Date de sortie 20 juillet 2016
Réalisé par Florian Gallenberger
Avec Emma Watson, Daniel Brühl, Michael Nyqvist,
Vicky Krieps, Julian Ovenden, Richenda Carey, Jeanne Werner
Genres Historique
Production Allemande, Luxembourgeoise, Française
Synopsis
Chili, 1973. Le Général Pinochet s'empare du pouvoir par la force.
Les opposants au coup d'Etat descendent dans la rue. Parmi les manifestants, un jeune couple, Daniel (Daniel Brühl), photographe et son ami Lena (Emma Watson).
Daniel est arrêté par la nouvelle police politique. Il est conduit dans un camp secret, caché dans un lieu reculé au sein d'une secte dirigée par un ancien nazi Paul Schäfer (Michael Nyqvist). Une prison dont personne n'est jamais sorti.
Pour retrouver son amant, Lena va pourtant rentrer dans la Colonia Dignidad.
Emma Watson et Daniel Brühl
Note d'intention du réalisateur, Florian Gallenberger, relevé dans le dossier de presse.
Le phénomène unique de la Colonia Dignidad - l’infâme secte allemande de Paul Schäfer au Chili - n’a cessé de m’intéresser depuis que j’en ai entendu parler il y a 30 ans. Très vite, j’ai ressenti une certaine fureur et une colère sur l’injustice faite à ces personnes innocentes qui étaient gardées captives dans la Colonie à leur insu. Aujourd’hui encore, j’ai toujours cette forte volonté de révéler au grand jour les incroyables injustices qui furent trop longtemps cachées par les Allemands aux autorités chiliennes.
Cela m’a pris plusieurs années pour trouver mon chemin dans le cercle fermé de la Colonia Dignidad. En 2009, j’ai commencé un travail lent et délicat pour gagner la confiance des anciens membres de la Colonie.
Je me suis rendu dans les cabines de douches secrètes de Paul Schäfer, là où la chorale devait chanter pendant qu’il faisait subir des sévices sexuels aux jeunes garçons. J’ai marché dans les couloirs tristement célèbres de l’hôpital, me suis assis dans le bunker de Schäfer, ai tenu son fusil et regardé les informations sur sa télévision. J’ai parlé aux victimes qui ont été torturées - des membres de la secte aussi bien que des prisonniers politiques. J’ai écouté ce qu’ils ont vécu, comment Schäfer détruisait psychologiquement ses disciples. J’ai regardé de vieux hommes pleurer de ce qu’ils avaient fait à leurs propres enfants. J’ai écouté le célèbre docteur Seewald qui fut à la tête de la clinique et qui réfute tout ce dont elle a pourtant été accusée à juste titre.
Je pense très sincèrement qu’aucune personne de l’extérieur ne s’est autant approchée que moi de ce que fut réellement la Colonia Dignidad. Mon but était de rédiger le scénario que j’ai, en effet, écrit. Après toutes ces années de recherches à creuser le sujet, j’ai compris que la Colonia Dignidad n’était rien d’autre que le simple plan d’un régime de terreur, rien d’autre qu’un micro-État de terreur. Je voulais réellement raconter cette histoire car je pense que l’exemple de ce qui est arrivé à la Colonie peut nous aider à comprendre bien plus les mécanismes de l’oppression et sur la facilité avec laquelle un groupe de personnes peut être réduit à l’esclavage.
Comme n’importe quel État totalitaire, la Colonia Dignidad avait un leader charismatique - Paul Schäfer - et un petit cercle de collaborateurs privilégiés qui dominaient et exploitaient leurs semblables. Tout cela était basé sur une doctrine bien réelle et très étrange qui était ajustée en fonction des ordres et volontés de Paul Schäfer.
Le mélange entre la politique, la religion, les abus sexuels sur enfants, l’efficacité allemande et la façade d’une communauté pieuse ont rendu la Colonia Dignidad unique et extraordinaire. C’est un phénomène visuellement puissant qui tend automatiquement à se poser la question : "Comment une telle chose est-elle possible ? "
Michael Nyqvist
Si l’on observe les faits, c’est une question légitime. Paul Schäfer, un prêtre pédophile et sadique, asservi ses fidèles de façon horrible et brutale afin d’abuser sexuellement de leurs enfants. Cela est d’ailleurs quasiment fait sous les yeux de tous et en utilisant la Bible et la religion chrétienne comme raison absurde. De plus, il trouve du soutien de la part de l’État chilien mais aussi de l’Allemagne et de l’ambassade allemande au Chili. Cette situation scandaleuse s’est déroulée sur quasiment 40 ans et personne n’a voulu ou été capable d’arrêter Schäfer. Pourquoi ?
Il n’y a pas de réponse simple à cela. La vérité réside d’une part dans la psychologie de Schäfer et de ses victimes, et d’autre part dans l’utilisation et le mécanisme de la peur qui furent très intelligemment utilisés par Schäfer. J’ai souhaité montrer ce système d’oppression, pas en l’expliquant ou en essayant de faire retirer une leçon aux spectateurs, mais plus en les emmenant dans le monde de Paul Schäfer, dans la Colonia Dignidad, et en les laissant ressentir la peur et la cruauté de ce système. C’est ainsi que la véritable morale de l’histoire ressortira.
Florian Gallenberger est réalisateur, scénariste, producteur et l’un des rares lauréats allemands d’un Oscar.
