L’eternelle structure en trois actes

Par William Potillion @scenarmag

Dépeinte en quelques grands coups de pinceau, une fiction fait apparaître un début, un milieu et une fin.
Bien sûr, et vous vous en êtes certainement rendu compte au fil de nos pages, il existe d’autres théories, d’autres structures.

Mais ce qu’il faut comprendre, c’est que sans un minimum de planification, votre scénario risque de se confondre avec le chaos.
Evitez de tomber dans la fausse accusation que structurer une œuvre artistique la transforme en quelque chose de mécanique et d’inflexible.
Organiser son effort artistique ne peut que le rendre meilleur.

Une vue d’ensemble du concept

Une structure vous permet d’imaginer votre scénario sans entrer dans les détails. Elle vous indique où se trouve le début, le milieu et la fin de votre histoire.
C’est réellement un plan qui vous permet de savoir où vous allez. Elle vous permet de découvrir toutes les options possibles avant de vous lancer dans le processus d’écriture proprement dit.

Un processus qui s’avérera une perte de temps si vous n’avez pas planifié votre projet au préalable.
Et somme toute, cela ne s’applique pas seulement à l’écriture de scénario.

Un besoin de cohérence

C’est un des principaux avantages de structurer une fiction. Concrètement, vous décrivez les grandes étapes, les grands mouvements, les grandes articulations, les grands événements sur le papier.
A cette étape, il n’est pas encore utile de créer une liste des scènes. Pour l’instant, nous cherchons à obtenir une vision d’ensemble de l’histoire.

Cette perspective vue d’en-haut permet de sentir les connections indispensables entre tous les éléments dramatiques composant l’œuvre.

C’est ainsi qu’il serait illogique de commencer par écrire l’enchaînement des scènes (connu aussi sous le terme de traitement).
Pour être cohérent, ce traitement doit être soutenu par une ossature. C’est-à-dire, une structure.

Bassement matériel, le nombre de pages

Lorsqu’il est respecté, le format pour écrire un scénario permet de faire correspondre une page à une minute de film (à quelques secondes près, évidemment).

Que vous écriviez un court-métrage ou quelque chose de plus long, il y a une attitude qu’il faudrait emprunter.
Et c’est de toujours tenter de faire l’économie de pages. Il faut s’assurer que toutes les scènes qui figureront dans un scénario soient vraiment indispensables.

Il faut aussi tenter d’aller à l’essentiel dans une scène. Nous avons créé une catégorie pour les scènes : nous vous en conseillons la lecture ICI.

La raison majeure d’une telle économie de pages est qu’elle donne davantage de chances à votre scénario d’être considéré.

Après le synopsis, le traitement

Concrètement encore : le synopsis vous a permis de mettre en évidence une structure. Disons que vous savez comment votre histoire s’articulera.

Nous vous conseillons la lecture de 
COMMENT ECRIRE SON ROMAN ETAPE PAR ETAPE
de Melanie Anne Phillips pour avoir une idée assez précise sur la façon d’écrire un synopsis.

Après le synopsis, vous allez arranger vos scènes entre les actes Un, Deux et Trois.
Cela vous permettra de voir là où vous êtes redondant et là où certaines informations manquent pour assurer la cohésion de l’ensemble.

Vous appréhenderez aussi un sens du rythme de votre histoire. Vous pourrez ainsi ajouter de l’action là où l’inertie devient trop pesante ou à l’inverse, ralentir les choses lorsque la tension soutenue ne permet plus au lecteur de reprendre son souffle.

Acte Un

La fonction de l’acte Un est d’introduire vos personnages principaux, votre thème, votre point de vue, votre genre, l’époque et le lieu ainsi que votre style.

Nous vous conseillons la lecture de
LA NOTION DE STRUCTURE PAR SYD FIELD
pour avoir une approche d’une structure possible.

A la fin de l’acte Un, le problème du protagoniste devrait être clair et distinct dans l’esprit du lecteur. Ainsi, l’on sait à propos de qui est l’histoire et ce dont elle parle.
C’est aussi au cours de cet acte Un que vous accrocherez votre lecteur. En fait, les 15 premières pages sont vraiment déterminantes si vous souhaitez laisser une chance à votre scénario.

