L'Olivier (El Olivo)

Date de sortie 13 juillet 2016

L'Olivier


Réalisé par Icíar Bollaín


Avec Anna Castillo, Javier Gutiérrez, Pep Ambrós,

Manuel Cucala, Miguel Ángel Aladren, Carme Pla

Titre original El Olivo


Genre Comédie dramatique


Production Espagnole, Allemande

Synopsis

Alma (Anna Castillo), jeune femme engagée, reprend l’exploitation agricole de son grand père Ramón (Manuel Cucala).

Ce dernier a été contraint de vendre son olivier millénaire à une multinationale et ne s’en est jamais remis. Alma décide de renverser l’ordre établi et remonte la piste de cet arbre unique, dernier ancrage dans ses terres familiales.

Ce voyage rocambolesque l’amène au coeur d’un combat de David contre Goliath.

L'olivier

Icíar Bollaín, réalisatrice, née à Madrid est aussi comédienne


En 1995, Hola, ¿estás sola? est le premier long-métrage qu’elle écrit et réalise. Pour ce film elle est récompensée, lors de la 40ème Semaine Internationale de Cinéma de Valladolid, par le Prix du Meilleur Réalisateur, le Prix du Public ainsi que la Mention Spéciale du Jury de la Jeunesse.
Son deuxième long-métrage, Flores de Otro Mundo, sélectionné en 1999 au Festival de Cannes obtient le Grand Prix de la Semaine Internationale de la Critique.
Ne dis rien (Te doy mis ojos), son troisième long-métrage qui avait pour thème la violence conjugale, a rencontré un énorme succès lors de sa sortie en Espagne. C’était la première fois qu’était ainsi abordé par le biais de la fiction, un phénomène social qui frappe l’Espagne plus que tout autre pays européen.
Mataharis, son quatrième long métrage a été nommé pour 2 Goyas.
Même la pluie (También la lluvia) a été présenté au Festival de Toronto en 2010 et a fait l’ouverture de la 55ème Semaine Internationale de Cinéma de Valladolid. C’est par ailleurs le film qu’a choisi l’Espagne dans la course à l’Oscar du Meilleur Film Etranger.

 

Autour du film, par Icíar Bollaín.


Aux origines de la fiction, la réalité d’un drame écologique.


Paul Laverty avait été marqué par la lecture d’un article dans El Pais, racontant l’histoire d’oliviers millénaires déracinés puis envoyés au nord de l’Europe. Pour lui ce phénomène synthétisait une tendance plus globale. Dans certains pays comme la France ou la Chine, il est interdit de déraciner ces oliviers, donc ils doivent les importer !

L'Olivier (El olivo)

Ces arbres âgés de près de 2 000 ans devenaient des produits de luxe pour les villas de France, de Chine, du Moyen-Orient ou d’Europe du nord… C’était la métaphore d’une époque où l’on spolie la nature, en la transformant, en la bétonnant, dans une logique à court-terme qui conduit à des désastres, humains et écologique.


Avoir 20 ans dans un monde en crise.


L’Espagne comme beaucoup de pays européens a traversé, ces dernières années, une récession
économique sans précédent : début 2008, une crise immobilière suivie à l’automne de la même année d’une crise financière puis en 2012 d’une crise bancaire. Personne n’a été épargné. C’est dans ce contexte précaire que s’inscrit le film. Mon personnage principal est une jeune femme d’une vingtaine d’années, j’avais envie de questionner cette génération perdue, frappée de plein fouet par la crise.
Comment cette jeunesse envisage-t-elle l’avenir ? Comment répond-t-elle à la corruption et à la défiance envers les élites et les institutions ? Comment, en ayant grandi en pleine récession, perçoit-elle le gouvernement et ses représentants ?
Alma a 20 ans et incarne cette génération laminée par le chômage et la précarité. Elle a hérité d’un pays en ruine, de terres vendues, achetées et revendues par des spéculateurs, d’un paysage transformé par des constructions, restant souvent inachevées.

Alma.


Le Bajo Maestrazgo, la région où nous avons tourné, est un territoire entre terre et mer, entre modernité et tradition, à la fois urbain et rural. Nombre des amis d’Alma ont dû quitter la région voire le pays en quête d’une vie meilleure. Beaucoup d’entreprises ont déposé le bilan ou ont fait faillite, la famille d’Alma n’a pas échappé à la règle.
Une exploitation d’oliviers millénaires aux troncs massifs, lentement sculptés par le temps, jouxte un élevage industriel de volailles.

