Réalisé par : Maren Ade
Avec : Peter Simonischek, Sandra Hüller, Lucy Russell
Sortie : 17 août 2016
Durée: 2h42
Budget: /
Distributeur : Haut et Court
3D: Oui – Non
Synopsis : « Quand Ines, femme d’affaire d’une grande société allemande basée à Bucarest, voit son père débarquer sans prévenir, elle ne cache pas son exaspération. Sa vie parfaitement organisée ne souffre pas le moindre désordre mais lorsque son père lui pose la question « es-tu heureuse? », son incapacité à répondre est le début d’un bouleversement profond. Ce père encombrant et dont elle a honte fait tout pour l’aider à retrouver un sens à sa vie en s’inventant un personnage : le facétieux Toni Erdmann; «
4/5
L’équipe de Pulp Movies s’est d’abord refusé d’aller voir Toni Erdmann à Cannes. Là-bas le temps est compté. Eh oui, un film de plus de 2h40 n’est pas évident à caser dans le planning. Gros regrets dès le lendemain des premières projections : les retours étaient plus qu’excellents. Les échos sont élogieux. Les avis, dithyrambiques. Sur la Croisette, la séance de rattrapage dite « séance du lendemain » est pleine à craquer. Impossible d’y mettre les pieds. Cela en dit déjà long sur le « phénomène Toni Erdmann ». A la cérémonie de clôture, tous les yeux sont rivés sur Maren Ade, le réalisateur de ce projet très risqué. La Palme d’Or du meilleur film en compétition est, selon le public et la presse, pour lui. Boum. Raté. C’est finalement Moi, Daniel Blake le grand gagnant de ce 69e Festival. Comment se fait-il que Toni Erdmann reparte bredouille ? Lui qui était presque promis à la Palme… Le film n’est-il pas aussi parfait qu’on l’entend ? Rentrés à Paris, nous avons donc voulu rattraper notre retard et en savoir plus sur ce phénomène. Nous avons ainsi vu le film!.
Le projet était risqué. Une comédie … allemande ! et longue !?
Dans quoi mettons-nous les pieds en entrant dans la salle ?
Un petit joyau. Toni Erdmann ravira le cœur des spectateurs dès le 17 août dans les cinémas. Entre véritables éclats de rire, gorges nouées et réflexions plus poussées, le public en aura pour son grade. Pourtant, la dernière réalisation de Maren Ade est loin, très loin d’être un fourre-tout mal organisé. En 2h40, tout est délicatement mis en place pour une compréhension simple du spectateur. Les personnages sont d’ailleurs vite discernables. Quelques minutes suffisent pour s’apercevoir qu’en face de nous va se dérouler un jeu du chat et de la souris entre un père et sa fille. En plus d’être de simples portraits psychologiques très bien traités, Toni Erdmann est avant tout une critique sociale.
Ce papa est un vrai mariole. Ses blagues à répétitions sont à mourir de rire, pour le spectateur. Sa fille, elle, ne semble pas partager son humour. Elle n’est pas froide, bien au contraire. Souriante et fêtarde, elle reste avant tout une femme d’affaire. Toujours les cheveux peignés et tirés, les vêtements repassés, elle donne l’apparence d’une machine à travail. L’apparence …. Voilà une notion qui pose soucis à son père, notamment lorsque sa fille n’arrive pas à répondre à la question « Es-tu vraiment heureuse ? ». Le film suit alors le parcours de deux personnes, liées par le destin depuis toujours, mais qui ne se comprennent plus.
Toni Erdmann fait de cette relation un vase fendu prêt à se briser à tout moment. Le papa, joué par Peter Simonischek, essaie de mettre de la colle pour fortifier tout cela. Mais très maladroitement. Les fissures sont parfois croissantes. L’aspect familial est d’autant plus social qu’il se place très souvent dans un cadre spatio-temporel de travail. Lui, suit sa fille au bureau pour mieux la connaitre. Elle, est un véritable objet de débat. Que pense-t-elle ? Pourquoi agit-elle ainsi ? Elle représente la femme moderne, mais sur laquelle la société à trop agit. La carrière ? C’est primordial. Etre bien vu ? C’est majeur. Plus rien ne semble exister autour de ce petit bout de femme. On ne sait pas tout de cette relation père/fille. Mais sans hésiter, il est sûr qu’ils ont perdu trop de temps. Tout rattraper est difficile. Vouloir bien faire laisse le plus souvent place à de la maladresse, à des quiproquos. Pour le public, c’est parfois à mourir de rire, parfois énervant, parfois désolant. Toujours prenant. Certains gags sont tellement énormes, dans le sens improbables et saugrenus, qu’on les accepte.
A la fois terriblement sérieux et captivant mais en même temps drôle à en avoir des éclats de rire, Toni Erdmann fait passer rapidement les 2h40 redoutées. La relation entre les deux personnages est fascinante. La question « Comment pourront-ils se comprendre, enfin ? » tient le spectateur en haleine du début à la fin. En plus de cela, les ellipses temporelles sont très bien placées. Elles sont maîtrisées. S’ajoute à cela un montage plutôt dynamique et toujours en adéquation avec les rythmes données par les personnages du film. Le tout est rendu très agréable visuellement par des luminosités toujours impeccables. Mis à part quelques longueurs peu gênantes et largement pardonnables pour une réalisation de plus de 2h40, Toni Erdmann est une comédie sociale allemande absolument réussie.
Pas de fumée sans feu, les échos de Cannes tiennent debout. Toni Erdmann est exceptionnel, au sens premier du terme. Le cinéma allemand et Maren Ade ont de quoi faire trembler la concurrence. Bravo !