Né à Munich en 1972. De 1992 à 1998 il étudie à la très renommée Université de la Télévision et du Film de Munich. Il fut co-scénariste et réalisateur du film de fin d’étude de Wim Wenders, Die Gebrüder Skladanowsky (Les lumières de Berlin), qui reçut le prix du Meilleur Documentaire au Festival du Film de Montréal.
En 1997, Florian Gallenberger et son ami étudiant German Kral réalisent le court métrage Tango Berlin qui fut présenté au Festival de Venise et reçut le prix du Meilleur Réalisateur à Bucarest. Florian Gallenberger reçoit le prix d’honneur du Film Étranger aux Student Academy Awards puis l’Oscar du Meilleur Court Métrage pour Quiero Ser qui fut tourné au Mexique.
En 2004, le premier long métrage de réalisateur est le film Shadows of time, produit par Helmut Dietl et tourné en Inde, qui reçut le prix du Meilleur Réalisateur aux Bavarian Film Awards. Son deuxième long métrage est le film John Rabe qui fut tourné en Chine. Avec l’acteur Ulrich Tukur, l’avant-première de ce drame historique eut lieu au Festival du Film de Berlin et le film reçut deux Bavarian Film Awards et quatre German Film Awards (dont celui du Meilleur Film).
En 2014, Florian Gallenberger produit (avec l’aide du producteur de Colonia, Benjamin Herrmann) la tragicomédie de Christian Zübert Tour de Force, avec l’acteur Florian David Fitz. En parallèle de son travail sur les films, Florian Gallenberger est professeur à la Munich Film School. De 2010 à 2012, Benjamin Herrmann et lui sont des creative directors de la cérémonie des German Film Award
Extraits d'interview entre le réalisateur et Pablo Chimienti
relevés sur www.lequotidien.lu
J’aime penser que c’est parce qu’on avait un bon scénario qu’on a réussi à réunir un tel casting. Daniel Brühl fait partie du projet depuis le départ, il a des origines hispaniques et le sujet l’intéressait particulièrement. Il y a deux ans, nous avons décidé que nous voulions que le film ait une diffusion internationale et qu’il serait donc en anglais. De là, à la recherche d’une comédienne pour le principal rôle féminin, nous avons visé le plus haut possible et à travers des contacts communs, nous avons fait parvenir le scénario à Emma Watson. Elle l’a aimé. Je pense que son personnage est exactement le genre de rôle qu’elle cherchait.
C’est la première fois qu’elle joue le rôle d’une femme adulte et aussi un personnage qui fait partie d’un groupe, mais vraiment le personnage principal. Et puis elle interprète une femme forte et courageuse. Dans mon film, pour une fois, ce n’est pas un homme qui sauve une jeune femme, mais bien une femme qui part secourir son homme. C’était plus difficile de trouver le bon acteur pour Paul Schäfer. On avait Michael Nyqvist en tête, mais il était sur un autre tournage.
Nous avons donc changé tout notre planning de tournage pour qu’il puisse faire partie de l’aventure. Enfin, comme on a tourné une grande partie du film au Luxembourg, je cherchais des comédiens luxembourgeois. Je connaissais Vicky Krieps, puisqu’elle est assez connue en Allemagne – j’ignorais, par contre, qu’elle était luxembourgeoise – mais pas Jeanne Werner. Nous l’avons castée et elle était exactement le personnage qu’on cherchait.
L’histoire se déroule dans le sud du Chili, là où se trouvait la Colonia Dignidad, et, par chance, cette région est très boisée et ressemble beaucoup à l’Europe. Ce qui nous a permis de tourner une grande partie du film ici, ce qui coûte beaucoup moins cher et nous a offert la chance d’obtenir des fonds qu’on n’aurait jamais pu avoir là-bas.
On a pas mal regardé les opportunités en Allemagne, en Autriche; et puis on a discuté avec Nicolas Steil, d’Iris Productions. Il nous a fait découvrir cet incroyable musée de l’Ardoise (À Martelange) qui sert de décors à la colonie. Nous avons aussi tourné pas mal de scènes à Luxembourg, dans les casemates. C’est un super décor, on n’aurait jamais pu construire un décor comme ça. C’est comme ça que le film est devenu une coproduction germano-luxembourgeoise, puis aussi française.
Emma Watson et Florian Gallenberger
Mon opinion
Pour une diffusion internationale, le tournage s'est effectué en anglais. Pour mieux appuyer ce choix, Emma Watson est l'actrice idéale. Un récit méconnu qui aurait gagné en force dans la langue originale.
Le scénario sérieux, très documenté et parfaitement écrit est basé sur des faits réels et monstrueux. Florian Gallenberger n'hésite pas à dénoncer. À appuyer, aussi, sur le silence assourdissant des gouvernements mis en cause, ainsi que sur la corruption d'un ambassadeur.
Le réalisateur choisit la fiction, et n'évite pas quelques invraisemblances et lourdeurs. Le film démarre dans une certaine confusion par une histoire d'amour qui ne trouve pas vraiment sa place.
Un certain suspens s'impose et un acteur, Michael Nyqvist, finit par accrocher l'intérêt. La folie meurtrière de son personnage attise toutes les peurs. L'horreur du personnage, que l'on ne verra pas tomber dans le film, hante les esprits. Si le film, dédié aux victimes de Paul Schäfer, se veut divertissant, il n'en reste pas moins un formidable témoignage sur l'aveuglement de certains pour le bénéfice d'autres. Tous aussi peu recommandables.