Genre : action, espionnage
Année : 2012
Durée : 2h37
Synopsis : Le récit de la traque d'Oussama Ben Laden par une unité des forces spéciales américaines...
La critique :
La carrière cinématographique de Kathryn Bigelow démarre vers la fin des années 1970, avec un court-métrage, The Set-Up (1978). Puis, en 1982, elle réalise son tout premier long-métrage, The Loveless, avec la collaboration de Monty Montgomery. Les choses s'accélèrent en 1987 avec son second long-métrage, Aux frontières de l'Aube, un film d'horreur vampirique.
En 1991, Kathryn Bigelow connaît enfin la notoriété et la consécration avec Point Break, un film d'action réunissant Patrick Swayze et Keanu Reeves. Dès lors, la carrière cinématographique de la cinéaste connaît un tournant rédhibitoire. Le style de la réalisatrice s'affine. Désormais, Kathryn Bigelow rêve de reconnaissance, de récompenses et d'Oscars dans le petit univers hollywoodien. Impression corroborée avec son film suivant, Strange Days (1995).
Certes, le long-métrage ne remporte qu'un succès d'estime dans les salles obscures, mais le film est unanimement plébiscité par les critiques et la presse cinéma. Quinze ans plus tard, c'est avec Démineurs, un nouveau film de guerre et d'action que Kathryn Bigelow impose son univers (en l'occurrence masculin) et remporte même plusieurs prix (meilleur film et meilleur réalisateur), lors de la 82e cérémonie des Oscars. Son nouveau film, Zero Dark Thirty, sorti en 2012, est donc attendu au tournant.
D'autant plus que la réalisatrice s'attelle à un sujet difficile, la traque d'Oussama Ben Laden. Ce n'est pas la première fois que le cinéma américain s'intéresse au sujet douloureux et spinescent du 11 septembre 2001. En 2006, Oliver Stone nous avait déjà gratifié de World Trade Center, un film de propagande hollywoodienne vivement semoncé et gourmandé par les critiques, entre autres pour son caractère vénal, partial et inique.
Mais l'objectif de Kathryn Bigelow n'est pas de réaliser une sorte de gloriole envers les services secrets américains, mais d'épier et de scruter au plus près la longue traque de Ben Laden par la CIA. (1) Le titre du film correspond au code militaire indiquant l'heure du lancement de l'Operation Neptune Spear, donc zero dark thirty, soit minuit et demi. (1) Au moment de sa sortie, Zero Dark Thirty suscite les acrimonies, la polémique et les controverses, notamment pour sa dénonciation de la torture, une méthode d'interrogatoire utilisée par la CIA pour faire parler ses prisonniers en relation avec le réseau terroriste Al-Qaïda. Un pseudo scandale qui peut prêter à sourire tant la pratique de la torture est un fait avéré et déjà dénoncé dans de nombreux médias et documentaires sur le même sujet.
Zero Dark Thirty est-il réellement le film dénonciateur et courageux qu'il prétend être ? Réponse dans les lignes à venir.
En outre, Kathryn Bigelow n'est pas Costa-Gavras non plus. Zero Dark Thirty ne se situe pas dans la logique et le sillage de Z (1969) ou de L'Aveu (1970). Cependant, le film de Kathryn Bigelow ne possède pas les mêmes ambitions. La distribution du long-métrage réunit Jessica Chastain, Jason Clark, Mark Strong, Kyle Chandler, Chris Pratt, Edgar Ramirez, Taylor Kinney, Jennifer Ehle et Scott Adkins.
Attention, SPOILERS ! (2) Après les attentats du 11 septembre 2001, la CIA traque pendant près de dix années Oussama Ben Laden, le chef du réseau jihadiste Al-Qaïda, avant qu'une équipe des forces spéciales de la marines de guerre des États-Unis parvienne à l'éliminer, le 2 mai 2011 au Pakistan. La traque du chef d'Al-Qaida s'ouvre sur une scène de torture d'un terroriste indirectement impliqué dans les attentats du 11 septembre.
La torture a pour but de lui extirper des informations permettant d'empêcher un attentat déjà planifié par le réseau jihadiste et de mener le renseignement américain jusqu'au chef de ce réseau. Le terroriste finit par lâcher quelques noms de complices, notamment celui d'Abu Ahmed, le messager privé et l'agent de liaison privilégié du commanditaire des attentats de 2001. (2) Indubitablement, Zero Dark Thirty est un film ambitieux, très éloigné des dernières productions hollywoodiennes traitant (peu ou prou) du même sujet. Le but de Kathryn Bigelow est de s'approcher au maximum de la réalité et donc de faits bien réels qui ont conduit à la capture (ou plutôt au meurtre) d'Oussama Ben Laden.
De facto, Zero Dark Thirty divisera l'opinion, à défaut de réellement susciter la polémique. D'un côté, il y a ceux qui défendront (à juste titre) les qualités du film.
Elles sont nombreuses. En l'occurrence, Kathryn Bigelow a énormément besogné sur le scénario du film, via des recherches fructueuses, exhaustives et documentées, que la réalisatrice assène sur grand écran. Clairement, la cinéaste est opiniâtre et déterminée, à l'image de son protagoniste féminin (Maya), remarquablement interprété par Jessica Chastain. De surcroît, le film peut s'appuyer sur des séquences d'action solidement troussées et à couteaux tirés.
Par conséquent, difficile de répertorier Zero Dark Thirty dans un registre en particulier. Le film est un savant mélange de thriller, d'action et d'espionnage, tout en dénonçant la pratique de la torture comme méthode d'interrogatoire. On tient donc là un long-métrage visuellement et techniquement performant.
A contrario, à force de vouloir éluder et esquiver les questions politiques et idéologiques sous-jacentes à la traque de Ben Laden, Kathryn Bigelow finit par un réaliser un objet quasi obsolète. A la fin du générique, difficile de comprendre le film que l'on a entre les mains ou plutôt sous les yeux. En vérité, on pourrait qualifier Zero Dark Thirty de film documentaire et de dossier à charge contre les Etats-Unis, mais aux conséquences bénignes.
Un oxymore aux multiples écueils et corollaires, hélas préjudiciables à la qualité du film. On en revient toujours au personnage féminin, donc Maya, qui évolue par ailleurs dans un univers masculin. C'est elle le véritable Phallus du film, celle (ou celui ???) qui tance, qui rudoie, qui malmène alors que ses supérieurs hiérarchiques (essentiellement masculins) arrondissent les angles.
Toujours ce curieux oxymoron... Ou une féminité au masculin, celle qui s'est confinée dans la pruderie, la chasteté et la frigidité. A l'image du propos du film, qui brille par sa vacuité et son inanité et surtout par son absence de propos politiques et idéologiques, donnant l'impression d'un oeuvre désincarnée, certes esthétiquement soignée mais sans aucun relief.
Malgré tous ses efforts pour leurrer le spectateur, la critique et l'audimat, Zero Dark Thirty reste un film hollywoodien, toutefois supérieur à la moyenne habituelle. L'absence de parti pris, cette volonté insatiable de réaliser film impartial et objectif, le confinent paradoxalement dans ses propres limites.
Note : 13/20
(1) et (2) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Zero_Dark_Thirty