L’œil de Pulp #29

Alors … De quel film est issu ce screen ?

La réponse ci-dessous …

ELEPHANT SONG photos: Sébastien Raymond. seb@sebray.com

Crazy Horse (2011) / réalisé par Frederick Wiseman / Avec Naamah Alva, Daizy Blu, Philippe Decoufle

En 2011, Frederick Wiseman pousse une fois de plus la porte d’une institution parisienne, celle de son plus célèbre cabaret : Le Crazy Horse. Dans ce documentaire, il use de son pouvoir de réalisateur, le pouvoir de montrer. Il s’agit en effet de montrer comment Wiseman monte son documentaire à l’image d’une revue de Cabaret, il fouille et et explore ce monde de la nuit qui se construit le jour. Le réalisateur va au delà de la provocation des prouesses dénudées des danseuses. De plus, la caméra de Wiseman filme souvent que des fragments de corps en très gros plans, qui rendent abstraite la nudité, qui n’est pas l’objet filmé. Il se lance dans une entreprise de déconstruction de l’illusion du spectacle par la construction même de son documentaire. Car si le Crazy Horse se rejoint avec le cinéma de Wiseman en un point, c’est qu’il s’agit avant tout d’art. Il dévoile les entrailles de cette grande institution, comment cela fonctionne et pourquoi. Wiseman ici nous fait découvrir autant les ficelles d’une entreprise du spectacle que le spectacle des corps du Crazy en lui même. Le réalisateur bâtit son film autour du mensonge et du faux-semblant.

Le film s’ouvre et se referme sur un numéro d’ombres chinoises. L’image abolit toute connotation sexuelle et confère davantage un aspect professionnel à la séquence. Ces jeunes femmes ont un véritable métier qui ne consiste pas uniquement à danser dénudée tous les soirs. Wiseman, avec ces quelques images annonce dès sa séquence d’ouverture le ton du film : dévoiler le faux orchestré par le Crazy Horse. Au montage, Wiseman alterne entre séquences du show des danseuses et séquences en coulisses, ou de l’organisation et de l’équipe autour. Aussi, il défait l’illusion du spectacle, montrant que tout est calculé pour parfaire le mensonge et le mystère servit aux centaines de spectateurs chaque soir. Il déconstruit le spectacle et en dévoile le cœur. Il met au jour l’illusion des jeux de reflets et de lumière qui nourrissent les fantasmes de la salle. Il la met en garde contre le caractère factice des apparences.

A l’image de Philippe Découflé qui monte sa revue, Wiseman est au montage le maître de ballet. Le documentaire prend la forme d’un spectacle comme si la salle de montage plaçait un miroir entre le film et son objet. Il a à sa disposition des corps et des objets, des prises de vue qu’il doit lui aussi modeler. Le corps au cinéma est aussi une ombre, une silhouette projeté sur une toile. La séquence d’ouverture sur les ombres chinoises peut être également vue comme une métaphore du cinéma et un clin d’œil aux questions de cinéma que pose également Wiseman dans ce documentaire. Il fait de Paris ses propres interludes, la Seine, les rues et les cafés viennent comme plans de transition entre deux séquences de numéro. Il insert des plans directement pris dans le réel, qui viennent rappeler que toute la magie du spectacle n’est que de la facticité qui appartient au réel. Il montre la devanture du cabaret, les rues et immeubles qui l’entoure, comme pour rappeler que le Crazy Horse est avant tout une institution du réel avant d’être le monde du mensonge.

Synopsis:

Entrez dans les coulisses du temple mondial de la sensualité, le Crazy Horse…
Pour son 39e film, Frederick Wiseman lève le rideau d’une troisième institution française après la Comédie Française et le Ballet de l’Opéra de Paris.
Au cœur du plus avant-gardiste des cabarets parisiens, la caméra du documentariste américain suit le metteur en scène Philippe Decouflé et Ali Mahdavi, directeur artistique, qui réinventent les numéros de la célèbre revue de danseuses nues.
Découvrez la vie du Crazy, des répétitions aux représentations publiques…

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