A lire :
. L’ACCROCHE ET LE CŒUR
. L’ACCROCHE

Avec ses 25 pages en moyenne, l’acte Un ne laisse pas beaucoup de place pour en gaspiller.
Personnages principaux, thème, point de vue… demandent une organisation certaine pour apparaître au début de votre histoire.

Si vous avez planifié celle-ci, il sera plus facile alors d’introduire ces éléments dramatiques.
D’autant plus que toute votre fiction dépends de ces 25 premières pages en moyenne.

 A lire :
LE PREMIER ACTE

Que s’est-il passé au cours de cet acte Un ?

A la fin du premier acte, lorsque le protagoniste prend en charge son problème, le lecteur sait dans quel type d’histoire il s’est engagé.

Il a rencontré le héros, ses alliés éventuels, l’antagoniste et le mentor. Si l’on considère qu’une histoire, c’est souvent quelque part un apprentissage, l’on comprend l’importance du mentor.

Le lecteur a appris à connaître ce héros, son quotidien et ses problèmes personnels.

Il s’est aussi rendu compte que le protagoniste avait une certaine idée pour résoudre un problème. Mais que les autres personnages avaient des vues différentes sur cette façon de faire.
Les tentatives de solutions au cours de ce premier acte ont mené à plus de complications.

A la fin de l’acte Un, le protagoniste se retrouve face à un dilemme moral et une crise qui le pousse à s’engager dans une aventure.
Cette fin d’acte qui prend la forme d’une crise majeure pour le héros informe le lecteur sur le sujet de l’histoire.

Le protagoniste est ainsi forcé de quitter son quotidien, sa routine de vie. Il doit maintenant s’engager dans un monde qu’il ne connaît pas.

Il pense bien sûr pouvoir solutionner son problème rapidement et retrouver le petit confort de son fallacieux quotidien. Mais le second acte lui réserve quelques surprise.

Acte Deux

Le second acte est au centre de l’histoire. Littéralement. C’est l’intrigue proprement dite.

Il incarne le thème de l’histoire en illustrant le parcours personnel du héros. Ce parcours montre un changement, une évolution du personnage. Il grandit au fil de ses épreuves. Il apprend de ses erreurs afin de défaire son antagonisme au moment du climax.

L’acte Deux c’est l’histoire dans l’histoire. Dans Witness, par exemple, c’est l’histoire de John et de Rachel cherchant à se découvrir l’un l’autre alors que le monde autour d’eux s’active en présageant de l’imminence du chaos.

C’est d’ailleurs un motif assez récurrent.
Le second acte est certainement le plus important. C’est à travers lui que le lecteur peut partager ce que ressent le personnage principal.

C’est au cours du second acte que le lien entre le lecteur et le héros est le plus fort. Il y a énormément à faire dans l’acte deux.

Nécessité d’une planification

Dans l’intrigue, les risques et les dangers dont votre héros sera menacé montent progressivement en puissance. Les défaites qu’il subit sont progressivement plus douloureuses.

Il faut savoir organiser les événements. Il faut comprendre leur consécution. Comprendre les causes et les effets ou bien les raisons et les fins des actions entreprises.
Planifier ces événements est donc essentiel comme travail préparatoire à l’écriture détaillée des scènes.

Exploration

L’acte deux est le lieu idéal pour explorer les réactions émotionnelles de chaque personnage aux événements. Et probablement plus intéressante, la profonde complexité des relations amplifiée par les émotions qui s’exposent à nu devant la pression des faits et des actions.

Au début de l’acte Deux, le protagoniste n’est pas enclin à changer. Il n’est certes pas entré dans son aventure à son corps défendant bien qu’il ait fait montre d’une réticence certaine.
Il n’a simplement pas encore conscience de l’urgence à changer.

Depuis la fin de l’acte Un, il est face à un gros problème. Tout ce qu’il espère maintenant, c’est de pouvoir le résoudre facilement et rapidement afin de retrouver ses pénates.
Les premiers obstacles seront soit vite contournés, soit de peu de conséquences en cas d’échec.

