Savoir raconter une fiction

Par William Potillion @scenarmag

Vous avez une idée dont vous avez senti le potentiel. Vous êtes prêt ou prête à vous mettre sérieusement à écrire.
Cependant, il faut aussi avoir compris certaines règles qui permettent d’écrire une fiction pour que celle-ci soit réussie.
A propos de fiction, il s’est avéré au fil du temps que certaines pratiques sont d’une aide précieuse lors de la construction d’une histoire.

Une connaissance du métier

Certes, tout le monde peut écrire. Aucune formation n’est nécessaire pour écrire. Comme tout le monde peut construire une chaise si l’envie nous en prend, on peut se lancer dans l’élaboration d’une fiction.

Mais sans les rudiments nécessaires à la construction d’une chaise, l’objet obtenu sera probablement bancal et de peu d’utilité.
C’est la même chose pour une fiction.

Il existe des principes conducteurs qui ont émergé au fil du temps, des découvertes comme la mortaise et le tenon, qui font de la fiction une œuvre plus forte, plus efficace.

Montrer et ne pas dire les choses

L’un de ces principes (surtout concernant le scénario qui est un outil destiné à un média visuel) est de montrer les traits de caractère d’un personnage.

Par exemple, si dans les didascalies, vous précisez
Elle est malhonnête
cela ne sera pas très utile pour les personnes qui vont s’emparer de votre texte pour le mettre en images.

Il est préférable de prévoir une scène où cette apparente immoralité du personnage sera démontrée. Par exemple, lorsque pour une œuvre de bienfaisance, ce personnage achète un morceau de tarte et que le jeune homme ou la jeune fille se trompe en lui rendant trop de sa monnaie, votre personnage pourrait alors ne rien dire et glisser l’argent dans son porte-monnaie sans rien dire.

Vous illustrez ainsi un trait de façon bien plus dramatique  qui marquera bien plus efficacement le lecteur.

Une simulation de la réalité

Plus que tout autre moyen, la destinée d’un scénario est de donner à voir : images, sons et dialogues sont vus.
En effet, le bruit du moteur de la voiture qui traverse l’écran est vu comme l’on voit la voiture. Les mots que prononcent un personnage nous sont donnés à voir par le comédien qui interprète ce personnage.
Je développerai probablement ces notions lorsque j’aurai fini la lecture Des Dialogues de Cinéma de Jean Samouillan.

La simulation consiste donc à donner à voir les choses et à leur conférer ainsi une apparence de la réalité. En montrant ce que fait votre personnage, vous lui donnez une dimension qui fait de ce personnage une personne réelle.

Il faut aussi se rappeler un autre principe que cet exemple suggère. Il s’agit du Chekhov’s Gun.
Le Chekhov’s Gun est un principe dramatique qui pose qu’un élément de l’histoire doit être nécessaire et irremplaçable.

Si par exemple, au cours de l’acte Un, vous montrez un fusil de chasse accroché à un mur et auquel personne ne prête attention, ce fusil devra être utilisé dans la suite de l’intrigue même s’il n’intervient qu’à la fin de l’histoire.

Chaque élément dramatique (objet ou autre) qui apparaît dans une histoire doit être justifié.

Rien que ces deux principes peuvent faire la différence entre une bonne et une mauvaise fiction.

Une écriture facilitée

Suivre les règles facilite indubitablement l’écriture. Cependant, il est possible que les règles soient faites aussi pour être brisées. Suivre scrupuleusement ce qui est établi produira probablement quelque chose de bon mais de point remarquable.

Même les plus grands auteurs malmènent quelques règles. En fin de compte, une œuvre de fiction est un tout assemblant des éléments disparates tels que des personnages, une intrigue, des dialogues, des points de vue et un thème.

La nature même d’une fiction fait disparaître ces éléments disparates. L’analyse permet de les identifier mais ce qui importe pour le lecteur, c’est de recevoir une fiction.
Quels que soient les moyens utilisés par l’auteur pour créer cette fiction.

Lire d’autres auteurs

Nous pouvons ériger en certitude que la lecture est le meilleur moyen d’apprendre. Lisez des scénarios : les genres que vous aimez ou prenez une approche plus générale.

Mais la lecture de scénarios et l’analyse que vous pourriez en faire sont les meilleurs atouts pour affiner votre propre écriture. Et vous n’avez nulle obligation de lire les meilleurs. Au contraire, cela  pourrait vous aider à comprendre pourquoi certains scénarios sont faibles.

Si un scénario vous déplaît, questionnez-vous :

  • Qu’est-ce qui manque ? pour que vous soyez satisfait.
  • Est-ce que l’intrigue n’est pas suffisamment plausible ?
  • L’histoire vous paraît-elle fade ? Pouvez-vous analyser pourquoi ?
  • Les dialogues vous semblent-ils prétentieux ?

On apprend plus d’un scénario présentant des faiblesses. Et rien ne vous interdit de ne pas aimer un titre que tout le monde apprécie.

L’idée de ces lectures de fiction est que vous parveniez à écrire ce que vous aimez lire. Tentez de comprendre pourquoi vous aimez ce que vous aimez et utilisez des techniques (voir Scenar Mag) pour vous aider à y parvenir.

Ce travail personnel sur la recherche de votre propre vérité est que vous écriviez une simulation de la réalité qui vous corresponde et non pas de sombrer dans la bassesse de l’imitation ou du plagiat.