L'Olivier (El Olivo)

Alma a grandi dans ces paysages.

Petite, elle se réfugiait dans les troncs de ces arbres millénaires. Aujourd’hui en conflit permanent avec son père, l’affection qu’elle voue à son grand-père en est d’autant plus forte.

Son grand-père Ramon incarne la sagesse et la confiance dans un monde qui se délite.


Et j’ai tenté de saisir la beauté de ces arbres millénaires en connexion entre Alma et son grandpère. En opposition avec un paysage moderne meurtri par des constructions inachevées en bord de mer.

Une fable sur un monde désenchanté et contrasté.


Malgré un ton et une esthétique volontairement réalistes, le film est une fable. Ce parti pris permet d’accentuer les contrastes ; de la Méditerranée aux rives du Rhin, d’un village de la côte Est espagnole à la puissance industrielle et moderne d’une ville comme Düsseldorf.
La contradiction se retrouvera dans le décalage entre la nature, incarnée par cet arbre, cet olivier millénaire déraciné, et cette multinationale qui l’a érigé en symbole marketing du développement durable et placé dans une cage de verre.
Ce contraste fait écho aux caractères des personnages ; la vitalité, l’énergie et la jeunesse d’Alma, face au silence, à la maladie de son grandpère.

L'Olivier (El Olivo)

Une nouvelle collaboration avec Paul Laverty.


Mon précédent film Même la pluie, dont Paul était le scénariste, relatait un tournage de film bouleversé par la colère des figurants indigènes exploités, luttant contre la privatisation de l’eau.


Un ré-enchantement possible du monde.

L’Olivier aborde l’espoir d’un ré-enchantement possible du monde. Apprendre à faire confiance à nouveau. À travers cette crise, au-delà de l’appauvrissement d’un pays, nous perdons quelque chose d’essentiel : l’espoir. Et c’est pourquoi, dans cette histoire, personne ne peut rester indifférent à la quête d’Alma ; entêtée à récupérer l’olivier de son grand-père. Alma est une force de la nature, capable d’inverser les courants… Ou du moins d’essayer, en embarquant avec elle d’autres personnes dans une mission impossible, presque chimérique.
Contre toute logique, Alma pressent que cet olivier peut changer les choses. L’histoire lui donnera raison. Certes elle se révélera impuissante face à la maladie de son grand-père, mais elle pourra renouer une relation forte avec son père. Se pardonner, lui pardonner, et reprendre espoir. Un début de confiance retrouvée, une nouvelle façon d’appréhender le futur.

L'Olivier (El Olivo)

Mon opinion

Un combat, celui des plus humbles, ici des amoureux de la terre nourricière, peu à peu dépouillés de leurs biens par une crise financière envahissante.

Icíar Bollaín, réalise ce film, comme une fable.

Des paysages ensoleillés de l'Andalousie profonde ou ses bords de mer dévastés par des constructions modernes, dans un total abandon aujourd'hui, le film nous entraîne vers ceux plus modernes, gris et industrialisés de Düsseldorf.

L'amour d'une jeune femme pour son grand-père paternel la poussera à toutes les folies. À tous les mensonges, aussi. L'optimisme et la détermination flirtent avec la naïveté. La réalisatrice déclare déclare: "L’Olivier aborde l’espoir d’un ré-enchantement possible du monde. Apprendre à faire confiance à nouveau. À travers cette crise, au-delà de l’appauvrissement d’un pays, nous perdons quelque chose d’essentiel : l’espoir."

Cet arbre majestueux et millénaire tient une place primordiale.  Déraciné, il trouvera avec Alma, une "force de la nature" pour reprendre les mots de la réalisatrice, une défenderesse de choix habitée par la force et la conviction de tous ceux qui tentent de s'opposer à ces multinationales sans scrupule.

Le pitch est simple, les dialogues sensibles et solides à la fois. L'interprétation sans faille aucune. L'excellent Javier Gutiérrez s'impose avec maestria face à la douce et convaincante Anna Castillo.

Un film qui atteint son but. Pousser à la réflexion et se laisser porter par la beauté des images et la musique de Pascal Gaigne.