Mais, qu’elle que soit la portée des épreuves, cette accumulation ajoute à ses peurs. Il réexamine sa vie. Il perd foi (dans le monde, dans les autres ou en lui).
Puis il retrouve la foi, du moins acquiert-il de nouvelles croyances, de nouvelles valeurs. Il s’ouvre à lui de nouvelles visions, de nouvelles perspectives. Peut-être même voit-il les autres sous un autre jour : de nouvelles relations lui sont offertes.

L’envie de changer se fait jour en lui. Il en comprend la nécessité. Il s’engage envers des choses qu’il n’avait jamais faite ou dont il ne se sentait pas capable de faire.
Il lui arrivera aussi de devoir prendre des décisions immorales. Il le sait mais il sait aussi qu’elles seront nécessaires.

La mort ou la perte seront à ses côtés tout au long de son aventure. Il sera sur le point d’abandonner (une crise structurellement indispensable).
Mais il tiendra bon et combattra toujours pour le bien ou le vrai.

Un acte Deux complexe

C’est certainement l’acte le plus difficile à écrire parce que le plus complexe. C’est d’ailleurs au cours de ce second acte que le scénario est le plus exposé à la médiocrité.

Pour échapper à cette dernière et à la frustration du lecteur dans la foulée, une solide structure émotionnelle est indispensable.
Planifiez attentivement les scènes du second acte si vous ne voulez pas tout embrouiller et rendre confuse la compréhension de votre histoire par le lecteur.

A lire :
. LA GALERE DU SECOND ACTE
. UN EXEMPLE DE STRUCTURE

Acte Trois

L’acte Trois débute avec le défi le plus grand pour le protagoniste. A noter que certaines structures place cet ultime confrontation vers la fin de l’acte Deux.

Tout comme les plus grandes batailles, le climax procure une certaine grandeur au héros. Le mot bataille ici est à prendre très souplement. En effet, toutes les batailles sont différentes et n’impliquent pas nécessairement de la violence.
Certaines batailles pourraient être des mots d’amour qui n’avaient pu être dit jusqu’à présent, mais qui demandaient un vrai courage pour être proférés.

Une démonstration de courage

Ce climax devrait être magnifiquement orchestré. Après tout, le protagoniste va faire quelque chose qu’il n’a jamais fait au cours de son aventure.

Cette bataille sera gagnée (quel qu’en soit l’issue). L’antagoniste introduit dès l’acte Un sera enfin vaincu.
Il s’agit de la fin de l’intrigue.
Donc il est temps de finir l’histoire.

La résolution de l’histoire

En fait, deux options s’offre à l’auteur.
Soit il part du principe que le conflit intérieur de son héros doit être résolu pour qu’il puisse accomplir sereinement le climax.
Soit, à la suite du climax, il lui reste un dernier combat : vaincre ce qui se passe dans son cœur et son âme.

Dans ce dernier cas, le protagoniste a abouti à une nouvelle compréhension de lui-même à la suite des expériences qu’il a vécues. Le climax est alors l’expérience la plus terrible.

Que la résolution du problème personnel du personnage principal soit dans l’acte Deux ou l’acte Trois, il n’en reste pas moins une composante de la résolution globale de l’histoire.
L’auteur apporte une réponse.
Dans Witness par exemple, Sarah et John ont compris qu’il leur est impossible de vivre ensemble.

Il est certain, cependant, que la résolution ouvre des possibilités que les personnages avaient déniées jusqu’à présent. il faut résoudre l’histoire d’une façon honnête, ne pas forcer sur les choses.

Un message universel

C’est ce qu’apporte l’acte Trois. La fin de l’histoire nous éclaire sur des considérations importantes de notre propre vie. Elle nous rappelle notre condition humaine.

Elle nous fait comprendre que nous sommes faillibles mais aussi digne d’être aimés et pardonnés.
Tout ceci pour dire que la résolution de l’histoire a une responsabilité morale envers le lecteur. Il doit donc lui être accordé une véritable réflexion.