: pas de trajets, de transports en commun, de collègues bruyants sur le dos… mais ceci expliquant cela, le/la scénariste débute ses journées de travail plus tôt pour les finir beaucoup plus tard que la travailleur lambda. Aucun moyen d’y couper, dès qu’il se lève et qu’il transite dans son logement, il a son bureau sous le nez (ou c’est tout comme), vibrant rappel à tout le travail laissé en suspend. N’oublions pas non plus qu’il subit le cruel désavantage de personnifier « celui qui bosse à domicile » = « qui ne bosse pas » aux yeux du reste du monde, conjoint(e) inclus(e), à savoir qu’il lui incombe de gérer gamins, lessives, ménages, courses, animaux de compagnie, appels de la belle-mère, démarches administratives, travaux, j’en passe et des meilleures. En clair, pour peu qu’il/elle soit pourvu(e) d’obligations familiales, le/la scénariste cumule deux journées et demi de travail en une.

Et n’allez surtout pas évoquer devant lui/elle la perspective de vacances prochaines. Le/la scénariste DÉTESTE prendre des vacances, les vacances c’est le MAL, d’ailleurs le/la scénariste ne prend JAMAIS de vacances, il/elle fait juste semblant pour préserver l’harmonie familiale.

Du coup le/la scénariste fait un peu peine à voir: teint de papier mâché, cernes, allure cadavérique. A noter que la scénariste possède en ce domaine un avantage considérable sur ses confrères de sexe masculin: un bon maquillage qui peut la dé-zombifier sur le champ (je ne vous raconte même pas combien de fonds de teint/anticernes j’ai testé à ce jour, ce serait indécent).

A quoi reconnait-on qu’un (e) scénariste est vraiment au bout du rouleau? Certains symptômes doivent être considérés comme alarmants. Je ne vous parle pas de simples bâillements en cascade ou de l’incontournable « coup de pompe de 10 heures » (forcément quand on bosse déjà depuis quatre ou cinq heures…) hein, mais de signes nettement plus inquiétants du genre déficit de la mémoire à court terme:

  • oublier de se faire à manger
  • oublier d’étendre ce p… de linge qui moisit dans la machine
  • penser à se préparer à manger MAIS oublier la casserole sur la plaque allumée
  • se rappeler un rendez-vous important avec un producteur une heure avant, alors qu’on n’est pas préparé(e) et qu’on habite à l’autre bout de la capitale
  • oublier d’aller chercher les gosses à l’école

Pas la peine de vous moquer, que ceux ou celles de mes confrères à qui ce n’est jamais arrivé me jettent la première pierre! 😉 Parlons plutôt des remèdes un tant soit peu naturels (non pas de caféine à outrance ou de substance illicite) et réalistes (faire une sieste ou lever le pied c’est carrément de la SF) qui permettent de lutter contre ce fléau. Toute l’astuce consiste à combler les carences, je vous conseille de consommer à outrance:

  • chocolat archi noir (70% de cacao minimum) pour le fer et le magnésium (et le moral!)
  • noisettes, amandes et abricots secs pour le fer
  • bananes pour le potassium
  • cure d’acérola pour la vitamine C

Non désolée, alcool, bombecs et cigarettes ne font PAS partie des remèdes préconisés (écrit-elle la main plongée dans un énorme sachet de M&M’s)…

2. Stress

Bon sur ce chapitre, je ne vais vraiment pas faire la maline parce que je suis très loin d’avoir trouvé la solution miracle. Cumul des projets, deadlinite aiguë, co-scénaristes psychotiques et bagarreurs, séances de pitch musclées, relations professionnelles à géométrie variable, incertitudes financières, gamins, banquiers, belles-mères… le/la scénariste est soumis au stress à haute dose et il est difficile de le gérer au quotidien.

Outre le chocolat précédemment cité et l’abolition de toute substance excitante, je le soigne en ce qui me concerne en écoutant de la musique. J’ai trouvé une autre bouffée d’oxygène quotidienne en échangeant, tchatant, ricanant avec quelques consoeurs et confrères (que j’embrasse s’ils lisent ces lignes) via divers réseaux sociaux, notamment Facebook, cette formidable machine à café virtuelle. Ça fait un bien fou de partager son quotidien de travail avec ses semblables, de rire de nos petits malheurs, de se serrer les coudes face à l’adversité… 🙂


3. Mal de dos

Aie! Alors ça c’est carrément l’hor-reur, surtout quand on n’a pas le temps (ou les moyens) de s’offrir fauteuil ergonomique, balnéothérapie et massages. Qu’on se le dise: les scénaristes font les beaux jours des kiné et chiropracteurs (Vous avez déjà essayé? C’est un peu effrayant mais c’est génial) mais il existe quelques remèdes moins chronophages et onéreux qui font une sacrée différence:

  • bien s’étirer, à raison de plusieurs séances quotidiennes
  • essayer de bien se tenir sur sa chaise
  • le tai-chi (le yoga quoi qu’on en pense est déconseillé aux dos fragiles)

Et une fois que le mal est fait me direz vous? Et bien bouillotte et Synthol sont vos amis, ce dernier existant même en patchs assez pratiques. Pour les torticolis (sic!), je vous recommande également le coussin de noyaux de cerise. Figurez-vous que c’est ma belle-mère qui m’a filé le tuyau et franchement c’est efficace (mais ça sent bizarre en revanche).


4. Fatigue oculaire

Ou comment devoir porter ses lunettes de soleil pour utiliser un ordinateur, même sans gueule de bois, pffff. Ben oui, dix à douze heures quotidiennes planté(e) devant un écran, c’est très agressif pour les mirettes. N’empêche que malgré les bésicles en question, j’ai quand même les yeux explosés en fin de journée. Heureusement j’ai trouvé le remède miracle ou presque, à savoir les gouttes bleues d’Innoxa. Sérieusement, ça marche!


5. Migraine

Aie bis! La seule chose à faire, il me semble, mis à part se ruer sur un anti-douleur, c’est d’anticiper la crise en supprimant au possible les facteurs déclenchant en:

  • virant de son bureau tout empêcheur de bosser en rond potentiel (conjoint(e), enfants, chats, chiens, belle-mère, poissons rouges…)
  • filtrant certains appels pendant ses heures de travail (copains chômeurs, dépressifs et bavards, démarcheurs, belle-mère…)
  • se forçant à s’aérer régulièrement, j’entends par là sortir de chez soi et pas juste mettre le bout du nez à sa fenêtre
Vous pouvez aussi essayer l’huile essentielle de menthe poivrée et le chocolat noir (et une excuse supplémentaire, une!) mais ça ne fonctionne qu’en cas de douleur légère.

6. Blessures narcissiques

Elles sont hélas très nombreuses, tant le/la scénariste est un petit être sensible et tant son entourage peut manquer de tact, sans compter l’aspect fluctuant de sa carrière, le peu de considération de certains de ses collaborateurs et la féroce légende urbaine qui prétend qu’il/elle n’exerce même pas un vrai métier!

Si je compatis avec ces douleurs, je ne peux que vous recommander:

  1. de vous y habituer car elles font partie intégrante de notre métier
  2. d’apprendre à mieux gérer la critique car vos interlocuteurs n’auront pas tort en permanence
  3. d’éviter à tout prix de parler de vos projets à votre entourage, inutile de tendre la corde pour se faire prendre…
  4. de renforcer de toute urgence votre confiance en vous et en votre travail
  5. de préserver tant que possible votre amour pour ce métier en développant des projets personnels, même si ce n’est que pour le fun, un p’tit spec et ça repart!

7. Flémingite aiguë

Ayant déjà intégralement consacré une édition de cette chronique à la procrastination, je me contenterai d’ajouter que c’est sans doute un mal nécessaire… 😉

8. Tics et TOC

J’ai la faiblesse de croire, et les témoignages de mes confrères me confortent dans cette opinion, que les petits rituels et manies d’auteurs, loin de leur nuire développent au contraire leur productivité. Et puis ils ont l’avantage de bien faire rire leur entourage aux yeux duquel ils n’en sont que plus attachants/adorables/sympathiques. Ah non? Merde…

Oui, ils sont finalement rigolos tous ces petits rituels quotidiens, à condition toutefois de ne pas masquer de grosses phobies. Tâchez de museler vos angoisses les plus profondes de peur qu’elles virent à la paranoïa!

Glamour la vie d’un(e) scénariste, euh comment dire? Jeunes Padawans, désolée de casser le mythe, les Jedis, quel que soit leur profil psychologique, se reconnaîtront sans nul doute dans cet inventaire bobologique…

Trousse de secours à l’usage du scénariste :

PS: je précise à l’usage des Trolls qui parcourront ces lignes que cette chronique a vocation humoristique, j’adoooore mon métier, smile!

Copyright©Nathalie Lenoir 2016